Évaluation de la qualité des semences de coton sur la base des tests préliminaires au laboratoire de trois sites de multiplication dans le bassin cotonnier du Sénégal

Auteurs-es

  • Babacar NIANG Cellule Recherche Développement, Société de développement et des fibres textiles, Sénégal
  • Latyr DIOUF Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, Centre de Recherches Agricoles de Tambacounda, Sénégal
  • Abdou TRAORÉ Cellule Recherche Développement, Société de développement et des fibres textiles, Sénégal
  • Mokho SARR Cellule Recherche Développement, Société de développement et des fibres textiles, Sénégal
  • Assane DIOP Cellule Recherche Développement, Société de développement et des fibres textiles, Sénégal
  • Moustapha GUEYE Institut Sénégalais de Recherches Agricoles, Centre de Recherches Zootechnique de Kolda, Sénégal

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.11232241

Mots-clés :

Semence, coton, délintage, table densimétrique, seed index, parasitisme, Sénégal

Résumé

Les semences de coton constituent un important facteur de production dont la maîtrise conditionne le rendement de la culture. Son approvisionnement dans ce cadre est caractérisé par un système de production de qualité, revêt une importance stratégique et constitue un préalable indispensable à toute action d'amélioration des rendements de la filière cotonnière sénégalaise. A chaque cycle de multiplication, des risques de contaminations peuvent entraîner la baisse de la qualité d’où l’objectif de mettre en place des mécanismes de tests préliminaires permettant d’évaluer la variabilité des différents paramètres afin de caractériser le comportement de chaque lot de semences issue des zones de multiplication. L’expérimentation a été réalisée entre 2018, 2019 et 2020 sur les semences multipliées dans les sites de Kédougou, Linkering et Pakour. Les résultats de cette étude ont montré des différences significatives sur la qualité des semences en fonction des sites et des années de production. La forte corrélation entre les différents paramètres de qualité montre la pertinence de l’évaluation du seed index, le pourcentage de graines immatures et le taux de graine en amandes parasitées pour une bonne appréciation sur le choix de la qualité des semences vêtues destinées à l’unité de délintage. Les semences issues de la zone de Kédougou ont donné les meilleurs résultats sur chacun des paramètres par rapport à celles de Linkering et de Pakour, nonobstant un niveau de parasitisme important (près de 15%) constaté en fin de campagne qui a fait chuter le taux de germination à 80% suite à un triage inadéquat de la table densimétrique causé par un seed index très élevé entre 2018 et 2019. L’évolution du taux de germination de la semence de Linkering et Pakour à 85% montre l’impact positif du délintage sur la qualité de la semence et du bon triage adéquat de la table quand le seed index est faible. La récolte précoce du coton graine, la fertilisation, le suivi de l’itinéraire technique, les traitements insecticides appliqués entre l’éclatement des capsules et la récolte ainsi que la maîtrise du réglage de la table permettront de mieux gérer la qualité des semences de coton au Sénégal.

Mots clés: Semence, coton, délintage, table densimétrique, seed index, parasitisme, Sénégal

INTRODUCTION

Le cotonnier (Gossypium hirsutum L.) est l’une des plantes à fibre les plus cultivées dans le monde (Amonmidié et al., 2020). La culture est pratiquée dans des conditions très diverses et est majoritairement assurée à 77% par des petits producteurs dans les pays en développement, pour qui elle représente, le plus souvent, la principale voire l’unique source de revenus (Moussa, 2006). Le secteur cotonnier contribue grandement aux économies d’un certain nombre de pays en développement, ainsi qu’aux moyens d’existence de millions de petits exploitants agricoles dans le monde (FAO, 2021).

En Afrique sub-saharienne, le coton joue un rôle stratégique dans l’économie agricole des zones de savane et est indispensable dans l’épanouissement socio-économique des populations. Selon le Comité Consultatif International du Coton (CCIC ou International Cotton Advisory Committee ICAC), en 2021, le coton africain a augmenté de 32% à 1,3 million de tonnes des exportations mondiales (ICAC, 2021). A l’instar des autres pays producteurs, au Sénégal, le cotonnier est la deuxième plante industrielle et la principale culture de rente dans le tiers sud du pays, ce qui lui confère une grande importance dans la mise en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté (Diouf et al., 2017). Le coton représente 1,4% du PIB national (Fall, 2013) et reste encore la principale source de revenus financiers (5 à 7,5 milliards par an). Depuis 2013, la production cotonnière subit des fluctuations avec une forte tendance à la baisse. Une production qui est passée de 26 545 tonnes en 2014, 17 009 tonnes en 2016 et 21 776 tonnes en 2021 (Diouf et al., 2017; Sarr et al., 2021; Traoré et al., 2021) et qui ne cesse de chuter au cours des deux dernières années avec des rendements inférieurs à 1 t/ha. Ces contres performances sont liées à plusieurs mécanismes parmi lesquels le manque de suivi de la mise en œuvre de bonnes pratiques culturales, le développement d’un complexe parasitaire très diversifié et relativement cosmopolite marqué par une forte infestation de Jassides (Ambrasca bigutulla) et la qualité des semences utilisées. Les semences constituent un important facteur de production dont la maîtrise conditionne le rendement de la culture (Achigan-dako et al., 2014).

La disponibilité des semences de qualité au Sénégal constitue l’une des principales contraintes à l’intensification durable de la production agricole. Elles contribuent à près de 30 % de la productivité des cultures (FAO, 2003; Dembélé, 2011). D’après Kpedzroku et al. (2008), la qualité des semences (pureté variétale, pureté spécifique, pouvoir germinatif, vigueur, état sanitaire, taux d’humidité) pourrait contribuer jusqu’à 40 % à l’accroissement des rendements. Le système de production de semence de coton reste très complexe avec un processus agro-industriel passant de la mise en culture au champs jusqu’ à la production industrielle à l’unité. Le délintage, qui consiste à éliminer le linter des graines, peut se faire par brûlage ou par des moyens mécaniques (délinteuse) ou chimiques (à l’aide d’acide sulfurique, concentré ou dilué, ou par gaz chlorhydrique). Cette opération, facultative dans le système d’obtention des semences de cotonnier, est indispensable dans le cas d’un semis mécanique (Cretenet et Dessaw, 2006; Djaboutou et al., 2016). En culture manuelle, elle est recommandée, car elle améliore le pouvoir germinatif d’un lot de semences (du fait qu’au cours de l’opération les graines vides sont éliminées) et la levée est plus rapide et plus homogène depuis le champ (SODEFITEX, 2011).

Au cours du cycle de production de semence, plusieurs facteurs tels que la sécheresse, le froid, les maladies et les insectes peuvent affecter directement ou indirectement la croissance capsulaire (Turner, 2013; Badiane et al., 2015), qui aura un effet adverse sur la bonne formation de la graine (Cauquil, 1968; Djihinto et al., 2022). Au laboratoire, la qualité des semences de coton s’apprécie selon un grand nombre de composants dont certains ne peut relever d’une simple observation (Turner, 2013). L’examen à l’œil nu des graines dèlintées à l’acide sulfurique permet d’éliminer les amandes blessées par les différentes manipulations et le pourcentage de graines immatures. Les coupes d’amande peuvent aussi donner une idée de l’état sanitaire et du degré d’oxydation des tissus cotylédonaires (Cauquil, 1968). Ainsi, l’objectif de la présente étude était d’évaluer la variabilité des différents paramètres pouvant affecter la qualité des semences sur la base des tests préliminaires effectués au laboratoire dans le but de caractériser le comportement de chaque lot de semences issu des zones de multiplication pour une rentabilisation et un choix judicieux des lots de semences vêtues destinés à l’unité de production de semences délintées.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Sites d’étude

Les expérimentations ont été conduites durant 3 ans (2018 à 2020) dans le bassin cotonnier sénégalais. La zone cotonnière est divisée en quatre régions de production cotonnière et chacune est répartie en secteurs (Ndour, 2018). Il s’agit des régions agricoles de Kédougou, Kolda, Vélingara et Tamba-Kahone (Figure 1). La région de Kédougou se situe entièrement en zone humide tandis que les autres régions recouvrent deux zones climatiques distinctes zone humide et médiane pour Vélingara et Kolda et zone médiane et sèche pour Tamba-Kahone). Dans le cadre de notre expérimentation, Trois secteurs ont été choisi pour la production de semence: les secteurs de Kédougou, Linkering et Pakour. (Zone humide). Le choix des sites et des producteurs multiplicateurs dépend de la pluviométrie, de la fertilité des sols, des performances individuelles et collectives des groupements de producteur de coton (GPC), de leurs professionnalismes et à l’accessibilité des parcelles pour faciliter les missions de contrôle durant les différentes phases de cultures.

Matériel Végétal

Des semences de base G4 (Z2) de la variété togolaise STAM 129A ont été produites dans les différents sites de multiplication.

Opérations culturales

• Précédent cultural: Éviter le coton, les nouvelles friches et le sorgho; privilégier le maïs, l’arachide et la jachère.Parcelle suffisamment isolée des autres vagues de coton; la distance d’isolement minimale est de 150 mètres entre parcelles de différentes générations d’une même variété et de 250 mètres entre parcelles de variétés différentes. Parcelle correctement piquetée.

• Préparation du sol: Assurer un bon lit de semis; labour et/ou houage croisé avant semis, éviter le semis direct, sans labour.

• Semis / levée: Semer tôt; les levées après le 15 juillet sont hors contrat et ne sont plus du programme de multiplication de semences coton. Semer en humide de préférence; après une pluie de 20 mm.

• Arrachage des hors types: Accepter l’arrachage des hors types tant qu’ils ne compromettent pas la densité (50.000 plants/ha au minimum).

• Sarclage et démariage: Le premier sarclage sera associé à un démariage et ces deux opérations devront être réalisées au plus tard 10 jours après la levée complète; laisser 1 à 2 plants par poquet (semis manuel) ou 7 à 8 plants par mètre linéaire (semis mécanique), selon la densité vulgarisée.

• Fertilisation NPK: Elle doit se faire en fond, au semis de préférence et sera réalisée au plus tard 10 à 15 jours après la levée en couverture. L’épandage de l’engrais sera localisé tout au long de la ligne de semis et sera immédiatement recouvert (action du premier sarclage par exemple). Le NPK peut également être épandu à la volée avant le labour et le semis. Dans tous les cas son recouvrement est obligatoire.

• Fertilisation Urée: L’épandage de l’urée devra être réalisé à l’apparition des premières fleurs 45 - 50 jours après levée en couverture. Il sera immédiatement recouvert par un buttage.

• Protection phytosanitaire des parcelles: Respecter scrupuleusement la stratégie, le calendrier et les doses de traitement préconisées par le calendrier de traitement.

• Récolte du coton graine: Séparer soigneusement la production des parcelles du 1er et 2ème groupe. Réaliser la récolte précoce du coton graine et sécher la production au soleil pendant au moins une journée. Trier à la récolte le coton blanc du coton jaune, sale et des «quartiers d’orange». Stocker le coton graine de manière à ne pas provoquer des mélanges avec du coton graine d’autres générations de semences/ou variétés. Ne pas stocker le coton graine à même le sol.

Collectes de données

Après la récolte, toute la production est évacuée au niveau des différentes usines d’égrenages avec des bordereaux de liaison rigoureusement renseignés (variété, vague, site de production et poids). Un agent semencier se charge de la réceptionne à partir du pont-bascule de l’usine d’égrenage de toutes les caisses arrivant avec du coton graine issu de parcelles de multiplication de semences. Il programme leur égrenage avec les services de l’usine. L’égrenage se fait en douceur pour préserver l’intégrité de la graine de coton. La vitesse d’égrenage est réduite au maximum à 8 kg/scie/h. Il se fait sous le contrôle et la supervision de l’agent du volet semencier (SODEFITEX, 2011).

Paramètres mesurés

Dans le cadre des tests préliminaires réalisés au laboratoire, plusieurs paramètres seront étudiés pour apprécier la qualité de la semence vêtue destinées à l’unité de délintage. Chaque échantillon est subdivisé en deux partie dont l’une est utilisé pour le délintage manuel afin de mesurer le seed index (SD), le pourcentage de graines blessées à l’égrenage (BE), le pourcentage de graines ayant des amandes parasitées (AP), le pourcentage de graines immatures (IMM); le taux de flottaison (FL), le pourcentage de bonnes graines (BG) et le taux de germination. Ces variables ont été mesurées en quatre répétitions de 100 graines pour chacun des paramètres. L’autre partie servira d’évaluer le seed index de la semence vêtue (SV) et le taux de germination de la semence vêtue avec quatre répétitions de 100 graines selon les normes de l’ISTA.

Analyses statistiques

Le logiciel R version 4.2.3 (R Core Team 2020) a été utilisé pour l'analyse statistique et le logiciel QGIS version 3.4.14 a été utilisé pour la réalisation de la carte. Le test Tukey au seuil de 5% a été utilisé pour faire la comparaison des moyennes. Dans le logiciel R, les packages ggplot2 (Wickham, 2016), data.table (Dowle and Srinivasan, 2021) plyr et dplyr (Wickham et al., 2022) ont été utilisés.

