Diversité des champignons saprotrophes et ectomycorhiziens du campus universitaire de Lomé au Togo

Auteurs-es

  • Kudzo Atsu GUELLY Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo
  • Marra DOURMA Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo
  • Hodabalo KAMOU Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo
  • Donko Koudzo KODA Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo
  • Kpérkouma WALA Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo
  • Koffi AKPAGANA Geomatic and Ecosystems Modeling, Department of Botany, Faculty of Sciences, University of Lome, Togo

Résumé

Les Macromycètes inféodés au substrat ligneux (saprotrophes et ectomycorhiziens) du campus universitaire de Lomé au Togo ont été inventoriés suivant la méthode des transects et des placeaux. Une diversité de trente et trois (33) taxons de champignons macroscopiques est identifié dont seize (16) jusqu’au niveau genre et dix-sept (17) jusqu’au niveau espèce. On y dénombre deux (2) espèces ectomycorhiziennes (Phlebopus sudanicus et Pisolithus tinctorius) et trente et un (31) saprotrophes. Les 32 taxons appartiennent à sous-division des Basidiomycotina. La famille des Ganodermataceae, représentée par quatre espèces de Ganoderma, colonise le plus grand nombre de substrats ligneux d’essences exotiques (17 espèces) et locales (5 espèces). Azadirachta indica est le substrat le plus colonisé par dix espèces de Macromycètes, suivi de Delonix regia et Senna siamea colonisés respectivement par neuf et sept espèces. Parmi les taxas inventoriés, quatre espèces (Volvariella volvacea, Psathyrella tuberculata, Macrocybe lobayensis, Leucocoprinus cretatus) sont comestibles et trois (Ganoderma lucidum, G. colossus, Daldinia eschlosii) sont thérapeutiques. La sous-division des Ascomycotina est représentée une seule espèce, Daldinia eschscholzii, de l’ordre des Xylariales. Vingt-deux (22) taxons d’espèces d’arbre qui représentent les substrats ligneux hôtes des macromycètes sont identifiés dont dix-huit Angiospermes (seize dicotylédones, deux monocotylédones) et deux gymnospermes (Cycas circinalis (Cycadophyte) et Pinus caribea (Coniférophyte)). La connaissance des macromycètes sur cet espace soumis à une perpétuelle pression anthropique pour la mise en place des infrastructures est donc nécessaire, ce qui permettra de disposer des données sur la diversité de ce patrimoine biologique avant leur disparition éventuelle.

Mots clés: Diversité, Macromycètes, substrats ligneux, campus universitaire, Lomé, Togo.

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INTRODUCTION

Les Macromycètes constituent parmi les ressources biologiques du monde, un patrimoine important, d’une part par leur utilité et d’autre part par leur diversité (De Kesel et al., 2002; Guissou, 2005; Oso, 1975; 1977a,b). Divers taxons sont utilisés en pharmacie pour la production d’antibiotiques, de vitamines A, de l’acide lactique, de réactions chimiques (hydrogénation, hydroxylation, etc.) et aussi dans la fermentation du maltose et de l’amidon.

En Afrique, bien que ces ressources constituent un complément alimentaire en protéines prisé par de nombreux ménages, très peu de recherches sont consacrées sur le sujet dans la partie occidentale, surtout francophone (De Kesel et al., 2002; Guissou, 2005). Certes, des efforts sont remarquables dans les pays anglophones de l’Afrique de l’Ouest avec l’ethnomycologie au Nigéria (Oso, 1975; 1977a,b). C’est en Afrique Centrale que les recherches sont les mieux approfondies avec les travaux de Heinemann (1954 et 1977), Heinemann et Rammelo (1980), Buyck (1993, 1994, 1997) et de Ndong et al., (2011). De plus, les recherches sur le sujet dans la sous-région sont fragmentaires et ne sont qu’à leur début avec les travaux de Ducousso et al., (2003) et Bâ et al., (2011) en Afrique de l’Ouest, de Yorou et al., (2001) au Bénin et de Guissou (2005) au Burkina-Faso. Au Togo, quelques travaux ont été réalisés sur le sujet (Guelly, 2006a,b; Maba, 2010 ; Kamou, 2012; Kamou et al., 2015; 2017a,b).

