Caractérisation et typologie des exploitations agricoles dans le Sud-Est du Niger
Résumé
Les régions de Maradi et Zinder sont des zones agro-écologiques situées dans la partie sud-Est du Niger, avec des systèmes de production essentiellement basés sur l’agriculture et l’élevage. L’objectif de cette étude est de déterminer les caractéristiques socio-économiques des exploitations agricoles à partir d’une enquête effectuée auprès d'un échantillon de 389 familles. Pour les données quantitatives, il est ressorti que toutes les familles produisent le mil et le niébé, 52,4 % le sorgho, 22,9 % l’arachide et 25,0 % le sésame. Les surfaces agricoles varient de 0,1 à 48 ha avec une moyenne de 4,2 ± 0,5 ha par famille. Aussi 80 % des ménages pratiquent l’élevage avec en moyenne 8,6 animaux par exploitation dont 40,2 % de volaille et 48,9 % des petits ruminants. L’analyse en composante principale a permis d’identifier trois types d’exploitations agricoles: le type 1 qui concerne 82,0 % des ménages avec un revenu agricole leur permettant de couvrir leur besoin pendant seulement deux semaines; le type 2 qu’on retrouve chez 17,0 % des répondants et leurs ressources leur permettent de ne tenir que pendant deux mois et le type 3 qui inclus 1,0 % des familles enquêtées dont les productions agricoles couvrent 24 mois. Aussi, tous les producteurs riches sont membres d'organisations paysannes, ce qui leur facilite l’accès aux formations techniques, aux crédits, à l’investissement agricole et aux débouchés commerciaux.
Mots clés: Revenu agricole, élevage, pauvreté, sécurité alimentaire
Téléchargements
INTRODUCTION
Le Niger est un pays sahélien confronté aux effets des changements climatiques. Les trois quarts de la population vivent dans la partie sud, soit 25% de la superficie du territoire. La principale source d’activité économique du pays est relative aux secteurs agro-sylvo-pastoraux. Ces derniers occupent plus de 80% de la population active. Sur la période 2007-2009, la contribution de ces secteurs à l’économie nationale est estimée en moyenne à 42,8% du PIB dont près de 25% pour l’agriculture, 12% pour l’élevage et près de 4,5% pour les forêts et pêche. Sur la période 2006-2010, les valeurs ajoutées de ces sous-secteurs ont respectivement progressé en moyenne de 9,5%, 2,1% et 6,3% (S.R.P., 2013).
L’agriculture est affectée par plusieurs facteurs tels que: (i) une pluviométrie très irrégulière; (ii) le faible niveau de fertilité des sols dû à la surexploitation des terres cultivables; (iii) la pression croissante des insectes ravageurs.
En dépit de la faible productivité de ce secteur, les déficits alimentaires vécus ces dernières années sont aussi accentués par la démographie galopante avec un taux annuel de croissance de la population de 3,3% (S.C.S.A.O., 2005).
A l’instar des autres pays de la sous-région, l’agriculture familiale constitue de nos jours la substance de l’économie du Niger, tant par le nombre de personnes mobilisées que par la satisfaction du marché intérieur (R.G.A.C., 2005; 2008). La majorité de la production agricole est réalisée par des exploitations agricoles familiales de petites tailles, tournées vers l’autosubsistance et dont les techniques de production restent traditionnelles utilisant peu ou pas d’intrants agricoles.
L’objectif de cette étude est de caractériser les exploitations agricoles familiales de régions de Maradi et Zinder pour comprendre leurs pratiques, la dynamique de leur fonctionnement, leur atouts et contraintes ainsi que leur organisation. Selon Lenco (1973), la typologie peut servir aux chercheurs, économistes, responsables professionnels et gouvernementaux comme outil d'analyse des comportements en agriculture et d’étude sur l'impact des mesures décidées ou projetées au niveau global ou d'une région. C’est donc un outil de planification et d’aide à la décision pour les actions de développement. Pour Benedict (1944) elle permet l’identification et la classification des groupes homogènes ayant des différences significatives au niveau des intérêts, des caractéristiques et du comportement des exploitations. La typologie permet de comprendre les problèmes de chaque classe et contribue à la réalisation des plans gouvernementaux et leur application administrative.
MATERIELS ET METHODES
Méthodes d'enquête
L’échantillonnage a été fait par la méthode de sondage avec stratification. Le critère de stratification a été le village, avec comme unité d’observation l’exploitation agricole.
Onze villages des communes de Dan Issa, Djirataoua et Safo (Maradi) et de Bandé et Magaria (Zinder) ont été sélectionnées pour la collecte des données. L’étude a concerné deux groupes socio-professionnels : les agriculteurs et les agro-éleveurs. Le choix des enquêtés a été fait par tirage aléatoire à partir de la liste des chefs d’exploitation de chaque village.
Les données ont été collectées avec 389 exploitations des deux régions du 14 août au 15 octobre 2014. La fiche d’enquête avec 113 questions a été administrée aux chefs d’exploitation. Elle comporte principalement 4 sections dont : 1) les caractéristiques des répondants ; 2) les systèmes d’exploitation ; 3) l’économie du ménage ; 4) les équipements et biens des ménages. Les informations ont été collectées après des visites des champs et lieux de résidence des répondants.
Analyse des données
Selon Lhoste (1984), les variables relatives au cheptel, aux ressources et à la taille des exploitations sont essentielles dans la typologie des exploitations. Les analyses statistiques multidimensionnelles ont permis d’identifier 26 variables discriminantes. Une analyse en composantes principales (ACP) a été effectuées avec groupe de variables selon la méthode des données dites centrées pour déterminer les différents types d’exploitation (Mbetid-Bessane et al, 2002). Les analyses ont été effectuées avec le logiciel SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) version 16.0, IBM (Chicago, Illinois).
RESULTATS
Caractéristiques des enquêtés
L’enquête a été conduite au niveau des régions de Maradi et Zinder. Les répondants sont âgés en moyenne de 48 ± 12 ans, 14% sont analphabètes et 86% lettrés à travers l’école formelle ou coranique. Les champs familiaux ont été acquis par héritage pour plus de 80% des enquêtés au niveau des deux régions. L’achat des terres est une pratique qui concerne au moins le tiers des répondants. La location a été uniquement répertoriée avec 18,8% des producteurs de Maradi (Tableau 3).
Tableau 3: Proportion des chefs d’exploitation par mode d’acquisition des terres selon les régions
La superficie totale exploitée dans les 389 exploitations s'élève à 459,25 ha, avec une SAU qui varie de 0,1 à 48 ha, soit une moyenne par exploitation de 4,7±0,47ha. La moyenne de superficie par exploitant est 2,8 fois plus importante à Zinder qu’a Maradi.
Selon les spéculations, les superficies emblavées en céréales sorgho et mil sont respectivement de 2 et 5 fois plus grandes à Zinder comparé à Maradi.
Les cultures de rente occupent 36.6% de la SAU totale exploitée. Il s’agit du niébé et de l’arachide dont les superficies moyennes par exploitants de Zinder sont de 5 à 7 fois plus grandes que celles des exploitants de Maradi puis le sésame, dont contrairement aux autres spéculations la superficie moyenne et 1,13 fois plus élevée à Maradi qu’a Zinder (Tableau 4).
Tableau 4: Superficie moyenne par exploitation des principales spéculations selon les régions
Selon les régions, la proportion des producteurs procédant des matériels agricoles varie de 10,5 à 59,4%. La houe et la pioche ont été recensées au niveau de presque tous les répondants des deux régions. Les ratios de la proportion des producteurs disposants 7 des 9 matériels répertoriés sont 1,5 à 5 fois plus importants dans la région de Maradi comparée à celle de Zinder. Pour les deux technologies restantes (charrette et houe) ces ratios sont respectivement de 0,7 à 1 fois plus importants en faveur de la région de Zinder (Tableau 5).
L’essentiel de ce matériel a été acquis durant les décennies 1996-2005 par 11,57% et 2005-2015 par 86,12%.
En considérant toujours les régions, la proportion des producteurs selon les biens du ménage varie de 33,7 à 79,9%. Le téléphone portable, la radio et la case de valeur (case avec toiture en tôle) sont les biens les plus rencontrés dans les ménages. Les ratios de la proportion des producteurs disposants ces biens cités sont 1 à 2,6 fois plus importants dans la région de Zinder comparée à celle de Maradi. Pour les deux autres biens qui servent de déplacement (Vélo et Moto), ils sont seulement 1 fois plus importants en faveur de la région de Maradi (Tableau 5)
Tableau 5: Proportion des chefs d’exploitation détenant différents types de matériel agricole animaux de trait et biens selon les régions
L’élevage est une activité pratiquée par 77,3% des exploitants des deux régions. Cette activité est plus importante dans la région de Zinder. L’analyse du cheptel d’une manière générale rend compte de l’importance de l’élevage des caprins contre celui des ânes qui le moins pratiqué. Les ratios des pourcentages de producteurs selon les espèces élevées sont 1 à 2 fois plus importants dans la région de Zinder comparée à celle de Maradi (Tableau 6).
Les effectifs moyens de caprins sont de 2 (variant entre 1 et 4), ceux des ovins (variant entre 0 et 2) et ceux des bovins de 1 (oscillant de 0 à 1). Le nombre d'unités gros bétail totales exploitées par les 389 exploitations enquêtées est de 1975.
Tableau 6: Proportion des producteurs pratiquant l’élevage selon les régions
Les répondants utilisent la main d’œuvre familiale dans 71,73% des cas et main d’œuvre salariale pour 32,40% d’entre eux. Seulement 18,3% des exploitations agricoles ont affirmé avoir emprunté de l’argent dans la zone d’étude. Les plus importantes sources de cet emprunt sont les familles et les commerçants. L’emprunt auprès des familles est 3 fois plus important dans la région de Zinder par rapport à celle de Maradi.
Analyses statistiques multidimensionnelles
Le traitement des données en ACP, a permis d‘identifier les différents groupes de producteurs. Les trois premiers axes de cette ACP expliquaient 46,61% de la variabilité totale. Ils ont été interprétés comme suit:
Axe 1: les variables composantes celui-ci sont les superficies mil, sorgho et niébé ainsi que le nombre de Volaille. Il oppose ainsi des exploitations agricoles à superficies agricoles (ha) élevées, à d'autres ayant des petites surfaces et ne produisant pas assez. Cet axe explique 24,24% de la variabilité totale.
Axe 2: Cet axe expliquant 14,03% de variabilité est principalement corrélé aux variables actives agricoles (actif homme, actif femme, actif enfant), il permet d'opposer des unités d’exploitations disposant des actifs agricoles relativement importants aux faibles.
Axe 3: expliquant environ 8,34% de la variabilité totale, il ressort les variables corrélées aux biens du ménage (Téléphone, moto, vélo, radio).
Typologie des exploitations agricoles
La typologie des exploitations agricoles par la méthode de classification a été faite sur la base de l’approche statistique en utilisant les variables les plus discriminantes puis selon le niveau de prospérité développée par Barbara Gradin (1988). Cette méthode est basée sur une discrimination selon l’accès et le contrôle sur les ressources tel que défini par la prospérité. Ainsi le nombre de types d’exploitation est fixé à trois selon les axes de l’ACP (fig4) (Très pauvres, pauvres et riches) sans perdre de vue des critères propres à certaines personnes-ressources. Ainsi deux à quatre personnes-ressources sont identifiées dans chaque village d’étude tout en tenant compte de la notion de prospérité selon le village afin d’hiérarchiser les critères qui déterminent celle-ci. Il permet ensuite d’harmoniser les critères de classification de ces exploitations avec les personnes ressources. Selon une étude de (ECVMA, 2011) dans un ménage pauvre la consommation annuelle par tête est inférieure au seuil de pauvreté qui est de 182 635,2 FCFA par personne et par an au Niger. Aussi le critère sur la base de ce seuil de pauvreté et du revenu annuel tiré de l’agriculture et de l’élevage a permis de classer les exploitations. Il découle de cette typologie (figure 4) que la plupart des exploitations agricoles sont des exploitations pauvres contrairement aux exploitations riches (1%).
Type 1: exploitations pauvres à revenu total très faible.
Dans cette catégorie d’exploitation qui représente 82% des 389 exploitations enquêtées, le mode d'utilisation du foncier a permis de comprendre les types de champs cultivés par les unités de production. Il s’agit des champs collectifs et individuels qui coexistent au sein de plus 80 % des unités de production. Ainsi 90 % des individus ont affirmé que la gestion du foncier est la responsabilité de l’homme. Pour les autres individus, les décisions sur le foncier sont prises en concertation entre le chef de l’unité de production et les membres du groupe qu’il dirige, ceci aussi bien pour les champs collectifs que pour les champs individuels. Le taux d’équipement reste faible au sein de ce type d’exploitation. Ils se servent seulement en moyenne de 3,78±0,158 houes, et 1,62±0,156 hilaires (Tableau 7).
Ces exploitations possèdent en moyenne 3,61 ha dont 2,53 ha de céréales, soit 58,89% des superficies cultivables pour mil, et 41,10% pour le sorgho. Les 1,08 ha restants sont destinés aux de cultures de rentes, soit 29,92% du total des superficies. Parmi celles-ci, le niébé occupe 68,52% et le sésame 31,48%. Le capital bétail est essentiellement constitué d’une moyenne de 2,32±0,182 caprins et de 3,27±0,679 volaille. Les biens du ménage de cette catégorie d’exploitation se résument à une radio, une case de valeur et 1 téléphone. Les produits des champs collectifs sont destinés à satisfaire les besoins de l'exploitant lui-même et ceux de ses dépendants. Ces exploitations de type familial de subsistance ont pour objectif premier d'assurer l'autosubsistance et une reproduction simple, y compris par la vente des produits de l'exploitation non autoconsommés, voire par les revenus d'activités extérieures. Ces exploitations gagnent en moyenne 46335 FCFA par an. La vente de produits d’élevage par 61,49% contribue beaucoup plus à l’amélioration du revenu total des exploitations. Les céréales sont beaucoup plus utilisées pour l’autoconsommation et n’arrivent à couvrir le besoin de 10 jours par ans avec leur revenu.
Type 2: exploitations pauvres à revenu total faible.
Cette catégorie compte 17% des exploitations. Le mode d'utilisation du foncier est le même que celui de la précédente classe. Les champs collectifs et individuels coexistent au sein de plus 75 % des unités de production. Pour les autres il n’existe que les champs collectifs. Tous les individus ont affirmé que la gestion du foncier est la responsabilité de l’homme sauf en cas de décès et de l’absence d’un homme en mesure d’occuper cette tâche. Selon les enquêtés de cette catégorie, les décisions sur le foncier sont prises en concertation entre le chef de l’unité de production et les membres du groupe qu’il dirige, ceci aussi bien pour les champs collectifs que pour les champs individuels. Le taux d’équipement est moins faible que celui d’exploitation de type 1. Ils disposent en moyenne de 4,9±0,372 houe ; 0,74±0,106 charrue UCF et 2 hilaires comme principaux matériels agricoles (Tableau 7).
Les terres de cultures moyennes possédées par ces exploitations sont de 6,48 ha dont 3,73 ha de céréales, soit 57,56% du total des superficies. Sur ces derniers, 2,75 ha sont destinés aux cultures de rente, soit 51,64% pour le niébé et 48,36% pour le sésame. Le cheptel est constitué pour l’essentiel d’une moyenne de 4 caprins et de 4 volailles. Pour les biens de l’exploitation, il s’agit d’une bicyclette, de 2 cases de valeur et de 2 téléphones.
Les produits des champs de ces exploitations sont destinés à satisfaire les besoins de l'exploitant et de tous les membres de l’exploitation. Ces exploitations sont aussi de type familial avec comme principale objectif d’assurer l'autosubsistance même à travers la vente des produits de l'exploitation non autoconsommés, voire par les revenus d'activités extérieures. Le revenu annuel moyen de cette classe est de 356669 FCFA. Soit une répartition de 78,10% du revenu tiré de l’agriculture et 21,90% tiré l’élevage. Ce qui est contraire à la précédente classe, ou le revenu total tiré de l’élevage et supérieur à celui de l’agriculture. Le nombre moyen d’actifs agricoles qui est de 3,71±0,16 est comparable à celui de la classe (3) et supérieur à celui de la précédente classe (1). Pour ce qui est du niveau de sécurité alimentaire, cette catégorie ne couvre que le besoin alimentaire de ces membres de deux mois dans l’année.
Type 3: exploitations agricoles riches à revenu total moyen.
Les exploitations agricoles de cette catégorie représentent 1% des 389 producteurs enquêtées. Celles-ci disposent une moyenne de 14,5 ha dont 9,5ha de céréales soit 65,52% du total et 5 ha soit 34,48% de cultures de rentes (niébé, arachide). Le mode d'utilisation du foncier est comparable à celui des précédentes classes. Il s’agit des champs collectifs et individuels qui coexistent au sein de plus 85 % des unités de production. Aussi tous les répondants ont confirmé que la gestion du foncier est la responsabilité de l’homme, mais les décisions sont prises en concertation entre le chef de l’unité de production et les autres membres du groupe. La disponibilité en traction animale est vérifiée dans ce type d’exploitation expliquant leur performance comparativement aux types précédant. Par contre la gestion de la traction animale incombe strictement au chef d’exploitation qui peut décider de la prêter aux membres de la famille et autres parents. Des matériels de traction animale (3 houes, 2 charrues UCF) et 6 hilaires ont été répertorié dépassant de loin le taux d’équipement des autres types d’exploitations. (Tableau 7).
Le cheptel est constitué pour l’essentiel de bovin (1), de caprins (9), et de 21 volailles. Les bien de l’exploitation se compose de 6 cases de valeur, 3 téléphones, 2 radios, 2 moto et deux bicyclettes. A la différence des précédentes classes, le revenu annuel de cette catégorie s’élève à 3 773 500 FCFA. Il est imputable aux activités agricoles à 87,12% surtout avec la vente du niébé. Les activités d’élevage contribuent faiblement à la formation du revenu total de l’exploitation à hauteur de seulement 12,88%. Le nombre total d’actifs des exploitations est comparable à celui de la précédente classe (5 personnes en moyenne).
Ces exploitations arrivent à s’auto-suffire et à couvrir le besoin de leurs membres pendant 23 mois par ans.
De manière générale, cette typologie montre que les exploitants agricoles sont diversifiés et se distinguent par leur niveau de revenu, leur capacité d’investissement et de s’auto suffire. Le niveau de revenu et la capacité à couvrir le besoin alimentaire annuel varient selon les différentes catégories d’exploitants agricoles. Les exploitants le plus pauvres développement et adoptent des stratégies tel que les activités non agricole pour pouvoir survivre.
Tableau 7: Types d’exploitations agricoles
Proportion des différents types d’exploitation par commune
Les exploitations de type 1 et 2 sont présentes au niveau de toutes les communes concernées par l’étude et prédominent respectivement. Le type 3 n’a été présent qu’au niveau de la commune de Bandé et Magaria dans la région de Zinder et à une très faible proportion (Figure 4).
Figure 3: Proportion des exploitations très pauvres, pauvres et riches par commune
Proportion des différents types d’exploitation selon l’appartenance à une OP
Les producteurs qui n’adhèrent à aucune organisation paysanne sont en majorité dans la catégorie des exploitations à revenu faible (91,4%) et moins présents dans le type à revenu modéré (8,6% en comparaison aux adhérents qui sont plus présents (24,1%). Les exploitations de types 3 ne concernent que les producteurs adhérents même si leur proportion est très faible (1%).
DISCUSSION
La typologie des exploitations agricoles basée sur les variables les plus discriminantes permet de mieux comprendre les différents types d’exploitation. Selon la présente étude, une analyse comparative a permis de comprendre que les exploitants agricoles sont diversifiés et se distinguent par leur niveau de revenu, leur capacité d’investissement et de s’auto suffire. Le niveau de revenu et la capacité à couvrir le besoin alimentaire annuel varient selon les différentes catégories d’exploitants agricoles. Ainsi un accent particulier a été mis sur les exploitations pauvres (type 1 et 2) et les plus riches (type 3) du fait de la disparité qui s’est observée entre ces catégories d’exploitants agricoles.
L’importance des exploitations de type 1 et 2 aux revenus tirés de l’agriculture et de l’élevage dominant dans la zone, caractérise de manière générale l’agriculture du Niger. En réalité, la majorité des 1.627.294 exploitations agricoles que compte le Niger sont familiales et sont orientées vers la culture du mil et du niébé (RGA/C 2008). La majeur partie des exploitations de cette zone d’étude sont pauvres (82%). Ce qui correspond au contexte du pays voisin le Tchad où les exploitations sont en majorité pauvres ou très pauvres (Cabot, 1990).
La taille réduite des superficies emblavées par les exploitants à revenu agricole faible peut s’expliquer par les faibles disponibilités en terres agricoles dues à une poussée démographique galopante, mais aussi par le caractère rudimentaire des équipements de production dont disposent les exploitants. Il est important de noter que 80 à 85% de ces terres cultivables sont dunaires et seulement 15 à 20% sont constituées de sols hydromorphes moyennement argileux (SEDES, 1987), ce qui peut expliquer aussi l’utilisation des petits outils traditionnels (daba, houe, hilaire et autres outils manuels) dans la plupart des pratiques culturales. L’équipement en matériel agricole indique aussi le niveau de richesse d’une famille. C’est pour cette raison que les exploitations agricoles sont classées par types en fonction des variables comme matériels agricoles et bœufs pour la culture attelée. Cette dernière n’est pas très développée au niveau des deux régions pour des raisons agro pédologiques mais aussi par manque des matériels et d’animaux pour les unités de culture attelée. Par ailleurs, le fait que les exploitants de type 2 et 3 adhèrent plus aux groupements ou associations villageoises que ceux de type 1 (figure 4) peut expliquer cette différence de revenu agricole. En adhérant à une OP ces exploitants seront plus facilement en contact avec les structures de vulgarisation. Donc ils bénéficieront des formations techniques pour l’amélioration de leur système de production tant de la part des structures d’encadrement ou de recherche qu’au niveau des ONG et projets. Néanmoins, les exploitants non adhérents ne profitent pas aux mieux de ces formations. En plus les adhérents contractualisent annuellement à travers leurs OPs pour assurer l’écoulement de leur production afin d’augmenter leur revenu. Par contre les producteurs non adhérents, étant donné qu’ils n’ont pas de débouchés sûrs pour l’écoulement, bradent leur production au niveau des commerçants usuriers ce qui peut aussi expliquer leur faible revenu. C’est ainsi que le revenu des exploitants de type 3 est 10 fois plus élevé que celui des exploitants de type 2 et celui de ce type 8 fois plus élevé que celui de type 1. Ce qui peut expliquer cette différence tant au niveau des équipements agricoles (charrue, semoir, etc…) et cheptel (nombre des caprins, volaille) qu’au niveau des biens des exploitations (radio, téléphone, case de valeurs). Ainsi Perceval (1972), à la suite de Marx, Lénine et Kautsky, classe les exploitations en fonction du niveau de revenu qui est lié à la dimension des facteurs de production.
Les fondements scientifiques de la pauvreté trouvent leur source dans l’étude conduite par Booth (1887) et Rowntree (1901). Sont considérés comme pauvres, les individus ne disposant pas de ressources monétaires suffisantes pour acquérir la quantité de biens et services nécessaires à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ou pour atteindre un niveau de vie correspondant aux normes de la société.
L’enquête budget-consommation (ENBC 2007-2008) a permis de déterminer la structure du panier de consommation. C’est ainsi que deux lignes de pauvreté ont été calculées, l’une pour le milieu urbain à 150 933 CFA /tête/an et l’autre pour le milieu rural à 110 348 FCFA / tête/an. La région de Maradi a été citée parmi les régions les plus pauvres du Niger avec un ratio de pauvreté de 79,7% en 2005 et de 73,4% en 2008 (Onapad, 2008) ce qui est approximatif au chiffre de la présente étude (81,16%) dans la même région.
Le revenu tiré de l’agriculture et de l’élevage ne permet de couvrir que 10 jours par an pour des exploitations agricoles de type 1, deux mois par an pour ceux de type 2 et 23 mois pour les exploitations de type 3.
CONCLUSION
A travers la présente étude, les caractéristiques socio-économiques des exploitations agricoles des deux régions se sont dégagées ainsi que les différents types d’exploitations agricoles. Ces exploitations agricoles se sont beaucoup plus caractérisées par : 1) un faible taux d’adhésion aux OP; 2) un faible niveau d’équipement en matériels agricoles ; 3) un cheptel pauvre en gros ruminants ; 4) une taille réduite des superficies emblavées et 5) un faible revenu tiré des principales sources.
Ces exploitations agricoles peuvent être rassemblées en trois types à savoir les exploitations à revenu faible, très faible et moyen. Celles à revenu faible sont majoritaires (82%) et celles à revenu moyen très minoritaire (1%)
L’importance des superficies agricoles, l’appartenance à une organisation paysanne, l’élevage, les cultures de rente et l’équipement agricole sont essentiels dans la formation des revenus des exploitations agricoles. Les exploitations agricoles à revenu moyen sont certainement les plus équipées, elles emblavent plus de superficies pour des cultures de rentes (niébé, sésame) et bénéficient beaucoup plus des formations et assistance technique à travers leurs OP. Il est ainsi donc constaté que les exploitations agricoles des deux régions sont pauvres avec plus de 80% qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Cette situation est due à des systèmes de production agricole des exploitations agricoles faiblement intégrés et moins efficaces du fait de certains choix peu judicieux dans la conduite des techniques de productions. La politique agricole du pays doit donc privilégier les exploitations agricoles de type 1 et 2 tout en orientant d’avantage sa stratégie d’interventions dans la prise en compte du savoir et l’implication des paysans dans la résolution de leur problème de production.
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