RÉSULTATS

Pluviométrie

Au niveau pluviométrique, les pluies de l’hivernage 2018 se sont montrées avec des cumuls annuels de 1100 mm à Kédougou, 900 mm à Pakour et 850 mm à Linkering. L’année 2019 a été la plus pluvieuse pour le secteur de Kédougou avec une moyenne de 1400 mm contre une moyenne de 1000 mm pour les secteurs de Linkering et Pakour.

En 2020, les quantités de pluies reçues ont été très importantes dans le secteur de Linkering avec un cumul de 1384 mm suivi du secteur de Pakour qui est à 1310 mm et le secteur de Kédougou qui est à 1125 mm. Au cours de ces trois années d’études, seul le secteur de Kédougou a réalisé des cumuls moyens annuels de 1000 mm et les deux autres secteurs ont présenté des déficits pluviométriques qui se situent entre 800 et 900 mm en 2018 (Figure 2).

Analyse de la fréquence de données

La fréquence des données a montré que pour les différents paramètres étudiés au laboratoire, le seed index de la semence vêtue est très important avec en moyenne de 8,5 à 9,0 g entre 2020 et 2019 (Figure 3A). Pour le seed index de la semences délintées, c’est les mêmes observations qui se confirment avec 8,0 et 8,5 g (Figure 3B).

Le pourcentage des graines en amandes parasitées, la figure 3C montre qu’en 2018, cette valeur est très importante et est comprise entre 10 et 15% comparée à 2019 et 2020 où le pourcentage varie entre 5 et 10%.

La fréquence des données avec le pourcentage de graines immatures (Figure 3D) montre que les valeurs les plus élevées ont été observées en 2020 avec des pourcentages de plus de 20% par rapport aux deux premières années (2018 et 2019).

Pour le taux de flottaison, les observations sur la fréquence montrent des taux assez élevés de plus de 30% en 2018 (Figure 3E) et les taux les plus faibles ont été notés en 2019 avec des pourcentages limites de 20 à 25%.

Le taux de blessées égrenage est très élevé entre 2019 et 2020 comparé à 2018 où les fréquences ont été très faibles avec une moyenne inférieure à 10% (Figure 3F).

La figure 3D présente la fréquence des données sur le pourcentage de bonnes graines. Les observations montrent que c’est entre 2019 et 2020 où on a observé que pour plus de 50% des lots de semences testées ont des pourcentages de bonnes graines supérieur ou égale à 70%.

Le taux de germination de la graine vêtue montre que les pourcentages les plus élevés ont été observés en 2019 (+70%) comparé en 2018 et 2020 où les observations montrent que 25% des lots testés présentent des taux de germination compris entre 50 et 60% (Figure 3H).

Le taux de germination de la semence délintée montre qu’au cours des trois années d’étude, aucun lot de semence délintée ne présente un taux de germination inférieur à 70%. Et l’année 2019 a été celle où on a observé que plus de 50% des lots de semences testés ont un taux de germination supérieur ou égal à 80% (Figure 4).

La corrélation entre différents paramètres étudiés

Les observations de la figure 5 montrent la corrélation qui existe entre les différents paramètres étudiés et le taux de germination de la semence délintée (TGDD). Il ressort de ces résultats qu’il y a une corrélation négative (-0,123***) entre le seed index de la semence vêtues entre (SV), le pourcentage d’amendes parasitées (-0.034***), le seed index de la semence délintée (-0,085**), le taux de flottaison (-0,119***), le taux de germination de la semences vêtue (0,055*) et le taux de germination de la semence délintée (TGDD).

Évaluation des paramètres de test sur la qualité des semences en fonction des sites et des années de production

La figure 6A1 montre l’analyse de la variance des différents paramètres en fonction des sites et des années de production. Il ressort de ces résultats que pour le seed index de la semence vêtue, les lots issus du site Kédougou ont enregistré les plus grandes valeurs suivies du secteur de Linkering quel que soit l’année d’expérimentation. Les années 2019 et 2020 ont donné en moyenne un seed index de 9,0 g par rapport à la première année d’étude (2018) où on a enregistré un seed index de 8.4 g.

Les mêmes observations ont été notées pour le seed index de la semence délintée (SD) suivant les analyses statistiques avec en moyenne de 8,0 g pour 2019 et 2020 (Figure 6B1).

Les observations de la figure 6C1 montrent des différences significatives du taux de flottaison qui a enregistré la valeur la plus faible dans le site de Kédougou au cours des différentes années d’études. Les années 2019 et 2020 ont montré les meilleurs résultats avec un taux de flottaison le plus faible en moyenne inférieur ou égale à 20%, quel que soit le site de production.

La qualité de l’égrenage du coton graine à l’usine est beaucoup plus respectée à Kédougou qu’aux autres sites avec un pourcentage de graines blessées égrenage nettement significatif (Figure 6D1). Les résultats de ces analyses montrent que pour toutes les usines d’égrenage, même si les taux les plus faibles ont été enregistrés à l’usine de Kédougou, le pourcentage de blessées égrenage est inférieur ou égal 10%.

La figure 7 présente l’évaluation de la qualité des semences en fonction des secteurs de production. Sur l’ensemble des sites, l’analyse de la variance montre une évolution des taux de semences immature en fonction des années et des sites avec une probabilité significative (0,001**). Le secteur de Pakour a enregistré le plus fort taux entre 2019 et 2020 avec des pourcentages supérieurs à 20%. Si l’on regarde le pourcentage d’amandes parasitées, les observations indiquent que celui-ci est relativement constant entre le site de Kédougou et de Pakour avec une moyenne de 10%. Les secteurs de Linkering ont enregistré les plus faibles taux durant les trois années d’étude (inférieur à 10%).

Les observations montrent la qualité des semences avec le pourcentage de bonnes graines qui varie en fonction des années pour tous les secteurs avec les meilleurs taux enregistrés en 2018 soit une moyenne de 80% pour Kédougou, et 75% pour les secteurs de Linkering et de Pakour (Figure 7G1).

Le potentiel germinatif de la semence vêtue est compris entre 65% et 72% quel que soit l’année et/ou le site de production même si l’analyse statistique présentent des différences significatives (0,001**) entre le secteur de kédougou et les deux autres sites (Linkering et Pakour) au cours des trois années d’expérimentations.

Le graphique 8 présente l’évolution de la qualité germinative des semences délintées (TGDD) en fonction des sites de production. Les observations montrent une fluctuation du taux de germination de la semence en provenance de Kédougou avec tendance baissière entre 2018 et 2019, en comparaison aux lots de semences issus du secteur de Linkering et de Pakour qui sont en moyenne de 85%. C’est seulement en 2020 qu'on a observé une nette amélioration du pouvoir germinatif des graines en faveur du secteur de Kédougou avec une moyenne de 80% contre 75% des semences de Linkering et de Pakour.

DISCUSSION

Les résultats sur la pluviométrie en fonction des différentes zones de production montrent que le site de Kédougou est plus pluvieux que les deux autres sites, même si ces derniers ont un cumul pluviométrique de 1200 mm entre 2019 et 2020. La conduite de la multiplication de semences en zones humides permet à la plante de boucler son cycle de développement avec une production de qualité. Ainsi, la capacité à pouvoir conduire une multiplication de semence de qualité à Kédougou qui a la pluviométrie la plus importante pour les trois années d’expérimentation explique en partie la qualité de la semence issue de cette zone de production. Ces résultats sont confirmés par Lacap (1998) et Traoré (2024) qui ont montré que l’amélioration hydrique de la plante du cotonnier pourrait passer par des actions favorisant un apport positif sur la qualité des semences, particulièrement sur la capacité germinative de la graine. En effet, cette baisse de qualité constatée en 2018 sur les semences de Linkering et Pakour montre une grande fragilité vis-à-vis des conditions environnementales. Un tel résultat a été rapporté par Radhouane et al. (2014) qui ont montré qu’un déficit hydrique survenu au stade de développement de la graine est plus désastreux sur la qualité et le remplissage des graines de sorgho. De même, Bianchetti (2021) a pu montrer dans son étude que les impacts du stress hydrique sur le développement et l’acquisition des qualités de la graine sont majoritairement indirectes et associés aux impacts du stress sur la variation des ressources synthétisées et mobilisées par la plante mère vers la graine. Cependant, pour le seed index (poids de 100 graines) de la semence, nos résultats montrent que les meilleurs taux ont été enregistrés dans les zones les plus pluvieuses (Kédougou) avec une moyenne de 9,0 g pour SV et 8,0 g pour SD. Par contre, les plus faibles valeurs ont été enregistrées en 2018 dans le site de Linkering et de Pakour montrant que dans ces deux sites, le cotonnier éprouve une incapacité à maintenir une assimilation de carbone suffisante pour la formation des graines, ce qui se traduit par un faible remplissage (Radhouane et al., 2014) et une diminution du seed index. La fertilité des sols dans la zone de Kédougou montre une bonne nutrition minérale de la plante qui augmente le poids et la qualité des semences (Koutouan et al., 2017). Le taux de flottaison observé sur la semence explique cette forte négative corrélation qui existe entre ce paramètre et le seed index (-0,635**). Nos résultats prouvent que plus ce pourcentage est élevé moins grand sera le seed index. En effet, cette faible corrélation entre le taux de flottaison et le taux de germination de la graine (0,063*) montre que la réduction de la taille de la graine peut ne pas affecter sa germination dans les conditions optimales (Cauquil, 1968). L’évolution de ce paramètre sur un lot de semences donné révèle un taux excessif de graines immatures (-0,171**) qui sera éliminé suite à un bon triage de la table densimétrique. Les observations sur le pourcentage des graines immatures montrent que ce paramètre est très intéressant et permet de décrire les conditions de cultures de la zone dont la pluviométrie, la nutrition minérale, le niveau de protection phytosanitaire ainsi que le respect du suivi de l’itinéraire technique établi dans le cadre du programme de multiplication de semences. Ces résultats sont observés par Sekloka (2006) qui montre que le cotonnier est une plante dont le développement de son cycle et sa morphologie, interagissent fortement avec les conditions environnementales, de stress biotiques ou abiotiques, ou avec les paramètres de l’itinéraire technique. Toutefois, ces facteurs peuvent affecter négativement la qualité des semences en augmentant le pourcentage élevé de graines immatures s’ils ne sont pas maîtrisés durant le cycle de culture. Ces mêmes résultats corroborent ceux des études de Kavithe et al. (2005) qui montrent que la présence des pathogènes favorise une baisse des paramètres liés à la qualité des semences. Les facteurs édaphiques et biotiques du sol ainsi que la non disponibilité en éléments minéraux peuvent conditionner une augmentation du pourcentage de graines immatures. L’évaluation du taux de blessées égrenages renseigne sur la qualité de l’égrenage du coton graine au niveau des usines. Les résultats montrent que l’usine de Kédougou (inférieur ou égale à 5%) a eu le taux le plus faible par rapport à celui de Vélingara qui se trouve à près de 10% entre 2019 et 2020 (Figure 6D1). Ces blessures sont liées à un mauvais réglage de la vitesse d’égrenage (maximum entre 8 à 10 kg/scie/h) et aussi de la taille des graines. Le seed index des lots de semences issues du secteur de Linkering et de Pakour (Figure 6A1) explique ces forts taux enregistrés en 2018, 2019 à l’usine d’égrenage de Vélingara. Ces résultats confirment les études de Gawrysiak et al., (2009) qui montrent que la présence de petites graines ou altérées pourraient aussi augmenter les taux de casse et affecter les caractéristiques de la couleur de la fibre. En outre, l’apport de l’acide entraîne une perméabilité du tégument de la graine (Cauquil, 1968) ce qui pourrait entraîner une détérioration de la membrane cellulaire au sein de la graine, due en particulier au processus d’oxydation (Turner, 2013) des graines blessées en contact avec l’acide lors de l’opération de délintage. Ces observations expliquent la corrélation négative (-0,026**) qui existe entre les blessées à l’égrenage (BE) et le taux de germination de la semences délintées (TGDD). Le pourcentage de graines