L’absence de données sur des ressources aussi importantes de l’Afrique de l’Ouest, région marquée par une diversité climatique et écologique, constitue sûrement un des handicaps dans les efforts de gestion durable de ces ressources. Il est donc opportun d’entreprendre des recherches sur le sujet sur ce campus soumis à un aménagement perpétuel, en vue de disposer des données sur la diversité de ces macromycètes, un moyen de contribuer à la connaissance de la biodiversité nationale du pays.

CADRE DE L’ÉTUDE

L’étude est conduite sur le campus universitaire de Lomé, capitale du Togo, ville située sur la côte du golfe de Guinée entre les longitudes 1°00’ et 1°50’ Est et les latitudes 6°50’ et 6°05’ Nord. La zone appartient à la zone écologique V du pays définie par Ern (1979) (Figure 1). La ville jouit d’un climat subéquatorial à régime bimodal (Figure 2). La pluviométrie moyenne varie entre 800 et 900 mm/an, due au fait que le littoral togolais est situé sur la diagonale de sécheresse qui s’étend de Téma au Ghana à Grand-Popo au Bénin. L’évapotranspiration varie de 100 mm en juin à 153 mm en mars. Les températures maximales relevées varient autour de 28°C alors que les minimales sont inférieurs à 25°C.

Le campus est un milieu anthropisé et la végétation ligneuse est constituée en grande majorité d’essences exotiques. Les arbres les plus représentés sont Azadirachta indica, Senna siamea, Eucalyptus territicornis et Acacia auriculiformis (Photo 1). Les espèces spontanées sont dominées par endroits par Byrsocarpus coccineus et Dichapetalum madagascariensis avec quelques grands arbres comme Antiaris africana, Dialium guineense et Drypetes floribunda. La strate herbacée est dominée par Heteropogon contortus, Cassia rotundifolia, Tephrosia villosa, Croton lobatus, Panicum sp., Setaria sp.

MÉTHODOLOGIE

Collecte de données

Le prélèvement des macromycètes a été réalisé dans des placeaux de 20 à 30 mètres, à travers les diverses allées bordées d’arbres sur le campus universitaire de Lomé. Pour chaque placeau, les espèces végétales hôtes ont été notées et les carpophores prélevés. Un appareil photographique numérique a permis de photographier chaque taxon rencontré en vue de matérialiser les caractéristiques morphologiques. Pour chaque échantillon récolté, les paramètres suivants ont été pris en compte et notés: type de substrat ou l’espèce d’arbre mort ou vivant, endroit de croissance (tronc ou racine) et état de l’hôte (vivant ou en voie de dépérissement). De plus, les caractéristiques de chaque espèce de champignon récoltée sont notées, notamment la taille et la couleur de chaque partie, la présence ou non d’anneau, la forme de l’anneau et la présence de pores ou de lames. Les échantillons ramassés sont entreposés dans un panier et convoyés dans l’herbarium du Département de Botanique de la Faculté des Sciences de l’Université de Lomé où les spécimens sont séchés sous climatisation puis conditionnés dans des sachets de polyéthylène transparents.

Traitement des données et identification

L’étude des caractères macroscopiques réalisée sur le terrain a été complétée au laboratoire par l’observation de certaines structures complémentaires des sporophores. Il s’agit principalement des revêtements du pied et du chapeau, des pores, de l’arête des lames et de leur couleur, de la présence de poils et/ou de squames, très indispensables à la détermination des différents taxons. Les caractères anatomiques n’ont pas été étudiés au cours de ce travail.

L’identification des taxons a été uniquement basée sur les caractères macroscopiques des sporophores. Les manuels utilisés sont entre autres, Heinemann (1954; 1977), de Dissing et Lange (1964), de De Kesel et al., (2002), Härkönen et al., (2003), de Van der Westhuizen et Eikler (1994) et de Guissou (2005). Les taxons des espèces ligneuses hôtes des champignons sont identifiés suivant la nomenclature de la flore de Brunel et al., (1984).

Une matrice à double entrée avec en colonne les relevés d’inventaire et en ligne les espèces de champignons a été réalisée. Cette matrice a été soumise à une analyse factorielle de correspondance grâce au logiciel Community Analysis Package (CAP) en vue de discriminer des groupes de taxa sur la base des ressemblances et de leur affinité à divers substrats ligneux inventoriés.

