Situation des problèmes phytosanitaires du myrtillier (Vaccinium corymbosum) au Maroc

Auteurs-es

  • Sara NOUERE Département de la Protection des Plantes et de l’Environnement, Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, Morocco
  • Said AMIRI Département de la Protection des Plantes et de l’Environnement, Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, Morocco
  • Rachid LAHLALI Département de la Protection des Plantes et de l’Environnement, Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc

Résumé

La présente étude porte sur les problèmes phytosanitaires du myrtillier au Maroc. Il s’agit de la première en son genre et vise à diagnostiquer les problèmes phytosanitaires du myrtillier et les pratiques des agriculteurs par le biais d’enquêtes auprès des producteurs nationaux. Les enquêtes menées auprès de 44 producteurs du myrtillier dans les régions du Loukkos, du Gharb et du Souss-Massa ont couvert 66% (927,5 ha) de la superficie cultivée par le myrtillier (1400 ha en 2017). La filière du myrtillier s’est avérée très développée en raison de la forte présence (60%) des grandes exploitations (>20 ha) dans l’échantillon, d’autant plus que de 66% des agriculteurs enquêtés ont un niveau d’instruction supérieur au baccalauréat. Par ailleurs, la totalité des exploitations sont certifiées Global Gap tandis que 84% sont certifiées Tesco Nurture. Les résultats des analyses suggèrent que la pourriture grise, l’oïdium et la pourriture racinaire sont les maladies les plus répandues dans les exploitations avec des taux d’infection de 66%, 45% et 39% respectivement. Pour ce qui est des ravageurs, les plus importants sont l’Aphis spp. avec un taux de 82%, le Dasineura oxycoccana avec 68%, le Franklienna spp. avec 52% et finalement la Drosophila suzukii avec 41%.

Mots clés : myrtillier, problèmes phytosanitaires, pourriture grise, oïdium, pourriture racinaire, Aphis spp., Dasineura oxycoccana, Franklienna spp., Drosophila suzukii

Téléchargements

Les données relatives au téléchargement ne sont pas encore disponibles.

Introduction

Le myrtillier appartient au genre Vaccinium. L’espèce Vaccinium corymbosum est sélectionnée depuis un siècle aux USA pour en faire la culture. Elle représente à l’état sauvage le meilleur compromis entre vigueur, productivité et qualité des fruits (Farahat Laroussi et al., 2016). Néanmoins, pour des objectifs économiques et afin de répondre aux besoins du marché, d’autres Vaccinium ont été introduits dans les programmes de sélection pour permettre la culture sous des climats plus chauds et plus précoces. C’est dans ce contexte que 4 grands groupes de Vaccinium ont été sélectionnés: le Northern Highbush, le Southern Highbush, les Rabitteyes et le bleuet canadien (Farahat Laroussi et al., 2016). Au Maroc, les groupes du myrtillier capables de produire sont : le Southern Highbush et les Rabitteyes (Farahat Laroussi et al., 2016).

La plupart des pays producteurs du myrtillier sont situés dans l'hémisphère nord où les Etats-Unis est le principal producteur et consommateur au niveau mondial (Larach, 2009). La production de bleuets a augmenté dans plusieurs pays de l'hémisphère sud (Larach, 2009), le Maroc est le principal producteur du myrtillier dans l'Afrique et dans les régions méditerranéennes (Brazelton, 2011). L’importance économique de la culture du myrtillier augmente au fil du temps en raison de la proximité des marchés européens, de la disponibilité des facteurs de production (terre, main d’œuvre et eau) et des conditions environnementales favorables au développement de certaines variétés de la myrtille (MAPMDREF, 2012).

Par ailleurs, le myrtillier est attaqué par plusieurs organismes vivants (James, 2017), à savoir les ravageurs et les maladies fongiques. Les maladies les plus importantes sont : pourriture racinaire, pourriture grise, anthracnose, oïdium et monilinia (Dil et al., 2013). Quant aux ravageurs, cécidomyie de la myrtille, drosophile, thrips, pyrale des atocas, pou de San José sont les plus prédominants (Cabi, 2018).

Malgré l’importance économique croissante du myrtillier, ses problèmes phytosanitaires, n’ont été sujets d’aucunes études au Maroc. C'est dans ce contexte que s’inscrit le présent travail et dont l’objectif principal est de diagnostiquer les problèmes phytosanitaires du myrtillier dans toutes les zones de production du Maroc.