à amandes parasitées montre le niveau de protection de la semence durant le cycle de culture. Dans notre expérimentation, le niveau protection phytosanitaire est très faible sur la production de Kédougou avec des proportions très élevées allant jusqu’à plus de 15% en 2018 et 2019 contrairement aux lots de semences issues des sites de Linkering et de Pakour qui ont des proportions très faible (Inférieur à 10%). Ce phénomène est observé en fin de campagne avec une forte infestation des Dysdercus (punaises qui se nourrissent de l’albumen des graines par l’intermédiaire d’un rostre qui perfore le tégument de la graine). Ces résultats corroborent ceux de Rebiha (2013) montrant que l’accroissement de la population d’insecte accuse une sensibilité relative à la quantité et à la qualité des protéines et autres composantes de l’amande sur le blé. Ce taux d’amandes parasitées pourrait être diminué tout simplement si la récolte du coton graine se fait au fur et à mesure de l’éclatement des capsules, autrement dit de façon échelonnée ou si un traitement insecticide était appliqué entre l’éclatement des capsules et la récolte (Dossin, 1998). Le pourcentage de bonnes graines sur trois répétitions de 100 graines montre que la qualité de la semence ne s’apprécie que lorsque cette valeur est supérieure ou égale à 60%. Les résultats observés sur ce paramètre montrent que le site de Kédougou a réalisé la valeur la plus élevée (80%) en comparaison avec les semences de Linkering et de Pakour qui sont en moyenne de 65%. Ces résultats s’expliquent par les conditions environnementales qui ont prévalu au cours des années d’expérimentation dans les différents sites. Le taux de germination de la semences vêtues reste l’un des meilleurs composants pour évaluer la qualité des semences certifiées destinées à l’unité de délintage. Au cours de cette expérimentation, il a été montré que pour tous les paramètres qui précèdent, les meilleurs taux de germination ont été réalisés avec les lots de semences issus du site de Kedougou, soit une moyenne de 79% entre 2018 et 2020 contre 74% avec une tendance constante entre le site de Linkering et de Pakour. Ces résultats s’expliquent par le comportement des tests qui approuvent que sur les trois zones d’expérimentations, les conditions pédoclimatiques ont été meilleures à kédougou que dans les autres secteurs pour une production de semence de qualité. Ces mêmes observations ont été faites sur le riz (Melie Feyem et al., 2016) montrant que le taux de germination faible et des taux élevés de graines mortes peut s’expliquer par le fait que les grains n’ont pas atteint leurs maturités physiologiques d’où les faibles quantités de réserves des graines devant assurer la germination. Cependant, les mêmes observations de Niang (2022) montrent que la faculté germinative des semences d’arachide est fortement influencée par les conditions culturales ce qui explique les meilleurs taux de germination des semences de kédougou. En effet, toutes les semences vêtues ayant un taux de germination supérieur ou égale à 60% sont certifiées pour le délintage à l’acide. Les dernières observations sur les paramètres de qualité révèlent que le taux de germination définitif des lots semences délintées issues des différents sites de production est en faveur de la production de Linkering et Pakour entre 2018 et 2019 par rapport à la semence de Kédougou. Ces résultats montrent une certaine variabilité par rapport au tests préliminaires précédemment réalisés sur la semence de Kédougou. Ces observations s’expliquent par le fait que le délintage augmente le taux de germination de la semence vêtue (Djihinto et al., 2022) qui passe de 65 à 85% pour le secteur de Pakour et Linkering entre 2018 et 2019 et de 73 à 80% pour la semence de Kédougou. Cette faible variation s’explique par le fait que le calibrage de la taille des graines de Kédougou avec un seed index élevé et un pourcentage élevé de graines avec amandes parasitées ont pu impacter le triage de la table densimétrique affectant le taux de germination, comparé aux semences de Linkering et de Pakour qui ont subi un bon triage de la table permettant d’éliminer les graines immatures avec un seed index de 8,0 g.

CONCLUSION

L’objectif de cette étude était d’évaluer la qualité des semences de coton dans les différents sites de production sur la base des tests préliminaires de laboratoire. Au cours des trois années d’expérimentation, il a été montré que la qualité des semences présente une certaine variation d’un site à l’autre. Globalement, on a constaté que la zone de Kédougou s’est montrée très performante sur l’ensemble des paramètres étudiés en comparaison aux sites de Linkering et de Pakour. Ces mêmes résultats ont pu montrer une meilleure amélioration de la qualité des semences délintées avec un net triage de la table densimétrique pour les semences de Linkering et de Pakour. Cependant, le niveau de protection faible en fin de campagne et les seed index élevés ont pu impacter la qualité du triage de la table et font chuter le taux de germination de la semence de Kédougou en 2018 et 2019. Les recommandations sur la récolte précoce du coton, la fertilisation, le suivi de l’itinéraire technique, les traitements insecticides appliqués entre l’éclatement des capsules et la récolte ainsi que la bonne maîtrise du réglage de la table de triage permettront de mieux gérer la qualité des semences de coton au Sénégal.

RÉFÉRENCES 

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Publié-e

15-06-2024

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement

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