RÉSULTATS 

Diversité des champignons inventoriés

Au terme des investigations et des identifications réalisées, on dénombre une diversité de trente-trois (33) taxa de champignons. Seize taxa (16) sont identifiés jusqu’au niveau genre et dix-sept (17) jusqu’au niveau espèce. Ces taxa se répartissent en 19 familles dont les plus représentées sont les Ganodermataceae, les Polyporaceae, les Agaricaceae (Tableau 1, Figure 3).

Les Macromycètes reconnus appartiennent à deux sous-divisions:

• Les Basidiomycotina avec la classe des Phragmobasidiomycètes et l’ordre des Auriculariales, la classe des Homobasidiomycètes avec la sous-classe des Aphyllophoromycetideae comprenant les ordres des Polyporales et des Ganodermatales, la sous-classe des Gasteromycetideae avec l’ordre des Phallales et la sous-classe des Agaricomycetideae, la plus représentée est constituée des ordres des Agaricales, des Pluteales et des Tricholomatales;

• Les Ascomycotina, moins communs, avec une seule espèce, Daldinia eschscholtzii, de l’ordre des Hypoxylariales, de la sous-classe des Pyrenomycetideae et de la classe des Hemiascomycètes.

Diversité des substrats ligneux hôtes

Vingt-deux (22) espèces d’arbres ont été identifiées comme plantes hôtes des champignons macromycètes (Tableau 1). Ces espèces correspondent à 22 genres réparties en 13 familles dont les plus représentées sont les Mimosaceae, les Caesalpiniaceae, les Anacardiaceae, les Bignoniaceae et les Meliaceae. Ces substrats ligneux se répartissent en dix-huit espèces d’Angiospermes (seize Dicotylédones et deux Monocotylédones) et deux Gymnospermes (une Cycadophyte et une Coniférophyte), dont cinq espèces locales et les autres exotiques.

Affinités des Macromycètes à leurs substrats hôtes

Parmi les taxa inventoriés, on distingue des champignons à lamelles, à pores et à hyménium fermé (Gasteromycetidae) généralement inféodés soient aux racines ou aux troncs des arbres morts ou vivants. Conformément au résultat suivant les plans factoriels des axes 1 et 2 de l’AFC (Figure 4), certains macromycètes apparaissent à la fois sur plusieurs substrats (A). C’est le cas par exemple de Ganoderma lucidum qui pousse sur Mangifera indica, Khaya senegalensis, Parkia biglobosa, Hura crepitens, Senna siamea et Delonix regia en décomposition. Certaines poussent sous leurs substrats (B); ce sont des espèces ectomycorhiziennes qui vivent en symbiose avec les espèces ligneuses; c’est le cas de Phlebopus sudanicus et de Pisolithus tinctorius. Phlebopus sudanicus pousse sous Acacia auriculiformis, mais Pisiolithus est généralement inféodé à plusieurs substrats dont Acacia auriculiformis, Eucalyptus territicornis et Pinus caribea.

Tableau 1: Diversité des Macromycètes et de leurs substrats ligneux

N° Substrats ligneux Espèces de macromycètes identifiés Familles

1 Antiaris africana (Moraceae) Daldinia eschscholtzii Hypoxylariaceae

2 Delonix regia (Caesalpiniaceae)

3 Mangifera indica (Anacardiaceae)

Acacia auriculiformis (Mimosaceae)

Phellinus sp. Hymenochaetaceae

Phlebopus cf. sudanicus Boletinellaceae

4 Pisolithus tinctorius Sclerodermataceae

Collybia sp. Collybiaceae ?

5 Antiaris africana (Moraceae) Schizophyllum commune Schizophyllaceae

Trametes sp.1 Polyporaceae

Agaricus lomeensis Agaricaceae

Crinipellis sp. Tricholomaceae

Daedalea sp. Fomitopsidaceae

Ganoderma lucidum Ganodermataceae

6 Azadirachta indica (Meliaceae) Ganoderma sp.1 Ganodermataceae

Gymnopilus purpuratus Hymnogastraceae ou Cortinariaceae ?

Itajahya rosea Phallaceae

Macrocybe lobayensis Tricholomataceae

Psathyrella tuberculata Psathyrellaceae

7 Blighia sapida (Sapindaceae) Auricularia cornea Auriculariaceae

Auricularia cornea Auriculariaceae

Ganoderma lucidum Ganodermataceae

Gymnopilus purpuratus Hymnogastraceae ou Cortinariaceae ?

8 Cassia siamea (Senna siamea) (Caesalpiniaceae) Leucocoprinus cretatus Agaricaceae

Psathyrella tuberculata Psathyrellaceae

Trametes sp.1 Polyporaceae

Schizophyllum commune Polyporaceae

Pleurotus sp.1 Pleurotaceae ?

9 Cocos nucifera (Palmae) Coprinus sp. Coprinaceae

10 Cycas circinalis (Cycadaceae) Leucocoprinus birnbaumii Agaricaceae

Dacryopinax spathularia Dacrymycetaceae

Ganoderma colossus Ganodermataceae

Ganoderma lucidum Ganodermataceae

Ganoderma sp.3 Ganodermataceae

11 Delonix regia (Caesalpiniaceae) Schizophyllum commune Schizophyllaceae

Trametes sp.2 Polyporaceae

Trametes sp.3 Polyporaceae

Volvariella volvacea Pluteaceae

12 Elaeis guineensis (Palmae) Geastrum sp. Geastraceae

13 Eucalyptus sp. (Myrtaceae) Pisolithus tinctorius Sclerodermataceae

14 Hura crepitans Ganoderma lucidum Polyporaceae

Lentinus squarrosulus Ganodermataceae

15 Leucaena glauca Ganoderma colossus

16 Lentinus squarrosulus Polyporaceae

Khaya senegalensis (Meliaceae) Ganoderma lucidum Ganodermataceae

17 Leucaena glauca ? (Mimosaceae) Ganoderma colossus Ganodermataceae

Itajahya rosea Phallaceae

Ganoderma sp.2 Ganodermataceae

18 Mangifera indica (Anacardiaceae) Lentinus squarrosulus Polyporaceae

Pluteus sp. Pluteaceae

19 Parkia biglobosa (Mimosaceae) Ganoderma lucidum Ganodermataceae

20 Pinus caribea (Pinaceae) Pisolithus tinctorius Sclerodermataceae

21 Pithecellobium dulce (Mimosaceae) Leucocoprinus birnbaumii Agaricaceae

Nothopanus hygrophanus Omphalotaceae

22 Ravenala madagascariensis (Strelitziaceae) Volvariella volvacea Pluteaceae

23 Spathodea campanulata (Bignoniaceae) Pleurotus sp. Pleurotaceae

24 Tecoma stans (Bignoniaceae) Lentinus sp. Polyporaceae

D’autres encore sont rencontrés uniquement sur un seul substrat; c’est de cas de Coprinus sp. sur stipe mort de Cocos nucifera.

Les taxa de macromycètes rencontrés apparaissent sur des troncs, les souches ou encore, sur les racines de ces ligneux morts, en voie de dépérissement ou vivants, Azadiractha indica pouvant porter jusqu’à neuf espèces parmi lesquelles, les plus importantes et fréquentes, sont Agaricus lomeensis (nom prov.), Macrocybe lobayensis, Daedalea sp.,Itajahia rosea (Planche 1a,b,c) qui colonisent presqu’essentiellement Azadiractha. Agaricus lomeensis pousse en touffes très denses autour des pieds et le long des racines dénudées de Azadirachta. Il est possible de rencontrer cet Agaricus sous Polyalthia sp. Macrocybe lobayensis (Tricholomataceae) qui pousse sur des racines mortes ou vivantes de Azadirachta est de grande taille. Crinipellis sp. de petite taille et de couleur rouge, Ganoderma sp. 1 de couleur jaune à bord blanc à l’état jeune, mais devenant brun à maturité et Daedalea sp. colonisent également les racines de Azadiractha. Ganoderma lucidum colonisent à la fois les racines et la base des troncs de Azadirachta indica, Senna siamea, Khaya senegalensis, Parkia biglobosa, Delonix regia et Mangifera indica. Itajahya rosea apparaît sous des pieds de Azadirachta indica ou de Pithecelobium dulce voire Leucaena glauca. Psathyrella tuberculata espèce comestible et Gymnopilus purpurascens apparaissent également à la base des souches ou sur les racines de Azadirachta en décomposition (Figure 5).

Psathyrella tuberculata et Leucocoprinus cretatus, deux espèces comestibles, sont fréquentes sur la base de troncs de Senna siamea en voie de dépérissement, mais parfois, une autre espèce comestible, Pleurotus sp. (Planche 2a, b, c). On peut également citer, inféodées à cette Légumineuses, Auricularia cornea, Ganoderma lucidum, Gymnopilus purpurascens, Trametes sp.2, Schizophyllum commune, toutes apparaissant sur d’autres substrats.

Sur les troncs morts de Mangifera indica (Anacardiaceae), se développe Ganoderma sp.2, de grande taille, à chapeau concentrique, à bord blanc, puis de plus en plus foncé vers le centre (jaune, rose, puis brun) à maturité. Lentinus squarrosulus, Auricularia cornea (Auriculariaceae), Pluteus sp. (Pluteaceae), Dacryopinax spatula ainsi que Daldinia eschscholzii (Hypoxylariaceae) apparaissent sur des troncs morts de Manguier. Daldinia est aussi rencontrée sur les troncs morts de Delonix regia et Antiaris africana. Lentinus squarrosulus et Ganoderma lucidum colonisent aussi les troncs de Hura crepitans mort.

Delonix regia est également un substrat privilégié (Planche 3a,b,c) qui porte en dehors de Ganoderma lucidum, signalé plus haut, Trametes sp.2, Trametes sp.3, Daldinia escholschzii, Ganoderma colossus et Ganoderma sp.3 (espèce à chapeau plus ou moins rouge), Dacryopinax spatula, Volvariella volvacea, mais aussi une espèce ubiquiste, Schizophyllum commune rencontrée presque sur tous les bois morts au campus et sur le territoire national. Volvariella volvacea est également retrouvée sur une souche en décomposition de Ravenala madagascariensis (Strelitziaceae) sur la pelouse de la Faculté des Sciences.

Certains Macromycètes colonisant d’autres substrats (Planche 4). Ainsi, sous les plantations d’Acacia auriculiformis à la limite Ouest (près de la mare de Klikamè), pousse de façon spectaculaire, à chaque saison de pluie, Phlebopus sudanicus. C’est l’espèce la plus colossale en masse et en poids frais rencontrée. Espèce grégaire ou isolée, cespiteuse, parfois géminée ou branchue, possédant un chapeau pouvant atteindre 50 cm de diamètre ou plus. Sur le tronc d’Acacia auriciliformis, pousse Phellinus sp., polypore à carpophore très épais et lourd. C’est également sous cet arbre que pousse Pisolithus tinctorius (Lycoperdaceae) fréquente également sous Eucalyptus territicornis et Pinus caribea. Leucocoprinus cf. birnbaumii pousse sur deux substrats tous exotiques Pithecelobium dulce et Cycas circinalis. Sur des souches de Pithecelobium, pousse également Nothopanus hygrophanus. Sur des stipes de palmier en décomposition avancée, pousse Geastrum sp., une espèce très fréquente sur les débris végétaux et les litières des dépotoirs au campus. Quant à Tecoma stans, le tronc et les racines sont colonisés par Lentinus sp. à carpophores blancs et à pied relativement très long. Sur un pied vivant de Spathodea campanulata dépéri d’un côté et qui se décompose, pousse Pleurotus sp., Coprinus sp., espèces éphémères sur les stipes de Cocos nucifera en décomposition et sur la litière.

DISCUSSION

En considérant les résultats obtenus, le premier constat est que presque tous les arbres présents sur le campus universitaire de Lomé sont des substrats privilégiés de diverses espèces de Macromycètes. On constate également qu’il existe très peu de spécificité d’une espèce pour un substrat bien précis, à l’exception de Phlebopus sudanicus non lignicole, espèce qui fait symbiose avec Acacia auriculiformis. Agaricus lomeensis (nom prov.) a comme substrat privilégié Azadirachta indica, mais des individus isolés ont été trouvés au pied de Polyalthia vivant ou près d’une souche morte de Senna siamea. Par contre, plusieurs espèces de champignons sont inféodées à un même substrat; c’est le cas par exemple de Azadirachta indica, Mangifera indica, Senna siamea et Antiaris africana sur lesquels poussent plusieurs espèces de champignons. Par ailleurs, une même espèce de champignon peut avoir des substrats différents, situation fréquente avec Ganoderma lucidum, Leucocoprinus cretatus, Daldinia escholschzii, Lentinus squarrosulus et Schizophyllum commune.

Certaines espèces rencontrées sur le Campus de Lomé ont été retrouvées dans d’autres localités de la ville de Lomé ou à l’intérieur du pays. C’est le cas par exemple de Macrocybe lobayensis vivant sur des racines d’un pied mort de Delonix regia à l’entrée Est du Lycée de Tokoin à Lomé (obs. pers.). En banlieue nord de Lomé (Agoenyivé), Psathyrella tuberculata apparaît également sur la base et sur les racines de Senna siamea sur pied ou sur des souches mortes de Ficus polita (obs. pers.). Dans plusieurs localités du pays, Volvariella volvacea, espèce comestible très appréciée, apparaît généralement sur des stipes de palmier en décomposition, mais également sur des troncs de Sterculia tragacantha (Sterculiaceae) en dépérissement dans la zone forestière (Guelly, 2006a) ou sur des troncs de Adansonia digitata (Bombacaceae) (obs. pers.). Dans le milieu forestier, Leucocoprinus cretatus est le plus souvent inféodée à des chaumes de céréales (riz, fonio) ou sur d’autres substrats ligneux en décomposition (Guelly, 2006a). Pisolithus tinctorius a été retrouvé sous des Eucalyptus à dans l’enceinte de la préfecture de Aneho (région maritime) et à l’Hôpital de Datcha près d’Atakpamé (région des plateaux), ce qui confirme nos résultats que l’espèce est inféodée à cette Myrtaceae. Sur ce campus, Volvariella volvacea et Leucocoprinus cretatus, espèces comestibles, poussent également sur des matières en décomposition des dépotoirs où dominent des feuilles mortes (obs. pers.).

Parmi les espèces de champignons supérieurs inféodées à ces divers ligneux, on dénombre peu d’espèces comestibles (Leucocoprinus cretatus, Psathyrella tuberculata, Lentinus tuberregium, Macrocybe lobayensis) au Togo, Phlebopus sudanicus l’est ailleurs, au Burkina et au Bénin, pays voisins du Togo (De Kesel et al., 2002; Guissou, 2005). Certains taxons comme Daldinia escholschzii, Ganoderma spp. et Lentinus tuberregium sont utilisés en médecine traditionnelle (Guissou, 2005; Guelly et al., 2006).

Plusieurs espèces de Macromycètes inféodées aux substrats ligneux ont été signalées ailleurs dans le monde, soit comme espèces symbiotiques, soit comme espèces saprotrophes. C’est le cas de Ganoderma lucidum, de Schizophyllum commune, espèces cosmopolites, qui poussent sur divers bois morts dans le monde (Lemoine, 1996; Gottlieb et Wright, 1999; Guissou, 2005, Garibay-Orijel et al., 2009). Certaines espèces comme Volvariella volvacea, Daldinia escholschzii et Schizophyllum commune également inféodées aux substrats ligneux en décomposition selon Boedyn (1969).

Le genre Itajahya a été signalé en Afrique avec l’espèce I. rosea au Ghana, au Burkina-Faso (Guissou, 2005). En Afrique du Sud, Van der Westhuizen et al., (1994) signalent l’espèce I. galericulata poussant sous Jacaranda, mais aussi sous des arbres d’avenue. On pourra dire en se basant sur d’autres investigations, que l’espèce I. rosea serait donc une vicariante (Amérique du Nord, Afrique de l’Ouest, Pakistan, Inde selon Dring (1964) de I. galericulata qui, semble-t-il, serait la seule espèce du genre Itajahya.

À Kinshasa, Dibaluka et al., (2010) ont inventorié dix espèces de champignons lignicoles comestibles parmi lesquelles, Lentinus squarrosulus, Nothopanus hygrophanus, Schizophyllum commune se retrouvent dans le cortège des spécimens du Togo. Au Mexique, Garibay-Orijel et al., (2009) ont reconnu Ganoderma spp., Phelinus sp., Auricularia sp., Lentinus sp., Trametes spp., Schizophyllum commune, résultats analogues à ceux de la présente étude.

Des études sur les espèces symbiotiques ou mycorhiziennes sont nombreuses dans des forêts naturelles et des plantations d’Afrique de l’Ouest (Ducousso et al., 2003) Ces auteurs signalent que Phlebopus sudanicus vit en symbiose avec Eucalyptus et Cassuarina. Selon les mêmes sources, Pisolithus tinctorius est associée à Eucalyptus, ce que Van der Westhuizen et al., (1994) ont découvert en Afrique du Sud. D’après la FAO (Pandey, 1997) cité par Ducousso et al., (2003), les plantations de Pins, d’Eucalyptus, d’Acacia et de Cassuarina sont connues pour leur capacité à former des ectomycorhizes. La présence des champignons rencontrés sur le campus universitaire de Lomé, sous ces espèces exotiques (Acacia auriculiformis, Eucalyptus territicornis, Pinus caribea) s’explique donc facilement. Selon une étude réalisée par Oriade-rueda et al., (2010) en Méditerranée, les plantations artificielles de Pinus sp. produisent d’importants carpophores d’espèces de macromycètes, aussi bien mycorhiziennes que saprophytiques. On pourra comprendre en effet, l’importance des essences exotiques dans l’apparition des macromycètes sur ce campus.

Dans les formations forestières naturelles au Togo, Uapaca spp., (Euphorbiaceae), Isoberlinia doka, Afzelia africana et Berlinia grandiflora (Caesalpiniaceae) sont en symbiose ectomycorhiziennes avec des champignons comme Russula, Lactarius, Amanita, Cantharellus, Inocybe, Boletus, (Maba, 2010; Nadjombé, 2012; Kamou, 2012), ce qui est conforme à de nombreuses études (De Kesel et al., 2002; Yorou et al., 2001; Bâ et al., 2011; Maba et al., 2014; 2015; Kamou et al., 2017) en Afrique.

CONCLUSION 

À ce jour, une trentaine de taxa de Macromycètes a été reconnue comme colonisant les substrats ligneux sur le campus universitaire de Lomé. Parmi ces champignons, un seul Ascomycète, de l’ordre des Xylariales, Daldinia escholschzii, espèce thérapeutique, a été reconnu. Ces champignons inventoriés colonisent des troncs, des racines ou des souches morts ou vivants de vingt espèces végétales constituées de deux gymnospermes (une Cycadophyte et une Coniférophyte) et de dix–huit angiospermes. Seules, cinq espèces de ces substrats sont locales (spontanées ou introduites sur le campus), les autres étant toutes exotiques et font partie des plus colonisés par les Macromycètes. C’est le cas de Azadirachta indica sur lequel dix espèces de champignons sont inféodées, de Delonix regia, huit espèces de Macromycètes et de Senna siamea (sept espèces). Parmi les Macromycètes recensés, très peu sont reconnus comme comestibles au Togo. C’est le cas de Leucocoprinus cretatus, Psathyrella tuberculata, un peu moins, Macrocybe lobayensis, Lentinus squarrosulus et L. tuberregium, ce dernier étant plus connu comme médicinal. Phlebopus sudanicus est consommé au Bénin et au Burkina, pays voisins du Togo. Ganoderma lucidum est utilisé en médicine traditionnelle ainsi que Daldinia signalé plus haut.

La diversité des champignons poussant en dehors de substrats ligneux sur ce campus est plus importante que celle de la présente liste. Malheureusement, chaque jour, la mise en place de diverses infrastructures dégrade les biotopes de ces ressources parfois utiles. Il serait souhaitable que ces travaux se poursuivent d’une façon urgente en vue de disposer des données sur ces Macromycètes avant que leurs habitats ne soient totalement détruits. Les taxons inventoriés sont pour la plupart décrits à partir des caractères morphologiques uniquement et plusieurs restent non identifiés. Il serait important de compléter la présente étude par des études microscopiques et mieux encore, moléculaires, en vue de préciser les caractères anatomiques essentiels de ces taxons, ce qui permettra de confirmer plus exactement les divers taxa inventoriés.

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Publié-e

18-12-2019

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie