Germination des graines et croissance des plantules d’Afzelia bipindensis Harms (Fabaceae) en RD Congo

Auteurs-es

  • Sylvain SOLIA EDONDOTO Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi, Kisangani, République Démocratique du Congo
  • Albert LOTOKOLA OKUNGO Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi, Kisangani, République Démocratique du Congo
  • Hippolyte ISESEYA NSHIMBA Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi, Kisangani, République Démocratique du Congo
  • Richard ETUTU LIPASO RISASI Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi, Kisangani, République Démocratique du Congo

Résumé

L’objectif du présent travail était de faire un suivi de régénération d’Afzelia bipindensis pendant dix-huit mois, afin d’évaluer les possibilités de germination et de croissance des plantules. Le semis de 200 graines, respectivement 100 graines par substrat, était effectué en sachets en polyéthylène disposés en blocs complets randomisés, aux écartements de 40 cm x 40 cm en laissant 100 cm entre les deux séries de lignes. Les valeurs maximales calculées du taux de germination étaient de l’ordre de 93 % pour les graines semées à l’ordure ménagère suivies de 90 % pour celles en terreau forestier. Les hauteurs moyennes étaient de 55,7 et 56,7 cm, tandis que les diamètres moyens au collet de toutes les tiges étaient de 0,98 et 0,97 cm après dix-huit mois après semis. L’analyse statistique révèle qu’il n’y a pas de différence significative entre les traitements. Globalement, la germination a été bonne (taux et croissance) dans les deux substrats. Du fait de leur simplicité et de leur coût faible, ces deux substrats peuvent être recommandés aux sylviculteurs et aux aménagistes.

Mots clés: Germination et croissance, Afzelia bipindensis, substrat, pépinière, RD Congo.

Téléchargements

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Introduction

L’insuffisance des connaissances biologiques et écologiques sur la plupart des essences indigènes constitue une limite et un grand handicap pour l’aménagement et la conservation des ressources génétiques des forêts tropicales (Deboux, 1998). Face aux tendances actuelles de la déforestation et de la dégradation des formations ligneuses tropicales (Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture [FAO], 1992; Gilarowski, 2002), il est intéressant d’apprécier les efforts faits pour créer des plantations forestières dans les buts soit de la production de bois pour l’industrie, c’est-à-dire, des «plantations industrielles» soit de la production de bois combustible et de bois de service ou de protection, c’est-à-dire, des «plantations non industrielles». Par peuplement, on entend ici les peuplements forestiers établis artificiellement par boisement sur des terres qui ne portaient pas auparavant de couvert forestier ou dont le couvert forestier était de nature fondamentalement différente de celle de plantations qui le remplacent.

Le «Doussié rouge» est l’un des grands arbres du genre Afzelia. Le genre paléotropical compte une quinzaine d’espèces, surtout africaines. Dans les domaines Cameroun-gabonais et congolais, il est représenté par deux espèces de grands arbres, connues commercialement sous le nom de Doussié rouge, il s’agit de l’espèce Afzelia bipindensis et de Doussié blanc, l’espèce A. pachyloba, absentes du domaine libéro-ivoirien (Aubreville, 1970). Par ses excellences qualités de conservation, ses bonnes qualités physiques (très faible retrait), ses résistances mécaniques, ses facilités relatives de travail et par ses belles dimensions, le Doussié rouge se place parmi les meilleurs bois de construction lourde et durable (Sallenave, 1971) et constitue une source de revenu très important pour les populations et les pays respectifs (Ahoton et al., 2009; Arbonnier, 2002) . La mise en valeur de cette espèce en plantation peut relever l’économie d’un pays et créer des pôles de développement avec la possibilité d’enrichissements et de diversification de l’environnement (Palmberg, 1987).

Afin de mieux comprendre les aspects importants de l’écologie reproductive d’A. bipindensis, il est nécessaire d’effectuer des observations ponctuelles, par exemple sur la germination des graines. Cette opération a pour objectif d’encourager la production artificielle ultime de cette espèce d’autant plus qu’on assiste de plus en plus à une faible régénération naturelle de jeunes pieds. Dans les écosystèmes congolais (RD Congo et tous les pays du bassin du Congo), il se passe une situation énigmatique. D’une part, l’exploitation de Doussié rouge constitue un frein à la production de semences, et d’autre part, le manque de semences ne permet pas d’avoir des arbres à exploiter. Il y a donc un problème de la régénération naturelle d’où un risque de disparitions de l’espèce. La survie de cette espèce devra désormais reposer sur des approches de gestion appropriées et associées à des techniques de régénération naturelle et/ou assistée. L’objectif du présent travail est de faire un suivi de régénération de A. bipindensis pendant dix huit mois en milieu contrôlé, afin de déterminer les possibilités de favoriser la germination et la croissance des graines de «Doussié rouge» en utilisant deux types de substrat qui sont à la portée des populations riveraines.

Site d’étude et méthodes

Site d’étude

Le présent travail a été mené au département de Phytotechnie de l’Institut Facultaire des sciences Agronomiques à Yangambi, RD Congo. Yangambi est situé dans la zone climatique équatoriale au nord de la RD Congo, entre 0-2°N (Kombele, 2004), zone influencée par le climat du type Af de Köppen (Bultot, 1972).

Méthodologie

Provenance des semences

Les semences utilisées dans ce travail sont des graines collectées dans une jachère arbustive de Yangambi, entre septembre et octobre 2010. Des lots de semences de l’espèce A. bipindensis ont été triés avant d’être semés dans le terreau forestier et l’ordure ménagère. L’ordure ménagère a été comparée au terreau forestier utilisé comme témoin. Dans le tableau 1 sont reprises les caractéristiques physico-chimiques des substrats utilisés en pépinières pour réaliser les semis (analyses réalisées par le laboratoire de Science du sol de l’IFA-Yangambi à Kisangani).

Réalisation du semis, dispositif expérimental et observations

Les substrats ont été triés afin d’éliminer tous les éléments étrangers susceptibles de perturber l’expérimentation. Après remplissage de sachets, ceux-ci ont été déposés sur un terrain plat, dans une superficie de 16 m2 qui bénéficie d’un éclairement direct et de l’ombrage de la végétation avoisinante composée d’Acacia auriculiformis A. Cunn. Ex Benth et autres. Le semis a été effectué dans les sachets en polyéthylène de 18 x 10 x 8 cm3 qui contenaient le terreau forestier ou l’ordure ménagère.

Au total, 200 sachets en polyéthylène ont été utilisés à raison de 100 sachets par substrat et une graine d’A. bipindensis a été semée par pot. L’arrosage a été réalisé deux fois par semaine. L’essai s’est déroulé du 1 décembre 2010 au 10 juin 2012. A partir du 14 décembre 2010, nous avons effectué hebdomadairement un comptage systématique des plantules ayant levé jusqu’au 10 juin 2012. La levée correspond à l’apparition d’une plantule avec deux feuilles cotylédonaires. L’atteinte de ce stade a également été prise en considération dans l’évaluation de la durée de la germination. Les paramètres suivants ont été déterminés (De La Mensbruge, 1966; Ouédraogo, Thiombiano, Hahn, & Guinko, 2006; Bellefontaine & Gamène, 1998):

(1) Le taux de germination d’un essai de germination effectué à partir de N graines au cours duquel G graines ont germé s’exprime par trois paramètres (De La Mensbruge, 1966). D’abord, le nombre de jour du début de la germination ou «durée de vie latente» où (D) désigne le temps écoulé entre la date du semis (t0) et la première germination (t1). Ensuite, la durée de la germination ou «échelonnement» où (E) désigne le temps entre la première (t1) et la dernière germination (tg). Et enfin, le taux de germination est égal au quotient du nombre de graines germées par le nombre total de graines: T = G / N * 100;

(2) L’énergie germinative (Eg) indique la vitesse de germination des graines. On estime que 50 % de graines doivent germer au tiers de jours admis pour la germination. L’énergie germinative est calculée à partir de la moitié du temps d’observation du pouvoir germinatif (Pg) ou du taux de germination. Les formules respectives sont:

Eg = et Pg = x 100 où = nombre de graines germées à la moitié du temps; n = nombre total de graines germées; N = nombre de graines soumises au test.

(3) La vitesse de germination (Vg) est le nombre de graines germées au tiers de jours admis pour la germination, dit autrement, c’est le tiers de pouvoir germinatif ou du taux de germination.

Vg = où : = nombre de graines germées au tiers du temps;

(4) La prise de mesure de la croissance des plants en hauteur était effectuée à l’aide d’un décamètre graduée en cm et cela depuis le collet jusqu’au sommet de bourgeon terminal et la mesure de diamètre au collet était prise au moyen d’un pied à coulisse. Elle a eu lieu toutes les deux semaines. En outre, les observations étaient réalisées sur 50 plants pour la variante (V1) et 50 plants pour la variante (V2) en sens diagonal (Bono, 1981). Le nombre total de plants observés au cours de l’essai était ainsi de 100 sur un ensemble de 183 plants survécus.

Analyses statistiques

Les données obtenues ont été soumises au test T de Student, en utilisant un logiciel R version 3.1.1 (Cornillon, et al., 2008).

Résultats

Influence des substrats sur le taux de germination, l’échelonnement de levées, l’énergie germinative et vitesse de germination

Les résultats obtenus des lots de graines ayant évolué dans les différents substrats sont présentés au Tableau 2. Le semis avait eu lieu le 1 Décembre 2010. Néanmoins, la durée de la germination était de 21 jours dans les deux substrats (traitements). Le taux de germination au cours de 10 premiers jours d’observation était très élevé dans l’ordure ménagère suivie du terreau forestier (Tableau 2). Ces deux variantes ont montré un même échelonnement de levées de 9 jours. On constate que le taux de germination atteint est systématiquement élevé en cas d’utilisation d’ordure ménagère et terreau forestier comme substrats de culture. Les différents taux élevés observés au niveau de ces deux traitements montrent que ceux-ci favorisent la germination du «Doussié rouge». En ce qui concerne les substrats, on observe que les deux substrats sont poreux et présentent les meilleurs taux de germination.

Ainsi, les lots de graines donnent les taux de germination presque similaires (93 % et 90 %) en fonction des substrats utilisés. Cette faible différence s’explique surtout par le contraste entre les qualités physico-chimiques des substrats utilisés. L’ordure ménagère avec une structure grossière (81 % de sable, Tableau 1), a une compacité lui permettant de mieux conserver l’humidité du substrat par rapport au terreau forestier avec une structure plus grossière (86 % de sable, Tableau 1) se dessèche par contre plus vite en surface à cause de sa plus grande perméabilité et de l’infiltration plus au moins rapide en profondeur de l’eau d’arrosage. Il existe donc une bonne aération des semences dans ces deux substrats; ce qui facilite la germination.

De l’analyse du délai entre le semis et la première germination, il ressort que l’ordure ménagère a permis aux graines d’avoir un temps plus court par rapport aux graines sous terreau forestier (substrat témoin). De plus, le temps d’attente moyen des graines semées dans l’ordure ménagère est de 10 jours par rapport aux graines semées dans le terreau forestier 12 jours. Ceci montre le rôle important que joue l’argile dans la rétention de l’eau, l’un des trois principaux facteurs à l’origine de la germination.

La durée moyenne de germination des graines est de 13 jours (Tableau 2) sous terreau forestier (témoin) et l’ordure ménagère. L’échelonnement des germinations est très court au niveau des graines (9 jours) respectivement pour les deux types de substrat. L’énergie germinative moyenne est de 45,7 ± 1,06 % et la vitesse de germination moyenne est de 30,5 ± 0,71 % représentent toutes 92 graines germées, moitié de 183 graines germées.

Influence des substrats appliqués sur la croissance en hauteur des plants étudiés

La figure 1 présente les résultats des valeurs observées dans le temps (en mois) de la croissance en hauteur des plants selon les substrats. L’examen de cette figure révèle que les plants issus de graines semées au terreau forestier accusent une hauteur moyenne de 55,7 cm tandis que ceux issus de graines semées à l’ordure ménagère avec 56,7 cm de hauteur. Le test T de student a montré un effet non significatif du facteur traitement du sol sur la croissance en hauteur des plants (t = 0,941; p = 0,332) au seuil de 5%.

Influence des substrats sur la croissance en diamètre des plants étudiés

La Figure 2 montre l’évolution des mesures de l’accroissement du diamètre au collet des tiges selon les substrats. Les plants issus de graines semées au terreau forestier, comme celles semées à l’ordure ménagère, accusent respectivement 0,98 et 0,97 cm de diamètres moyens. Le test t de student a montré un effet non significatif du facteur traitement du sol sur la croissance en diamètre au collet des plants (t = 0,621; p = 0,431) au seuil de 5%.

Discussion

Influence des substrats appliqués

Nombre des graines germées

La germination se déroule de manière massive et concentrée chez A. bipindensis, ce qui fournit deux précieuses informations. D’une part, l’excellent pouvoir germinatif des graines écarte tout soupçon: la germination n’est pas le facteur limitant qui provoque la rareté des plantules dans le sous-bois. D’autre part, puisque le Doussié rouge ne présente aucune dormance, il ne participe pas à la banque de graines du sol, phénomène important en forêt tropicale. Dans un modèle démographique, on n’aura donc pas à tenir compte des conséquences parfois complexes (Deboux, 1998) d’une germination postposée. Tout se passe ici comme si les plantules devaient être rapidement autonomes pour échapper à la prédation ou pour bénéficier de la grande saison des pluies. Le Doussié rouge n’affiche donc pas la même dépendance vis-à-vis du sol autant que d’autres espèces à large graine et tégument lignifié, telle Baillonella toxisperma Pierre (Deboux, 1998; Chapman et al., 1992).

Examen des conditions nécessaires à la germination

Ce test révèle que ni le temps de conservation ni le milieu de germination ne limitent la germination. Les taux de germination obtenus sont presque tous élevés comme l’indique le Tableau 2. Les taux de germination obtenus dans le cadre de ce travail sont comparables, voire plus élevés, que ceux observées par (Ouédraogo et al., 2006), en étudiant la germination des graines de ces espèces sur le terreau forestier et l’ordure ménagère.

Des taux de germination plus au moins semblables ont été également obtenus avec d’autres espèces: Leucaena leucocephala (Lam. De Wit) 90 à 100 % (Avakoudjo, 1990); Faidherbia albida (Del.) A. Chev. (syn. Acacia albida Del.) 95 % (Maydell, 1983); Prosopsis juliflora (Sw.) Dc. 80 à 100 % (Maydell, 1983); Canarium schweinfurthii Engl. 95 % (Njoukam, 1997); Hyphaene thebaica 85 % (Moussa, Margolis, Dube, & Odongo, 1998); Prosopsis africana (Guill., Perrot. et Rich.) Taub., 85 % (Ahoton et al., 2009).

Influence des substrats sur la croissance en hauteur et en diamètre des plants

Par rapport à la croissance des plants, nous avons obtenu après dix huit mois de suivi en pépinière des hauteurs moyennes variant de 56,7 à 55,7 cm respectivement pour l’ordure ménagère et le terreau forestier d’une part et, d’autre part les diamètres au collet étaient de 0,98 et 0,97 cm respectivement pour l’ordure ménagère et le terreau forestier. La petite différence numérique observée peut être due à l’effet de l’ordure ménagère apportée aux plants sous forme de fumure organique en se décomposant, stimule ces derniers. Cela se traduit alors par une croissance en hauteur et en diamètre accélérée au niveau de ces plants marquant ainsi la différence entre les substrats. La hauteur et le diamètre obtenus dans le cas de notre étude montrent que nos traitements ont donné de bons résultats (Avakoudjo, 1990), par rapport aux espèces suivantes: Carapa procera, Bocoa prouancensis, Recordoxylon speciosum et Jacaranda copaia pendant 690 jours (Têtès et al., 1997). En outre, ils soulignent que la croissance en diamètre de la plupart des espèces suit à peu près celle de la hauteur.

Conclusion

L’objectif du présent travail, est de faire un suivi de régénération et tempérament de A. bipindensis pendant dix huit mois en pépinière afin de déterminer les possibilités de favoriser la germination et la croissance des graines de «Doussié rouge» sur deux types de substrats de germination (terreau forestier et ordure ménagère) en vue de proposer des modalités d’exploitation durable dans le Bassin du Congo. Les résultats de cette étude ont montré que les graines d’A. bipindensis ont accusé une bonne germination et une bonne croissance sur les deux types de substrats. Ces substrats peuvent donc être recommandés aux planteurs et aux pépiniéristes. En plus, ils sont peu coûteux et simples à réaliser.

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Publié-e

15-06-2020

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie