Effets de différents rythmes de coupe sur le rendement et la qualité de la culture fourragère Maralfalfa (Pennisetum sp.) irriguée à N'Djamena, Tchad

Auteurs-es

  • H.A. DJEFIL Institut de Recherche en Élevage pour le Développement, Ndjamena, Tchad
  • D. HONORÉ Institut de Recherche en Élevage pour le Développement, Ndjamena, Tchad
  • M. ABBAS Institut de Recherche en Élevage pour le Développement, Ndjamena, Tchad
  • M.O. KOUSSOU Institut de Recherche en Élevage pour le Développement, Ndjamena, Tchad
  • R. COURCIER Institut de Recherche et d’Application des Méthodes de développement, Montpellier, France
  • A.B. BÉCHIR Université de Sciences et de Technologies d’Ati, Tchad

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.14565217

Mots-clés :

Maralfalfa, coupe, qualité, IRED, Ndjamena, Tchad, rendement

Résumé

L’amélioration des connaissances techniques pour l’introduction du Maralfalfa (Pennisetum sp.) au Tchad, culture fourragère irriguée à haute productivité d’origine sud-américaine, est cruciale pour l’élevage pastoral. Une étude menée à la station expérimentale de l'IRED (octobre 2021-juin 2022) a comparé le rendement (matière fraîche et sèche) et la qualité du Maralfalfa récolté à cinq intervalles différents: 30, 36, 45, 60 et 73 jours. Les résultats montrent que les coupes tardives, avec une période de développement plus longue, donnent des rendements plus élevés en matière sèche, tandis que les coupes précoces permettent un plus grand nombre de récoltes par an. La coupe à 45 jours a produit le meilleur rendement (85,6 t de MS/ha/an). Les analyses du Spectromètre à Infra-Rouge (SPIR) ont révélé que les fourrages jeunes (36 et 45 jours) ont une meilleure qualité avec plus de matières azotées, plus d’énergie et une meilleure digestibilité, alors que ceux de 73 jours, plus lignifiés, sont de qualité inférieure.

Mots clés: Maralfalfa, fréquence de coupe, rendement, qualité, IRED, Ndjamena, Tchad

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INTRODUCTION

Le Tchad, pays d’élevage, comptait en 2020, 32 millions de bovins, 39 millions d’ovins, 42 millions de caprins et 9 millions de dromadaires (FAO, 2020). L’élevage, majoritairement de type pastoral, implique la mobilité des familles et des animaux à la recherche de ressources pastorales (eau, pâturages). La principale contrainte au développement de l’élevage demeure l’alimentation, surtout en fin de saison sèche. En concurrence avec les fourrages naturels et les restes de culture quasi «gratuits», les producteurs privilégient d’abord la production de céréales (mil, sorgho, berbéré, riz) et de légumineuses (arachides, niébé, haricots…) pour l’alimentation de leurs animaux.

Dans ces conditions, la plupart des tentatives de développement des cultures fourragères chez les «agri-éleveurs» ont échoué (Nianogo, 2000). Les cultures fourragères représentent cependant un élément clé des systèmes de production dans ces régions, grâce au fort potentiel de production des graminées tropicales, qui bénéficient de leur photosynthèse en C4, et à la qualité nutritionnelle élevée des légumineuses, due à leur capacité de fixation de l’azote et à leur résistance à la sécheresse (Klein et al., 2014).

La disponibilité et la qualité des fourrages demeurent la contrainte majeure au développement de l’élevage. Pour les élevages pastoraux, la capacité de charge des parcours constitue également un défi (Boudet, 1984; Breman et al., 1984; Le Houérou, 1989). En effet, les éleveurs profitent principalement des fourrages naturels de qualité, disponibles gratuitement sur de grandes surfaces pendant la saison des pluies. En revanche, pendant la saison sèche, tous les types d’éleveurs doivent rechercher d’autres alternatives pour nourrir leurs animaux (Hiernaux, 2021).

Le Maralfalfa est une graminée hybride améliorée d’origine colombienne, dont les boutures ont été introduites au Tchad en 2020 par le projet ACCEPT/IRED, à partir du Sénégal. Cette plante est réputée pour sa haute productivité et sa valeur nutritionnelle supérieure à celle de la plupart des graminées tropicales. L’objectif de ce travail est de déterminer la date de coupe optimale qui permettrait d’obtenir à la fois une production élevée et une bonne qualité de fourrage de Maralfalfa.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Site de l’étude

L’étude s’est déroulée d’octobre 2021 à avril 2022 sur le site expérimental situé dans l’enceinte de l’IRED à N’Djamena, au Tchad. Le climat est de type sahélien, avec des températures comprises entre 18°C et 45°C. Les précipitations moyennes annuelles sont de 600 mm.

Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental utilisé était un bloc de Fischer (4 blocs × 5 parcelles), constitué de 20 parcelles mesurant chacune 6 m de long et 3 m de large. Les différents traitements étaient basés sur des périodes de coupe: 30 jours, 36 jours, 45 jours, 60 jours et 73 jours. Un tirage au sort a permis de répartir aléatoirement les cinq traitements sur les sous-parcelles (Tableau 1).

Le matériel végétal

Le matériel végétal utilisé est constitué de boutures de Maralfalfa (Pennisetum sp.) mesurant de 20 à 30 cm de long, chacune comportant trois nœuds.

Plantation des boutures

Sur chacune des vingt sous-parcelles, des billons de 6 m de long et 0,3 m de haut ont été réalisés. Sur chaque billon, 12 boutures de Maralfalfa (Pennisetum sp.) ont été plantées, inclinées de manière à ce que deux des trois nœuds soient enterrés et un reste au-dessus du sol. L’espacement entre les boutures était de 0,5 m.

Irrigation

Les parcelles ont été irriguées avant et après la plantation. Par la suite, les apports d’eau ont été effectués deux fois par semaine. Les quantités d’eau d’irrigation ont été estimées en fonction des besoins en eau des plantes, basés sur leur croissance et leur développement (Kc), ainsi que sur la période de l’année (ETP).

Fertilisation

La fertilisation a été dimensionnée pour correspondre aux exportations de NPK par le sol. Après chaque coupe, 14,4 kg de bouses de bovins séchées en poudre et 0,9 kg d’urée ont été apportés pour chaque parcelle.

Entretien

Les sous-parcelles ont été sarclées chaque fois que la présence d’adventices a été constatée. Cette opération, réalisée pendant la phase initiale de croissance, a été progressivement réduite en raison du développement rapide des plantes, qui faisaient de l’ombre aux adventices.

La coupe et pesée

Dans chaque sous-parcelle, la coupe de toutes les plantes a été effectuée à 5-10 cm au-dessus du sol. Le poids des tiges coupées, rassemblées en gerbes, a été déterminé à l’aide d’un dynamomètre suspendu à un trépied.

Les prélèvements des échantillons pour analyse

Des échantillons d’un kilo de matières fraîches, constitués d’un mélange de feuilles et de tiges, ont été prélevés sur l’ensemble de la récolte au niveau de chaque sous-parcelle. Ces échantillons ont ensuite été pesés, puis mis à l’étuve pour déterminer leur poids sec. Les spectres de ces échantillons, obtenus grâce au Spectromètre à Infrarouge (SPIR), ont été analysés afin de déterminer leur composition chimique, notamment le taux de protéines (MAT), l’énergie (UFL et UFV) et leur digestibilité.

Calcul des rendements

Le rendement en biomasse (kg/m²) a été estimé en divisant la production de fourrage (kg) par la surface de la parcelle (m²). Chaque traitement étant basé sur une production pendant une période différente, les rendements ont été exprimés en fonction d’une période comparable (g/m²/jour) afin de permettre leur comparaison.

Saisie et traitement de données

Les données collectées sur le terrain ont été saisies dans Excel (version 2007). Elles ont ensuite été importées dans le logiciel SPSS (version 2007), où elles ont été soumises à la procédure d’analyse de variance (ANOVA) à un facteur et au test t.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Hauteur des plantes

Il est observé, sur la figure 1, une croissance régulière en fonction des trois phases de croissance des plantes:

De 0 à 30-40 jours: croissance lente (plus horizontale que verticale),

De 30-40 à 60-70 jours: croissance rapide (verticale et horizontale),

De 60-70 jours à 100-120 jours: croissance ralentie (croissance verticale, surtout des tiges).

Cette évolution de la vitesse de croissance suggère que, si l’objectif est d’optimiser la production de biomasse (la hauteur étant un bon indicateur de la biomasse créée), il serait préférable d’éviter une récolte avant la fin de la période initiale de croissance (45 jours), ainsi qu’une récolte trop tardive (après 60 jours), car cela maintiendrait les plantes sans véritable augmentation de la biomasse pendant la troisième phase de croissance.

Production de biomasse

Rendement en matière fraîche

Le tableau 2 montre que les rendements en matière fraîche varient significativement avec le rythme de coupe (P< 0,001). Un rendement inférieur a été enregistré à 36 jours. Le rendement à 73 jours a été le plus élevé.

Rendement en matière sèche

Les rendements en matières fraîches (MF/g/m²/j) ont été convertis en tonnes de matière sèche (tMS/ha/an). Il ressort que les rendements les plus élevés en matière sèche ont été obtenus à la date de coupe tardive, bien que le nombre de récoltes soit faible. Le pic de rendement a été atteint à 45 jours, suivi de 73 jours. Cependant, il est indispensable de tenir compte de la baisse de qualité avec une période de coupe trop longue.

Qualité du fourrage

Le tableau 3 présente la variation du taux en matière azotée totale (MAT/MS), ou taux de protéines brutes (PB/MS). Il ressort que le taux en matière azotée totale le plus élevé est obtenu à la coupe de 36 jours (21,8). À 45 jours, bien que le taux soit légèrement inférieur (20,2), le rendement en biomasse est plus élevé (118,8), ce qui peut être recommandé.

Une diminution significative et régulière du taux de matière azotée est observée au-delà de 36 jours. Ainsi, la teneur en matière azotée diminue avec l’âge de la plante.

Le tableau 4 présente la variation de la valeur énergétique en UFL selon le rythme de coupe. Il ressort que les fourrages coupés à 36 jours ont enregistré une valeur énergétique supérieure par rapport aux autres dates.

Le Tableau 5 présente la variation du taux de digestibilité de la matière organique (SMO). Il apparaît une diminution régulière avec l’augmentation de l’intervalle entre les coupes, passant de 65,4 % à 36 jours, à 61,1 % à 45 jours, et enfin à 58,6 % à 73 jours.

DISCUSSION

Dates de coupe

L’essai a confirmé les dates de coupe suggérées par les fiches techniques sud-américaines et mondiales pour le Pennisetum purpureum. La date idéale de 45 jours apparaît comme celle qui combine la meilleure production avec une bonne qualité de fourrage.

Rendement moyen

De 2010 à 2020, de nombreuses universités et centres de recherche sud-américains hispanophones (Mexique, Bolivie, Pérou, Colombie, Porto Rico, Équateur, Canaries, Venezuela) ont étudié en détail la nouvelle plante fourragère hybride d’origine colombienne, Maralfalfa, dont le développement chez les éleveurs a été rapide dans ces pays. La production de biomasse est «permanente» en conditions tropicales, avec des récoltes pouvant varier de 5 à 12 coupes successives chaque année. Les rendements varient beaucoup selon les conditions de production (fertilité, couverture des besoins en eau) et les conditions climatiques (ensoleillement, températures).

Le rendement annuel en matières fraîches obtenu dans cette étude (215 à 289 t MF/ha/an) est semblable à ceux rapportés par Sterling (2010) en Bolivie (232 t/ha/an), Diaz (2013) aux îles Canaries (230 t/ha/an) et Gurula (2020) au Mexique (214 t/ha/an). Des rendements supérieurs (702 t/ha) ont été obtenus par Gonzales (2020) et Cardona (2007) en Colombie.

Valeur nutritive

Le Maralfalfa est une graminée pérenne qui permet des récoltes tout au long de l’année, surtout lorsqu’il est produit sous irrigation. Nos résultats, basés sur les prévisions obtenues lors des analyses SPIR au laboratoire du CIRAD-Montpellier, ont montré une forte teneur en MAT/MS (20 % à 15 %), légèrement supérieure à celle obtenue par Correa (2006) en Amérique du Sud. Conformément à d’autres études, le taux de protéines baisse clairement avec l’âge de la plante au moment de la coupe. Selon Pamo (1997), la croissance rapide en début de saison est liée à une bonne valeur alimentaire des graminées. La digestibilité est le principal facteur influençant la valeur alimentaire d’une variété fourragère (Archimede et al., 2009 ; Aufrère et al., 2013).

De même, les résultats ont montré la baisse de la valeur énergétique et de la digestibilité de la matière organique, ce qui confirme l’intérêt de récolter tôt, surtout lorsque cela n’affecte pas la production annuelle.

CONCLUSION

Les résultats ont confirmé que le Maralfalfa est une plante fourragère à très haute productivité lorsqu’elle est cultivée dans de bonnes conditions de fertilité, d’irrigation et d’ensoleillement. De plus, elle présente une haute teneur en matières azotées, bien que cette teneur diminue rapidement avec l’âge. Le rendement annuel varie peu avec l’intervalle entre les coupes: lorsque les intervalles sont courts, les rendements sont plus faibles, mais cela est compensé par un nombre de récoltes plus élevé. Le plus haut rendement a été obtenu pour l’intervalle de 45 jours, et la qualité du fourrage étant encore très élevée à cet âge, c’est cet intervalle qui peut clairement être recommandé.

Les résultats de l’étude suggèrent des coupes tous les 45-50 jours, ce qui est conforme aux études réalisées sur cette plante dans les pays sud-américains hispanophones et sur le Pennisetum purpureum au niveau mondial. Des essais étalés sur une année pourraient permettre des comparaisons plus précises.

RÉFÉRENCES

Archimede H., Sauvant D., Assoumaya C., Fanchone A., Boval M. (2009). Fourrages tropicaux: valeur alimentaire comparée aux fourrages tempérés et évaluation au pâturage. Renc. Rech. Ruminants, 16: 17-24.

Aufrere J., Emile J.C., Dozias D., Delaby L., Morvan A.L.E., Barre P., Baumont R. (2013). Variation et prévision de la valeur énergétique de l’ensilage de sorgho plante entière. Renc. Rech. Ruminants, 20: 105-106.

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Breman H., Uithol P.W.J. (1984). Le projet production primaire au Sahel (PPS): diffusion des résultats d’une étude des pâturages sahéliens, pour l’amélioration de la planification des programmes de développement de l’élevage et de la gestion des ressources naturelles. Centre de Recherches Agrobiologiques, Wageningen, Pays-Bas.

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Publié-e

08-12-2024

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement

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