Prévalence de la pseudo-peste aviaire dans l’aviculture traditionnelle à Yangambi en RDC
Résumé
Une étude a été menée entre Mars et Mai 2019 sur la prévalence de la pseudo-peste aviaire dans l’aviculture traditionnelle à Yangambi pour déterminer les différentes techniques de conduite d’élevage et la période de l’année où cette maladie est plus critique. 100 aviculteurs ayant au moins 10 poules adultes chacun, avec une expérience d’au moins 2 ans, ont été enquêtés. Les résultats obtenus montrent une légère prédominance des hommes (51%) qui pratiquent l’aviculture. Nous avons observé une précarité dans la conduite de l’élevage: la promiscuité d’espèces chez 75% des éleveurs, la divagation des volailles pour 90% de cas et le non-respect de règles de biosécurité et la non-vaccination des poules pour 97% des exploitants. Avec les signes cliniques décrits par les éleveurs, qui se manifestent généralement par une perte d’appétit (98%), l’abattement (88%), l’écoulement nasal (80%), la diminution de ponte (100%) et la mortalité (100%), la maladie de Newcastle reste une menace sérieuse pour ces derniers. Le calendrier annuel épidémiologique nous fait observer deux pics épizootiques avec une incidence élevée entre juin (85%) et juillet (73%). C’est durant ces mois qu’il y a une forte prévalence de cette maladie.
Mots clés : Prévalence, pseudo-peste aviaire, aviculture, Yangambi, RD Congo
Téléchargements
INTRODUCTION
Problématique
En zone rurale, l’élevage des volailles locales reste une activité primordiale où il représente une source importante de protéines animales et de revenus (Zaman et al 2004). La volaille locale joue également un rôle socioéconomique indéniable puisqu’elle constitue une des rares opportunités d’épargne et d’investissement au sein de nombreuses sociétés (Sonaiya et Swan 2000). En Afrique les poulets traditionnels représentent environ 80 % du cheptel avicole total et contribuent à une proportion non négligeable de la production de viande (25 à 70 %) et d'œufs (12 à 36 %) (Gueye, 1998).
La viande et les œufs issus des exploitations avicoles traditionnelles participent de manière significative à la sécurité alimentaire en fournissant directement les protéines aux familles. Ils se retrouvent également au centre de nombreuses circonstances de la vie sociale et culturelle.
L’aviculture traditionnelle demande de faibles niveaux d’intrants, contribue significativement à la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, la gestion écologique saine des ressources naturelles et présente une source d’emplois pour les groupes défavorisé (Gueye Op.cit et Khan, 2004).
En dehors de leur potentiel de production, très appréciable puisqu'il s'agit de races non sélectionnées et soumises à des régimes alimentaires pauvres ou déséquilibrés, les populations locales de poules présentent souvent une grande résistance aux maladies, ce qui peut être intéressant pour l'aviculture moderne. Par contre, en l’absence de toute intervention vétérinaire, ces élevages sont exposés à de graves pathologies (Agbede, 1992).
Hormis les contraintes d’ordre technique (non-respect des normes d’élevage) et d’inorganisation de la filière, la maladie de Newcastle (MN) ou pseudo-peste aviaire est le principal obstacle au développement de l’aviculture villageoise en Afrique et sur d’autres continents (Mamis, 1995). Elle est la maladie aviaire la plus meurtrière en aviculture villageoise (FAO; 2009). Elle est responsable de 70% à 80% des cas de mortalités de volailles respectivement dans le Monde et en Afrique (Capelle et al 2015).
Ainsi les maladies les plus couramment rencontrées dans les élevages sont la pseudo-peste aviaire (61%), les maladies respiratoires (14%), la variole aviaire (7%), la pullorose/ diarrhée (7%) et choléra (4%), confirmés par les analyses du laboratoire (Atteh 1989). En effet, ces épidémies affectent très négativement la structure du troupeau villageois et réduisent considérablement les revenus du fermier.
Afin d'évaluer ce risque, il a été décidé d'étudier la prévalence de la pseudo-peste aviaire ou la maladie de Newcastle dans les élevages traditionnels de Yangambi tout en évaluant la conduite de l’élevage (l’alimentation, la prophylaxie, la gestion des cadavres, des sujets morbides et suspects) et la période à laquelle au cours de l’année cette maladie est plus critique. Cette maladie épizootique peut provoquer, selon la virulence de la souche, un taux de mortalité élevé chez les poulets, pertes auxquelles s'ajoutent un retard de la croissance, une chute de la ponte et une baisse du taux d'éclosion des œufs.
Hypothèses
Une mauvaise conduite de l’élevage de l’aviculture par nos enquêtés serait à la base d’une prévalence élevée de la maladie de Newcastle dans notre zone d’étude ;
La saison pluvieuse est une période durant laquelle le ravage des poules par cette maladie est plus élevée ;
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Notre étude a été effectuée dans la cité de Yangambi précisément dans les quartiers Likango, IFA, Ekutsu et Lusambila. Ladite cité est située sur la rive droite du fleuve Congo à environ 100 km à l’Ouest de la ville de Kisangani dans le secteur de Turumbu en Territoire d’Isangi, Province de la Tshopo entre 24°16’ et 25° 08’ longitude Est, 0°38’ et 1°10’ latitude Nord avec une altitude moyenne de 480 m (Beguin, 1962 cité par Boyemba, 2011). Elle appartient au climat du type Af de la classification de Köppen et à la classe B de Thornthwaite (Kombozi, 2009). Dans cette région, la température accuse des valeurs manifestes élevées en février–mars, considérée comme saison sèche, avec des températures relativement basses en juillet-aout. La température varie fort peu au cours de l’année avec une moyenne annuelle se situant entre 24,4 et 26,3° C (Kombozi, Op.cit ; Kearsley et al., 2016). Les précipitations annuelles atteignent facilement 1837 mm d’après ce régime, les pluies semblent être bien reparties au cours de l’année (Kombele, 2004).
Pour réaliser cette étude, nous avons utilisé deux types de matériel, à savoir :
le matériel biologique : poules de race locale
le matériel technique : un questionnaire d’enquête, une moto de marque TVS et un ordinateur.
Méthode
Nous avons porté notre choix sur 100 aviculteurs ayant au moins chacun 10 poules adultes avec une expérience d’au moins 2 ans et à raison de 25 éleveurs par quartier. Cette étude a été réalisée à partir de l’enquête par sondage et en faisant recours aux techniques d’entretient libre désengagé par le biais d’un questionnaire d’enquête et l’investigation ad hoc. Pour chaque exploitation qui a été visitée, nous avons recueillis les informations sur l’exploitant avicole, la conduite de l’élevage et l’incidence de la maladie de pseudo-peste aviaire dans l’élevage de poules de race locale.
Analyse statistique
Les données obtenues pendant notre expérimentation ont été traitées et analyser à partir du logiciel Excel 2013. La fréquence a été calculée pour observer le nombre d’occurrence d’une même valeur.
RÉSULTATS
Caractéristiques des aviculteurs
Tableau 1 : Caractéristiques socio-économiques des éleveurs
PARAMETRES CARACTERISTIQUES FREQUENCE (%)
Sexe Masculin 51
Féminin 49
Age < 30 ans 31
30 à 50 ans 40
>50 ans 29
Niveau d’étude Analphabète 1
Primaire 3
Secondaire 93
Universitaire 3
Activité principale Fonctionnaire de l’Etat 4
Agriculteur 45,5
Commerçant 30,5
Autre 20
Raison du choix de l’aviculture Sociale 1
Economique 27
Autoconsommation 69
Recherche scientifique 3
Formation sur l’aviculture Oui 0
Non 100
Il ressort du tableau ci-dessus que 51% des exploitants avicoles sont des hommes et les femmes qui pratiquent cette activité représentent 49%. 40% de nos enquêtés ont un âge compris entre 30 et 50 ans, 31% ont moins de 30 ans et 29% sont âgés de plus de 50 ans. 93% ont un niveau secondaire, 3% ont un niveau primaire et universitaire respectivement et 1% n’ont pas étudiés. 45,5% de nos enquêtés s’occupent principalement de l’agriculture, 30,5% sont des commerçants, 20% ont une activité non bien définies et 4 % sont des fonctionnaires de l’Etat congolais. Le choix de l’aviculture est motivé pour 69% des éleveurs par l’autoconsommation, 27% pratiquent cette activé pour de raison économique, 3% le font pour la recherche scientifique et 1 % pour de raison sociale. Tous les éleveurs n’ont jamais reçus une formation sur l’aviculture.
Conduite de l’élevage
Tableau 2 : Modes de conduite de l’élevage des poules
PARAMETRES PRATIQUES FREQUENCE %
Divagation Oui 90 Non 10
Abris de nuit des poules Oui 91 Non 9
Nettoyage de l’abri Oui 90 Non 10
Mélange des poules avec d’autres oiseaux Oui 75 Non 25
Mise en quarantaine à la réception Oui 92 Non 8
Vaccination des poules Oui 3 Non 97
Mise en quarantaine en cas de maladie Oui 86 Non 14
Abattage des sujets malades Oui 89 Non 11
Consommation des poules malades Oui 88 Non 12
Enfouissement des sujets malades morts Oui 14 Non 86
Alimentation des poules Oui 95 Non 5
Il est illustré dans le tableau 2 que les poules restent en divagation chez 90% des enquêtés et 10 % ont un poulailler. 91% des éleveurs ont des abris de nuit pour leurs poules et 9% n’ont pas des abris de nuit pour leurs volailles. 90% des enquêtés nettoient régulièrement les abris de leurs oiseaux et 10% ne le font pas. 75% des exploitants élèvent les poules ensemble avec d’autres oiseaux de la basse cours et 25% élèvent les poules sans le mélanger avec d’autres oiseaux. La mise en quarantaine à la réception d’un sujet nouveau est de pratique pour 92% des aviculteurs et 8% mélangent directement les nouveaux sujets avec les anciens. 97% de nos enquêtés ne vaccinent par leurs poules et 3% vaccinent leurs poules. Lorsqu’il y a apparition des maladies, 86% des aviculteurs séparent les sujets malades avec ceux non malades et 14% ne le font pas. 89% des enquêtés abattent les poules malades et 11% n’abattent pas pour espérer l’amélioration de la situation. 88% des éleveurs consomment les poules mortes d’une maladie et 12% ne consomment pas. 14% des exploitants avicoles enfouissent les sujets morts d’une maladie et 86% ne le font pas. 95% des enquêtés alimentent leurs poules chaque matin et les autres (5%) ne donnent rien à leurs poules.
Diagnostic de la maladie
Figure 1. Signes cliniques de la pseudo-peste aviaire
L’apparition d’une maladie aviaire a été signalée au prés de tous les enquêtés. En ce qui concerne les réponses obtenues auprès des aviculteurs, les signes cliniques suivants sont observés : mortalité des poules et diminution de ponte ont respectivement une fréquence de 100% , la perte d’appétit (99%), fièvre (98%), plumage traine au sol (97%), diarrhée sanguinolente (94%), haussement de la tête (90%), abattement (88%), diarrhée verdâtre (82%), écoulement nasal ( 80%), croûte sur la tête (79%), mortalité des palmipèdes (77%), Diarrhée blanche (74%), diarrhée jaune (65%), convulsion (13%) et cyanose (8%). Les formes cliniques suraigües et aigües de la maladie ont été manifestés au regard de ces résultats. En effet, les poules manifestaient de la fièvre avec des diarrhées blanchâtres ou verdâtres au début, parfois elles perdaient leur appétit. Ensuite, elles devenaient abattus, les plumages trainaient sur la terre et mouraient enfin.
Période de la maladie durant l’année
Figure 2. Incidence de la maladie de Newcastle selon les éleveurs
Dans la figure ci-haut, les aviculteurs ont confirmés que l’incidence de la maladie de pseudo-peste aviaire affectant les poules de race locale varie suivant les saisons durant l’année. L’année est divisée en deux périodes épizootiques dont Novembre, Décembre, Janvier et Février avec une incidence moyenne de 51,5% et Mai, Juin et Juillet avec une moyenne de 71%. Deux pics épizootiques sont observés entre juin (85%) et juillet (73%), ici cette période est caractérisée par une mortalité très élevée des animaux. Et tous les aviculteurs ont signalé que la maladie est présente durant toute l’année.
DISCUSSION
Nous avons observé une prédominance des hommes (51%) qui pratiquent cette activité sur l’ensemble de notre zone d’étude. Ces résultats ne correspondent pas avec les résultats observés par Fotsa et al. (2007) qui concluaient que cette activité était tenue à 56,6 % par les femmes et Ebwa et al. (2019) dont les travaux menés à Kisangani en RDC révélaient que dans les ménages visités, les femmes représentaient 56%. Cette situation est dans notre cas due aux mœurs de la région qui veulent que toutes les charges familiales soient supportées par les hommes et les femmes ne devraient pas être actives économiquement. Elle s’explique également par l’intrusion des hommes dans la décision de vente et donc de la propriété des poules. Selon Gueye (1988), elle est due à des considérations socioculturelles qui donnent aux hommes ce droit de responsable et de gestionnaire de la famille au détriment des femmes.
L’agriculture (45,5%) et le commerce (30,5%) sont les activités principales de nos enquêtés et l’élevage des poules de race locale reste une activité secondaire et ces résultats corroborent avec ceux trouvés par Ekue et al., 2002 ; Mack et al., 2005 ; Moula et al., 2012. Même si l’élevage des poules reste une activité secondaire, mais il fait partie intégrante de la vie des populations rurales ou démunies. Elles y sont aidées par la rusticité et la grande capacité à la débrouillardise des poules locales qui dans la quasi-totalité de cas, vivent en divagation (Fotsa et al 2007).
Les poules dans notre zone d’étude sont continuellement en divagation, la nécessité d’un bâtiment ne semble pas être d’actualité. Cependant, certain aviculteurs ont entrepris de construire pour les animaux des abris de nuit pour limiter le vol et la prédation. Certaines mesures prophylactiques (vaccination des poules, enfouissement des sujets malades morts, non mélange des poules avec d’autres oiseaux) ne sont pas appliquées. Ces résultats sont en adéquation avec ceux trouvés par Porphyre en 2000 à Madagascar. La vaccination de poules est quasi inexistante dans notre zone d’étude et ceci est due à la situation que présente les poules de race locale qui sont élevées en plein air en petites bandes, d’âges variés et les grands flacons de vaccin multi doses ne conviennent pas. Il est difficile de maintenir la chaîne du froid dans les conditions du village et l’achat de vaccins commerciaux coûte cher.
La description de la maladie de volailles a été faite par les aviculteurs et les caractéristiques s’accordent avec la littérature en ce qui concerne les noms, les signes cliniques et le calendrier épidémiologique. En effet, cette maladie présente deux allures épidémiologiques et toutes les formes cliniques d’une maladie avoisinant celles décrites par l’étude d’Alders et Spradbrow en 2000.
Nous avons observés deux pics épizootiques entre juin (85%) et juillet (73%), Maminiaina en 2007 a également décrit une maladie qui s’agissait de Newcastle ayant les mêmes allures enzootiques et épizootiques à Madagascar, mais avec un pic situé en octobre. Et Rasamoelina en 2011 a constaté la même maladie dans le lac Alaotra en Madagascar avec un pic épizootique situé entre aout et octobre.
La présence de cette maladie dans notre zone d’étude peut être expliquée par la reconstitution par les aviculteurs de leur cheptel aviaire à partir des rescapés qui sont considérés comme résistants aux maladies, par différentes conduites d’élevage existantes dans le milieu. En effet, le système d’aviculture villageoise est caractérisé par la promiscuité d’espèces, la divagation et le non-respect de règles de biosécurité (vente, consommation, rejet de cadavres ou d’abats dans les ordures, etc.).
Tous les signes cliniques avancés ne correspondent pas à la pseudo-peste aviaire car d’autres maladies comme l’influenza aviaire, la bronchite infectieuse, le choléra aviaire, la coccidiose peuvent présenter le même tableau clinique.
CONCLUSION
Notre travail avait pour but d’évaluer la prévalence de la maladie de pseudo-peste aviaire au près des aviculteurs de Yangambi tout en évaluant aussi la manière dont ils conduisent leur exploitation. Un échantillon de 25 aviculteurs par quartier ayant au moins 10 volailles et une expérience de 2 ans a été enquêté dans la zone d’étude. Un questionnaire préalablement établi nous a servis pour interviewer nos enquêtés.
Les résultats obtenus ont montré une prédominance légère des hommes qui pratiquent l’aviculture dans notre zone d’étude. La majorité des éleveurs ont un niveau d’étude secondaire et ne sont pas informé de la prise en charge médicale de leurs animaux. Nous avons observé une précarité dans la conduite de l’élevage (la promiscuité d’espèces, la divagation et le non-respect de règles de biosécurité, la non vaccination des poules) dans notre zone d’étude d’où notre première hypothèse est confirmée.
Avec les signes cliniques qui ont été décrit par les aviculteurs, la maladie de Newcastle reste une menace sérieuse pour ces derniers. Le calendrier annuel épidémiologique nous fait observer deux pics épizootiques avec une incidence élevée entre juin (85%) et juillet (73%). Et ces mois où il y a une forte prévalence de cette maladie coïncide avec la fin de petite saison de pluie et le début de la petite saison sèche. D’où notre deuxième hypothèse est partiellement confirmée.
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