Matériel et méthodes

Zone d’étude

L’étude a été menée dans toutes les régions où le myrtillier est cultivé. Ces régions sont le Loukkos, le Gharb et le Souss-Massa.

Figure 1:

Sondage

La démarche adoptée au cours de ces sorties est composée de deux phases : une phase exploratoire aucours de laquelle des entretiens oraux ont été réalisés au sein des ORMVAs (Office Régional de Mise en Valeur agricole) du Loukkos, Gharb et Souss-Massa pour situer le nombre de producteurs du myrtillier dans ces régions et une phase d’investigation au cours de laquelledes enquêtes ont été réalisées auprès de la population des producteurs du myrtillier durant les mois de mars et avril 2019. Lors de cette phase, 44 entretiens ont été effectués. Le questionnaire a été administré sous forme d’interviews au cours des sorties sur terrain.

Il est à noter que les exploitations ont été choisies de manière arbitraire étant donné l'absence d'une base de données complète des producteurs du myrtillier dans les régions.

Le questionnaire a pour objectif d’évaluer les caractéristiques générales et les tactiques de gestion agronomiques des producteurs de myrtillier. Il vise également à déterminer les problèmes phytosanitaires du myrtillier et leurs gestions et d’étudier les perceptions des agriculteurs vis-à-vis du changement climatique et évaluer son impact sur la production et sur le développement des agents pathogènes.

Analyses statistiques

Les données de l’enquête ont été codées et analysées moyennant les logiciels suivants : Excel (version 2013) pour la construction de la base de données, des tableaux et des graphiques et SPSS (version 20) pour les tests statistiques. Comme l'indiquent les objectifs de l'enquête, les analyses visent essentiellement à explorer le sujet des problèmes phytosanitaires du myrtillier. En outre, les pratiques des agriculteurs vis-à-vis des maladies et des ravageurs en termes de lutte chimique, culturale et biologique sont également évaluées.

Résultats 

Caractérisation des exploitations enquêtées

Régions et communes visitées

A partir de 44 enquêtes (Figure 2), 39% ont été réalisées dans la région du Gharb, 32% dans la région du Loukkos et 30% dans le Souss-Massa. Les échantillons sont à peu près uniformément répartis dans les trois régions, ce qui facilitera par la suite la comparaison entre les caractéristiques de chacune.

Figure 2:

Le graphe ci-dessous (Figure 3) montre le pourcentage des exploitations enquêtées selon les communes rurales visitées. En effet, la lecture du graphique nous permet de constater que la totalité des agriculteurs enquêtés dans la région de Loukkos sont localisés au niveau de la commune d'Awamra. Dans la région du Souss-Massa et du Gharb, les communes où les exploitations ont été le plus enquêtées sont Chtouka Ait baha (14%) et Souk Larbaa (14%).

Figure 3:

Taille des exploitations

D'après la lecture du tableau (Tableau 1), nous constatons que 30% des exploitations enquêtées ont des superficies de 11 à 20 ha alors que les exploitations ayant des superficies de 1 à 10 ha sont les moins présentes dans notre échantillon (11%). La superficie totale des exploitations atteint 2757 ha dont 927,5 ha est cultivé en myrtille, soit 34% de la SAU. Il est à noter, qu'en 2017, la superficie totale au Maroc cultivée en myrtillier était de 1400 ha (Anonyme 1, 2018), ce qui fait que la superficie de notre échantillon compte pour 66,25% de la superficie nationale.

Tableau 1:

Contrairement aux autres filières végétales, la myrtille est caractérisée par une répartition assez équilibrée entre les types d'exploitations (selon la taille) (Figure 4). En effet, les typologies des autres filières montrent une grande dominance des petites-moyennes exploitations en raison du fort morcellement des terres, qui est une caractéristique du secteur agricole marocain. Cette différence peut être expliquée par les barrières à l'entrée de la filière, représentées par des coûts d'investissement importants qui ne sont accessibles que pour les grandes exploitations.

Figure 4:

Niveau d'instruction des agriculteurs

A partir du digramme en secteur (Figure 5), nous remarquons que 66% des agriculteurs ont un niveau d'instruction supérieur (plus que baccalauréat) alors que seulement 5% des enquêtés sont analphabètes. Nous revenons encore une fois sur la remarque faite auparavant quant à la typologie des exploitations en fonction de leur taille. En effet, la caractéristique remarquée dans notre échantillon nous permet de conclure que la filière du myrtillier est relativement développée contrairement aux autres cultures, dont les producteurs en majorité ne dépassent pas le niveau primaire.

Figure 5:

Certifications

Dans notre échantillon (Figure 6), la totalité des exploitations enquêtées disposent d'au moins deux certifications. En outre, on constate que 45% de notre échantillon est certifié "Global Gap" et "Tesco Nurture", 39% dispose de ces deux dernières en plus de "Smeta" et seulement 14% a les certifications "Global Gap" et "Smeta". En outre, on remarque que "Global Gap" est présente chez les exploitations à 100%, suivie de "Tesco Nurture" (84,1%) et finalement "Smeta" (15%).

Figure 6:

Perceptions des agriculteurs du changement climatique

Effet sur la production

En général, tous les agriculteurs enquêtés sont conscients des effets des changements climatiques sur la production. Plus particulièrement, seulement 9% supposent ne pas connaitre les effets sur leur production, tandis que 91% confirment que les plantes entrent tardivement en production de 10 jours à un mois.

Effet sur les agents pathogènes

D'après la lecture du graphique (Figure 7), on remarque que 9% des agriculteurs enquêtés n’ont pas d’idée sur les impacts du Changement Climatique (CC) sur les agents pathogènes, 7% déclarent qu'ils ne remarquent aucun effet, 16% confirment qu'il y'a une augmentation du nombre de Thrips et de Cécidomyie et finalement 68% affirment l'augmentation du nombre de Drosophile.

Figure 7:

Lutte contre les aléas climatiques

Les agriculteurs enquêtés confirment tous prendre des mesures contre les aléas climatiques pour minimiser ou éviter des dégâts sur leur production (Figure 8). Parmi ces mesures on trouve :

- L'augmentation des fréquences d'irrigation, pratiquée par tous les agriculteurs enquêtés et qui intervient pour lutter contre les périodes de sécheresse où le stress hydrique est important;

- L'utilisation des filets anti-vent, pratiquée par 93% des agriculteurs et qui permet d'éviter le dessèchement des arbres ;

- Le recours à la brumisation, pratiquée par 90% des agriculteurs, et qui consiste à projeter de l'eau sous pression et humidifier l'entièreté des parcelles ;

- L'augmentation de la température de la serre, pratiquée par 73% des agriculteurs et qui vient pour créer les conditions de températures idéales à la croissance des arbres et du fruit, surtout en période de froid fort.

Il est également à noter qu'une seule exploitation parmi les 44 enquêtées utilise l'avertissement agricole pour la gestion des agents pathogènes.

Figure 8:

Maladies du myrtillier

Les résultats des enquêtes portant sur les maladies du myrtillier sont présentés. L’analyse est alors réalisée par de tests statistiques.

Distribution des maladies par région

La question de présence des maladies est étudiée en dénombrant l'effectif des exploitations infectées, on considère alors le pourcentage présenté comme un taux d'infection total/régional.

Le graphique (Figure 9) montre que le B. cineria est la maladie la plus répandue dans les vergers du myrtillier avec un pourcentage des exploitations infectées de 65,91%, suivi de l'oïdium et de la pourriture racinaire avec 45,45% et 39% respectivement. Le Crown Gall, leColletotrichum spp. et le Phomopsis sp. ne sont pas des maladies problématiques et ne sont présentes que dans 6,82%, 4,55% et 2,77% des exploitations enquêtées.

Figure 9:

D'après le graphique (Figure 10), nous constatons que la pourriture grise, l'oïdium et la pourriture racinaire sont les seules maladies présentes dans l'ensemble des régions. La pourriture racinaire est essentiellement concentrée dans le Loukkos, car 59% des exploitations touchées par la maladie s'y trouvent, suivi du Gharb (24%) et finalement du Souss-Massa (18%). On constate également que le Phomopsis sp. n'est présent que dans le Souss-Massa tandis que le Crown Gall et le Colletotrichum spp. sont répartis entre deux régions. En outre, seules les exploitations du Gharb présentent l'entièreté des maladies contrairement aux deux autres régions.

Figure 10:

Il est à noter qu'un seul cas de Phomopsis sp. a été retrouvé sur terrain contre 2 et 3 cas pour le Colletotrichum spp. et le Crown Gall.

Lutte chimique

D'après la lecture du tableau (Tableau 2), il ressort que les exploitations ne luttent pas contre le Crown Gall, le Colletotrichum spp et le Phomopsis sp. En effet, les dégâts de ces maladies ne sont pas problématiques contrairement aux trois autres, rendant ainsi leur traitement secondaire. Néanmoins, ceci pourrait également être expliqué par leur faible présence dans l'échantillon. Pour ce qui est du B. cineria, on constate que les trois matières actives utilisées sont le Boscalid + Pyraclostrobine avec un taux d'utilisation de 18%, le Cyprodinil + Fludioxonil avec 62% et le Bacillus subtilis avec un taux de 20%.

La lutte contre l'oïdium est essentiellement menée à l'aide du Cyflufénamide à 90% de taux d'utilisation, on trouve également du Boscalid + Pyraclostrobine et Cyprodinil + Fludioxonil. En outre, les exploitations enquêtées luttent contre la pourriture racinaire en utilisant cinq matières actives dont l'une est à base de B. subtilis (biopesticide) utilisée à 10%. On trouve le Fosétyl-Aluminium + Propamocarbe HCL comme matière active la plus utilisée avec un taux de 30% suivie du cuivre, du phosphite et du Fosétyl-Aluminium utilisées à hauteur de 20% chacune.

Tableau 2:

Lutte culturale

La lutte culturale consiste à adopter certaines pratiques susceptibles de protéger la plante contre des agents pathogènes. Dans notre cas, les exploitations enquêtées ont recours à :

- La diminution des fréquences d'irrigation ;

- L'élimination des plantes malades ;

- L'aération.

Dates d'apparition

Les dates d'apparition des maladies diffèrent d'une région à une autre, ainsi nous distinguons des différences dans les dates de certaines maladies notamment celles de l’oïdium qui apparait entre Octobre et Janvier au Loukkos, entre Octobre et Novembre au Gharb et entre Avril et Mai au Souss-Massa. Une autre différence est au niveau du Colletotrichum spp. qui apparait Janvier au Loukkos et en Septembre au Gharb. Une explication à ceci serait la différence des conditions climatiques entre les régions qui font que les circonstances optimales de développement d'un champignon ne coïncident pas durant les mêmes périodes. On retrouve néanmoins, des points communs entre les régions en particulier chez le B. cineria, la pourriture racinaire et le Crown Gall dont les dates sont presque les mêmes.

On constate que la date d'apparition de l’agent causal de la pourriture racinaire est aux alentours de juin-juillet dans toutes les régions.

Les calendriers présentés ci-dessous (Tableau 3) montrent les dates d'apparition des différentes maladies dans les trois régions.

Tableau 3:

Ravageurs du myrtillier

Distribution des ravageurs par région

La question de présence des ravageurs est étudiée en dénombrant l'effectif des exploitations infestées.

Le graphique (Figure 11) montre qu'Aphis spp. est le ravageur le plus répandu dans les vergers du myrtillier avec un pourcentage de 82%, suivi de D. oxycoccana, de Franklienna spp., de D. suzukii, d'A. vaccinii, d'I. purchasi et des acariens avec 82%, 68%, 52%, 41%, 30%, 18% et 14% respectivement. La C. capitata, la cochenille farineuse, le D. perniciosus et les vers blancs ne sont présents que dans 7%, 7%, 5% et 2% des exploitations enquêtées.

Figure 11:

D'après le graphique (Figure 12), il ressort qu’Aphis spp., D. oxycoccana , Franklienna spp. et A. vaccinii sont les seuls ravageurs présents dans l'ensemble des régions. La cécidomyie est essentiellement concentrée dans le Souss-Massa car 43% des exploitations touchées par le ravageur s'y trouvent, suivi du Gharb avec 40% et finalement du Loukkos (17%). On constate également que les thrips sont plus présents dans le Souss-Massa, suivi du Gharb avec 30% et 13% pour la région du Loukkos. La D. suzukii et les acariens ne sont pas présents dans le Souss-Massa, mais se trouvent dans les 2 autres régions avec un pourcentage de 50% chacune. Le ravageur H. halys est réparti entre les deux régions de Souss-Massa et Loukkos. En outre, seules les exploitations du Gharb présentent presque l'entièreté des ravageurs contrairement aux deux autres régions. Le Gharb présente l’ensemble des ravageurs contrairement aux deux autres régions, ceci insinue une biodiversité plus importante dans cette région.

En Espagne, H. halys (Heteroptera: Pentatomidae – précédemment sur la Liste d’Alerte de l’OEPP (Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes)) a été trouvé pour la première fois à l’automne 2016 en Cataluña (OEPP,2018). Il est à noter que ce ravageur n'est pas déclaré officiellement au niveau national (Cabi, 2019), quoi qu'il soit présent dans les régions de Loukkos et Souss-Massa.

Il est à noter qu'un seul cas de C. capitata et vers blancs a été retrouvé sur le terrain contre 2 et 3 cas pour le D. perniciosus et la cochenille farineuse.

Figure 12:

Lutte chimique

D'après la lecture du tableau (Tableau 4), les agriculteurs du myrtillier utilisent en premier lieu le Thiacloprid, suivi du Spinetoram, du Cyantraniliprole et du Pirimicarb pour lutter contre l’Aphis spp. Les matières actives utilisées de la part des agriculteurs contre la cécidomyie sont le Spinetoram, le Cyantraniliprole et le Deltaméthrine. Pour les thrips, la matière active la plus utilisée est le Cyantraniliprole avec un taux d'utilisation de 71%. Contre D. suzukii, les agriculteurs utilisent le Spinetoram et Cyantraniliprole. D'après ces constations, il ressort que les matières actives les plus utilisées contre les ravageurs déjà cités sont le Cyantraniliprole et le Spinetoram. Aucune lutte chimique n'est effectuée contre la cochenille farineuse, le pou de San José et la cératite qui n’a été remarquée que dans les pièges.

Tableau 4:

Lutte biologique

Les résultats montrent que la lutte biologique est utilisée par trois agriculteurs pour lutter contre l’Aphis spp. en utilisant Aphidius colemani. En outre, seulement un agriculteur utilise Rodolia cardinalis contre I. purchasi.

Lutte culturale

Dans notre cas, les exploitations enquêtées ont recours aux techniques de lutte culturale présentées dans le tableau (Tableau 5). D’après la lecture du tableau, les pièges jaunes sont les plus utilisés pour la lutte contre les pucerons (88%), le taux d’utilisation des pièges blancs en revanche n’atteint que les 3%. L’élimination des pousses infestées est utilisée à 9% pour les pucerons et à 24% pour la cécidomyie de la myrtille dont la lutte se fait également principalement par les pièges blancs (59%), en outre les Ceratrap sont utilisés à 18%. Contrairement aux deux derniers ravageurs, les thrips sont piégés à l’aide de pièges bleus à 95%. Finalement la lutte culturale contre la drosophile se fait à 100% par le biais de pièges rouges. Le savon potassique est utilisé contre la cochenille farineuse et contre l’I. purchasi (100%). L’eau de javel et l’essence d’orange est un mélange utilisé pour lutter contre le pou de San José (100%) et contre l’I. purchasi (67%).

Tableau 5:

Dates d’apparition

Les dates d'apparition des ravageurs diffèrent d'une région à une autre, ainsi nous distinguons des différences dans les dates de certains ravageurs notamment celui du thrips qui apparait durant le mois de novembre au Loukkos et pendant toute l'année au Souss-Massa. Une autre différence est au niveau du D. suzukii qui apparait entre Mars et Avril au Loukkos et en Mars au Gharb. Les calendriers présentés ci-dessous (Tableau 6) montrent les dates d'apparition des différents ravageurs dans les trois régions.

Tableau 6:

Discussion

Les données ont été collectées auprès des producteurs de myrtillier de certaines régions car les vergers ont tendance à être regroupés dans des endroits où les conditions (terre, climat, main d’œuvre) sont propices à la production du myrtillier. La connaissance de la répartition des maladies et des ravageurs est une information importante pour évaluer le risque lors de l’élaboration de programmes de gestion pour un organisme nuisible particulier. D’après cette étude, nous avons constaté que la répartition d’un organisme diffère spatialement et temporellement dans le même pays, ce qui concorde avec les résultats de Weisz et al. en 1996.

Les principaux insectes ravageurs signalés par les agriculteurs des régions du Loukos, Gharb et Souss-Massa ont été décrits plus au moins indépendamment de ceux trouvés en Floride (Roubos, 2009). Cela est dû aux conditions climatiques de chaque région. Selon Liburd et Arévalo (2006), les principaux ravageurs qui attaquent le myrtillier sont D.oxycoccana, Rhagoletis mendax, A.vaccinii, Acalitus vaccinii et Frankliniella spp. D’après cette étude, nous remarquons que la D. suzukii est présente dans le Loukkos et le Gharb dont la présence est favorisée par l'humidité. Ceci est confirmé par (Ørsted et Ørsted, 2018, Tait et al., 2019). La D. oxycoccana est un ravageur présent dans la Floride et la Georgie (Cabi, 2019), ce qui pourrait expliquer sa forte présence dans le Souss-Massa en raison des échanges internationaux entre le Maroc et les Etats-Unis.

Selon Cline and Schilder en 2006, les maladies les plus importantes attaquant le myrtillier sont la pourriture racinaire (Phytophthora cinnamomi), Monilinia vaccinii, Botryosphaeria spp., phomopsis vaccinii. Les agriculteurs enquêtés confirment que l'apparition de champignon de la pourriture racinaire coïncide avec les périodes où les fréquences d'irrigation sont très élevées, favorisant ainsi son développement et l'infection des plantes. En effet, La pourriture racinaire est causée par un champignon dont la croissance est favorisée par l'eau (Hardy et al., 2001). En effet, les pluies, la topographie et le type de sol peuvent augmenter le risque de propagation de ce dernier. Ceci pourrait alors expliquer sa forte présence dans le Loukkos dont la moyenne des précipitations atteint 664 mm contre 570 mm pour le Gharb et finalement 246 mm pour Agadir (Anonyme 2, 2018).

Le phomopsis sp. est un champignon qui est généralement présent dans les zones chaudes d'Afrique (Blancard, 2018). Ceci expliquerait sa présence exclusive dans la région du Souss-Massa dont les températures au mois de septembre (date d'apparition du champignon) atteignent le degré optimal de son développement (28°C) (Anonyme 2, 2018).

Au cours de notre enquête, les agriculteurs ont pu décrire les ravageurs, les maladies, les dégâts qu’ils causent et les niveaux d’infection/infestation de chacun car 66% des agriculteurs enquêtés ont un niveau d’instruction supérieur.

La surveillance est un élément fondamental de tout programme de lutte antiparasitaire réussi. Pour les thrips, 95% des agriculteurs enquêtés utilisent les pièges bleus. Selon Liburd et al. en 2009, les plaques bleues sont les plus efficaces suivi du blanc, jaune et vert successivement. Selon Liburd et Arévalo en 2006, l’utilisation de phéromones dans des pièges collants au début de saison est recommandée afin de surveiller l’activité d’A.vaccinii. Néanmoins, aucune utilisation de phéromones n’a été signalée dans les régions où la myrtille est cultivée au Maroc. Pour détecter la présence de D.oxycoccana, la technique la plus efficace est d’éliminer les pousses et les maintenir dans une chambre de culture afin d’observer l’émergence des larves et des adultes (Sarzynski et Liburd, 2003).

De nombreuses méthodes de lutte biologique sont disponibles pour la lutte contre D.oxycoccana (Roubos, 2009), D.suzukii (Cabi, 2018), Frankliniella spp (Funderburk et al., 2007). Malheureusement, les résultats trouvés lors de ce sondage montrent qu’un très faible nombre d’agriculteurs utilisent la lutte biologique. Il est nécessaire d’adopter cette méthode pour la lutte intégrée contre les ravageurs et pour une gestion durable des maladies du myrtillier afin de minimiser leurs effets sur le rendement à court, moyen et long terme.

Conclusion

L’étude vise d’abord à diagnostiquer les problèmes phytosanitaires du myrtillier par le biais d’enquêtes sur 44 producteurs des régions du Loukkos, du Gharb et du Souss-Massa. Les résultats des enquêtes indiquent que la superficie de l’échantillon enquêté compte pour 66,15% de la superficie nationale du myrtillier. En outre, les résultats trouvés nous permet de conclure que la filière du myrtillier est très développée. Par ailleurs, les résultats montrent également que les maladies du myrtillier les plus problématiques sont la pourriture grise, oïdium et la pourriture racinaire, qui présentent des taux d’infection respectifs de 66%, 45% et 39%. Par ailleurs, l’Aphis spp., la D. oxycoccana, le Franklienna spp. et la D. suzukii sont les ravageurs les plus importants chez le myrtillier dont les taux d’infestation sont de l’ordre de 82%, 68%, 52% et 41% respectivement. Il est à noter qu’un ravageur de quarantaine a été signalé dans le Loukkos et le Souss-Massa. Il s’agit de H. halys, qui se trouvait précédemment sur la liste d’alerte de l’OEPP en Espagne en 2016. Il est alors à envisager la possibilité que ce ravageur fût introduit au Maroc.

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13-09-2020

Numéro

Rubrique

Protection des Cultures