Caractérisation de la chaîne de valeur et de la rentabilité financière des cultures négligées et sous-utilisées en zone sahélienne: Cas de Corchorus olitorius dans la région d’Agadez au Niger

Auteurs-es

  • Rahila MAAZOU Institut Supérieur en Environnement et Écologie, Université de Diffa, Diffa, Niger
  • Abdourhimou AMADOU ISSOUFOU Faculté des Sciences Agronomiques et Ecologique, Université de Diffa, Diffa, Niger
  • Mamadou ADAM Institut National de la Recherche Agronomiques du Niger, Niamey, Niger
  • Habou RABIOU Faculté des Sciences Agronomiques et Ecologique, Université de Diffa, Diffa, Niger
  • Ali MAHAMANE Faculté des Sciences et Technique, Université de Abdou Moumouni, Niamey, Niger

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.14567632

Mots-clés :

Corchorus olitorius, Molokheya, corète, chaîne de valeur, rentabilité, Valeur ajoutée Nette, Niger

Résumé

La mise en valeur de certaines espèces sous-utilisées constitue un des moyens palliatifs de la diversification des cultures dans certaines localités du Nord du Niger. Cette étude porte sur la valorisation de produits et sous-produits du Corchorus olitorius dans la région d’Agadez. La méthodologie s’est basée sur l'évaluation rapide de marché (ERM) à travers le calcul de la Valeur Ajoutée (VA), le revenu net et le ratio coût-bénéfice. Nous avons également réalisé des entretiens auprès des acteurs. Les données ont suivi une analyse fonctionnelle et financière. Il est basé sur la collecte de données auprès des acteurs de cette chaîne de valeur notamment la production, la commercialisation, la transformation et la consommation. Les résultats ont montré que les maillons production (100%) et commercialisation sont conduites par les hommes et la transformation par les femmes (100%). La production moyenne est de 272 tonnes de Corchorus olitorius séchés dont la grande partie est destinée à la commercialisation. La valorisation du Corchorus olitorius est rentable pour tous les acteurs de la chaîne de valeur quel que soit la période de l’année. Les résultats montrent que la VAN varie suivant l’année. En investissant 1 FCFA, les producteurs gagneraient 1,5 FCFA pendant la période de grande production et 3,3 FCFA pendant la période de faible production. Cette étude devrait permettre d’amorcer une meilleure politique de valorisation de cette espèce, en impliquant les principaux acteurs de son exploitation.

Mots clés: Corchorus olitorius, Molokheya, corète, chaîne de valeur, rentabilité, Valeur ajoutée Nette, Niger

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INTRODUCTION 

Les ressources végétales ont toujours joué un rôle important dans la vie des populations, particulièrement des zones rurales. Ces ressources sont exploitées pour l’alimentation, les produits médicinaux et contribuent fortement à l’amélioration des conditions de vie des populations à travers le revenu tiré de leur exploitation. Parmi ces plantes, on peut noter les plantes légumières qui sont bien perçues sur les marchés, aux niveaux local, régional et international (Taylor, 1999). La valorisation de certaines plantes constitue un bon pourvoyeur d’emplois et de revenus par leur exploitation, surtout par les femmes (FAO, 2022).

Au Niger, le secteur rural occupe une place primordiale dans l’économie nationale. Il contribue considérablement à la formation du PIB (39,8% en 2009 et 42,7% en 2010) et aux recettes d’exportation (26,8%) selon le Réseau National des Chambres d’Agriculture du Niger (2010). L’existence de seulement de marchés ne suffit pas pour optimiser les opportunités d’amélioration de production et de revenus pouvant alléger la pauvreté (Paraïso et al., 2010). Au Niger, il existe de nombreux produits sauvages ou cultivés dont les espèces du genre Corchorus qui font l’objet de transactions financières depuis des décennies (Magagi et al., 2022). En dépits de l’importance socio-économique, ces plantes, ne sont pas cultivées, leurs produits sont cueillis dans les conditions naturelles. Mais des tentatives de domestication sont observées dans la région d’Agadez. Des centaines de producteurs/agents économiques mettent les produits de Corchorus olitorius sur les marchés locaux, nationaux et même internationaux. Ils créent des bénéfices/valeurs ajoutées dont la redistribution est toujours inéquitable pour des raisons de proximités ou de manque de connaissances des informations sur les caractéristiques du marché (Kouakou, 2019).

Malgré l’importante contribution du secteur dans le PIB, on constate un manque accru de dispositif institutionnel qui pourrait lier et coordonner l’ensemble des acteurs, prestataires de services, négociateurs et distributeurs de la chaîne de valeur de produits de Corchorus olitorius dans la région d’Agadez.

Ce faisant, comment l’approche chaîne de valeur pourrait-elle permettre de d’améliorer les connaissances sur les indicateurs de performance de la valorisation du Corchorus Olitorius au Niger ?

Empruntée au domaine de la gestion des entreprises, la chaîne de valeur se définit comme étant un enchaînement des opérations depuis la fourniture des intrants spécifiques à la production primaire et à travers transformations du produit, la commercialisation jusqu’à la consommation finale (Eddy, 2017). Cet article se propose d’analyser la chaîne de valeur et la rentabilité financière de Corchorus olitorius cultivé dans la région d’Agadez.

MATÉRIEL ET MÉTHODES 

Zone d’étude

L’étude a été conduite dans les communes d’Alekssess, Dabaga, Indoudou, et Toudoun Bella dans la région d’Agadez (Figure 1). Ces dernières longeant la vallée de la Telwa s’étendent respectivement entre 17° 0’ 43,56 N 8° 0’ 30,96 E, 17° 18’ 32.76 N et 8° 8’ 10,32 E, 17° 8’ 19,68 N et 8° 4’ 23,52 E, et enfin entre16° 59’ 21,12 N 7° 58’ 39,36 E. Le climat zone d’étude est du type tropical sec caractérisé par une courte saison de pluie et une longue saison sèche avec une température moyenne variant au cours de l’année entre 44-45°C en juin, et 27-28°C en janvier. Dans ces zones, l’élevage est la principale activité suivis ces dernières années par le développement des cultures fourragères.

On constate aussi une conversion des populations vers la production maraîchère avec un intérêt de plus en plus croissant pour les espèces du genre Corchorus.

Échantillonnage

Quatre communes ont été choisies dans la région d’Agadez sur la base de l’importance des activités de production et de commercialisation de Corchorus olitorius. En plus dans ces zones, le produit de l’espèce joue un rôle très essentiel dans l’alimentation des populations et est une source évidente de revenus.

L’échantillonnage a permis de choisir 35 personnes à enquêter de manière aléatoire au niveau de chaque maillon de la chaîne de valeur (production, commercialisation, transformation et consommation). 185 agents ont été enquêtés dans toutes les communes.

Collecte des données

Les données ont été collectées en deux étapes: une enquête diagnostic auprès des différents acteurs de la chaîne de valeur et une étude sur le marché de Corchorus olitorius (Maché Gabass d’Agadez). En plus de l’enquête à l’aide d’un questionnaire, des observations et des mesures directes ont été également effectuées pour confirmer certaines déclarations des acteurs de la chaîne afin de disposer de données fiables. Il s’agit de l’achat du produit au niveau des différents types d’acteurs, de peser un échantillon de 10 unités de chacune des mesures utilisées pour la vente et l’achat des produits. De plus, il est à noter que les données sur l’évolution des prix hebdomadaires des produits ont été collectées sur toute l’année. Pour compléter l’approche analytique, des entretiens avec quelques informateurs clés des différentes compagnies de transports, de services de la douane et de service de contrôle au niveau de l’aéroport ont permis de collecter les données sur les quantités des produits exportées chaque jour et leur destination.

Analyse des données

Le tableur Excel et logiciel Minitab 18 ont été utilisés pour la saisie et l’analyse des données. Les méthodes utilisées sont entre autres, la statistique descriptive (moyenne, écart type), l’analyse des variance pour la comparaison des moyennes des indicateurs de rentabilité. Les méthodes d’estimation et d’extrapolation sont utilisées pour le calcul des prix.

Les autres données telles que les recettes, les charges directes, Charges récurrentes, Valeur Ajoutée (VA), le revenu net et le ratio coût-bénéfice ont été calculés. La rentabilité a d’abord été évaluée pour chaque maillon de la chaîne puis évaluée par période de production (période de grande production et période de faible production).

Recettes/ Produit brut: Ce produit est obtenu en multipliant le rendement par le prix de vente déclaré au Kilogramme. Cette manière d’estimer le produit brut suppose que toute la quantité récoltée par chaque exploitant soit totalement vendue au prix déclaré.

Charges directes: Les charges directes, également appelées coûts directs, englobent les dépenses directement liées à l’exploitation. Dans cette étude, les coûts variables correspondent aux coûts des semences, de l’engrais, du gaz, et de l’essence. Ils sont tous évalués par unité de superficie. Ces coûts varient avec le degré d’intensité de la production.

Charges récurrentes ou coût indirectes: Les charges récurrentes, ou coûts indirects, représentent les dépenses nécessaires au fonctionnement global de l’exploitation, sans être directement liées au processus de production.

Pour les intégrer au coût de production, une répartition est essentielle. Dans cette étude, les charges récurrentes, représentent les salaires des employés, les coûts liés aux démarcheurs, coûts à l’utilisation de la main s’oeuvre, coûts liés au conditionnement des produits, les dotations aux amortissements, taxes et impôts.

Valeur ajoutée: La valeur ajoutée créée par produit (VA) est estimée selon la formule suivante de Fabe et al. (2009): VA=PB–CI. PB représente le produit brut en FCFA; CI, la consommation intermédiaire en FCFA.

Revenu net: Marge Nette (MN) et Revenu Net (RN) de production. La marge nette de production a été obtenue en déduisant du produit brut en valeur à l’hectare (PBV), les coûts totaux à l’hectare (CT) ou en déduisant de la marge brute les coûts fixes à l’hectare (CF). Elle a été exprimée en FCFA/ha selon la formule suivante: MN = PBV – CT ou encore: MN = MB - CF.

Ratio bénéfice-coût: Le ratio Bénéfice/Coût ou B/C est un indicateur d’analyse financière qui exprime le gain financier total obtenu par l’investissement d’une unité monétaire (1 FCFA par exemple). Soit B l’ensemble des bénéfices obtenus après un investissement total C. Il revient alors que: B/C = B / CT.

RÉSULTATS

Producteurs

L’analyse des caractéristiques des enquêtés montre que beaucoup de personnes vivent grâce à l’activité de l’exploitation de Corchorus olitorius dans la région d’Agadez. L’analyse des classes d’âges des enquêtés montre que ceux ayant un âge compris entre 30 et 45 ans (50,8%) suivis de ceux d’âge de 45 ans à plus (26,5%) sont prédominants. Les personnes ayant moins de 30 ans sont les moins représentés (22,8%). Le tableau1 montre que la production de Corchorus olitorius dans la région d’Agadez est exclusivement masculine. Le niveau de scolarisation reste en moyenne faible dans les quatre localités: 63,1% ont un niveau primaire, 14,5% ont un niveau secondaire et les 22,2% sont non scolarisés. La majorité des producteurs sont des mariés avec une moyenne de 82,5% dans les quatre communes. Les célibataires sont les moins représentés avec une moyenne de 17,5%.

Transformation

L’analyse du profil des acteurs de la transformation de Corchorus olitorius montre que l’activité est exclusivement pratiquée par les femmes. En effet, les transformatrices sont constituées à 35% de femmes âgées de 50 à 60 ans, 29% ont entre 40 et 50 ans, 24% ont entre 30 et 40 ans (Figure 2A). Ceux ayant un âge supérieur à 60 ans constituent 12% du groupe. Les femmes transformatrices ayant une expérience de 10 à 20 sont les plus représentées (55%) suivies de celles qui ont une expérience de 5 à 10 (20%) (Figure 2B).

L’analyse des activités de transformation par semaine montre que les entreprises qui transforment de 5 à 10 sacs de 6 kg présentent 28,6% suivies de celles qui transforment de 10 à 20 sacs par semaine (23,8%). Les entreprises qui transforment de 1 à 5 sacs et celles qui transforment des grandes quantités de plus de 60 sacs par semaine sont les moins représentées avec 14,3% chacune (Figure 3).

Commerçants

L’analyse du statut matrimonial des commerçants montre que les hommes mariés (58%) et les femmes mariées (21%) sont les plus fréquents (Figure 4A). Il est à noter que l’activité elle-même est dominée par les hommes. L’activité est pratiquée par des personnes d’âge divers. Toutefois, les personnes âgées de 50 à 60 ans sont les plus fréquentes. La majorité des personnes ont une faible expérience en matière de commerce. Ceux qui ont une expérience de 2 à 8 ans représentent 41% des commerçants. Les plus expérimentés avec plus de 30 ans dans le commerce représentent 14%.

Consommateurs

Profil des consommateurs

Les classes d’âge des consommateurs enquêtés les plus fréquentes ont entre 35 et 40 ans (16%) suivies des classes d’âge de 30 à 35 ans (15%) (Figure 5A). Les classes d’âge les moins enquêtées sont de 17 à 20 ans et de 55 à 60 ans avec 3% chacune. Les femmes ménagères constituent les enquêtés les plus fréquents avec 39% suivies des cultivateurs (20%) et les étudiants avec 17% (Figure 5B).

Préférence des consommateurs selon les groupes sociolinguistiques

L’analyse de la préférence de consommation selon les groupes sociologiques montre que 17,8% des Haoussas consomment à l’état frais, mais ils préfèrent consommer à l’état séché (97,2%). Pour ce qui est des Touaregs, 10% des enquêtés consomment à l’état frais mais 100% des Touareg préfèrent la consommation des produits séchés. Quant au Peulh, la moitié des interviewés ont affirmé qu’ils consomment à l’état frais, et l’autre moitié préfèrent la consommation des produits séchés (Figure 6).

Analyse fonctionnelle de la chaîne de valeur

Cartographie de la chaîne de valeur

Les résultats de l’enquête montrent les relations d’affaires entre les acteurs de la chaîne de valeur de Corchorus olitorius. Les producteurs s’approvisionnent directement auprès des fournisseurs ou organisation des producteurs d’intrants (semences, les engrais et produits phytosanitaires) sur la base de commande en fonction des besoins exprimés. Après la production, le produit de Corchorus olitorius est acheminé aux grossistes sur le marché d’Agadez par l’intermédiaire des démarcheurs (Figure 7).

Quant aux détaillants, leur approvisionnement en produits se fait en majeure partie auprès des grossistes excepté pour les feuilles fraîches où ils se ravitaillent le plus souvent directement chez les producteurs qui sont proche de la zone urbaine. Les transformatrices s’approvisionnent en feuille de Corchorus olitorius auprès des grossistes ou des détaillant selon la disponibilité du produit. Après transformation, la poudre de Corchorus olitorius est vendue sur le marché en détail, aux consommateurs ou aux commerçants grossistes pour la vente à l’étranger. D’autre part, des consommateurs prennent le produit séché non transformé auprès de commerçants détaillant ou auprès des producteurs locaux pour les feuilles fraîches.

La Figure 7 présente une cartographie indiquant les maillons, les acteurs, les rôles et responsabilités et produits tout au long de la chaîne.

Circuit de Commercialisation de Corchorus olitorius

En moyenne, 272 tonnes de Corchorus olitorius séchés sont produites dans la région d’Agadez. La grande partie du produit est destinée à la commercialisation soit 83,3% dont 57,9% pour la vente nationale dans toutes les régions du Niger et 25,3% du produit sont vendus à l’étranger principalement vers Libye, Algérie, Mali, Sénégal, Ghana, Nigéria et Cameroun (Figure 8). Environ 16,6% du produit sont destinés à l’autoconsommation selon les enquêtés.

Variation du prix de Corchorus olitorius dans l’année

Le prix des feuilles sèches de Corchorus olitorius à Agadez varient en fonction des mois et selon les saisons sur le même marché (Figure 9). Pendant les mois d’Août, Septembre et Octobre, période de haute production, le prix de Corchorus olitorius est relativement bas avec un prix moyen de 1750 FCFA par kilogramme (Figure 9A).

Quelques mois après la période de haute production (Novembre, Décembre, Janvier et Février), le prix moyen de Corchorus olitorius est de 3 666 FCFA. En période de forte demande (Mars, Avril, Mai et Juin), le prix moyen de Corchorus olitorius est de 5 800 FCFA le kilogramme (Figure 9B).

Analyse globale de charge-revenue

L’analyse de la figure 10 montre que le revenu de l’activité de production de Corchorus olitorius varie en fonction de l’investissement, plus la charge augmente plus le revenu est important.

Analyse de la rentabilité financière de Corchorus olitorius

L’analyse des charges, des recettes, des valeurs ajoutées et de revenu montre que la production du Corchorus olitorius est rentable pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. Cependant, on constate que la VAN (Valeur Ajoutée Nette) générée augmente de la période de grande production à la période de faible production. L’analyse du tableau 2 montre qu’en investissant 1 FCFA dans la production du Corchorus olitorius, les producteurs gagneraient 1,5 FCFA pendant la période de grande production et 3,3 FCFA pendant la période de faible production. L’analyse des résultats des tableaux 2 et 3 montre que le revenu net est positif quel que soit la période pour tous les acteurs des différents de la chaîne de valeur. Ainsi, le revenu net par ha, qui est d’environ 11 835 757 FCFA pendant la période de grande production chez les producteurs. Il est de 39 621 932 FCFA en période de faible production (Tableau 2). Selon le ratio bénéfice-coûts, la rentabilité financière, tout comme dans le cas du revenu net est statistiquement différente au niveau des différents acteurs de la chaîne de valeur. Le ratio B/C le plus élevé (5,6) est observé chez les commerçants grossistes.

En Outre, l’analyse du taux de rentabilité montre que la transformation est plus rentable en saison sèche chaude. Ainsi, 1 FCFA investi permet de générer 2,8 FCFA en saison pluvieuse et 4,7 FCFA en saison sèche chaude.

DISCUSSION

Les chaînes de valeur agricoles deviennent de plus en plus un modèle de développement inclusif et de soutien aux communautés rurales et urbaines (Ali et al., 2023; Choukou, 2017) car elles influencent directement la production, la commercialisation et la consommation d’aliments et de produits agricoles (FAO, 2023; Paul-Alfred, 2019; Aminon et al., 2016). Les différents maillons (production, commercialisation et transformation) des chaînes de valeur analysés dans cette étude présentent des relations d’affaires dans la production, la transformation et la commercialisation de produit de Corchorus olitorius. La filière d’exploitation de Corchorus olitorius comprise par les populations de la région d’Agadez apparaît comme un secteur stratégique de lutte contre la pauvreté et le développement local.. L’absence des femmes dans la production de Corchorus pourrait être expliquée par le statut foncier, qui traditionnellement donne la primauté aux hommes. Néanmoins, la femme accomplit quelques tâches, dont l’apport du repas aux champs pour les travailleurs, la participation à certains travaux comme le semis, le désherbage et la récolte de Corchorus olitorius. Ces résultats sont similaires à ceux de Issoufou Oumarou (2024), qui a observé que 100% des hommes dans la production de la patate douce au Niger.

Dans l’entretien avec les commerçants grossistes, on retient que les approvisionnements se font parfois de façon inopinée et que le marché de gros serait le plus actif dans l’après-midi. En effet, la matinée est consacrée à la recherche de produits auprès des producteurs et s’en suit les livraisons dans l’après-midi. Les prix des produits sont fixés par les démarcheurs. Le marché fonctionne en majeur partie sur crédit donc est fortement basé sur la confiance entre les producteurs et les grossistes. Les marchandises sont acheminées aux grossistes qui les vendent, retirent leurs commissions et reversent le reste de la somme aux producteurs ou à son fournisseur. Les marges varient en fonction du produit, de l’unité de vente et de la période de vente (abondance ou pénurie du produit). Les détaillants et les transformatrices s’approvisionnent quant à eux auprès des grossistes. L’approvisionnement en produits de Corchorus olitorius par les détaillants se fait en majeure partie auprès des grossistes exceptés pour les feuilles fraîches où ils se ravitaillent le plus souvent directement chez les producteurs qui sont proches de la zone urbaine. Tout comme les grossistes, les détaillants importent des produits en période de pénurie ou de flambée des prix. Les détaillants n’ont pas de critères de sélection dans le choix de leurs lieux d’approvisionnement. Leurs choix sont le plus souvent guidés par le prix de la marchandise.

La transformation des feuilles de Corchorus olitorius en poudre est totalement assurée par les femmes. Ces dernières s’approvisionnent auprès des commerçants grossistes et semi-grossistes tout au long de l’année. Les mêmes observations ont été effectuées par Soumana et Ali (2021) dans leur étude sur l’analyse de la rentabilité de la transformation des feuilles du Moringa oleifera dans la commune de Djirataoua au Niger. Selon ces auteurs, les activités de transformation sont exclusivement réservées aux femmes. Après transformation des feuilles de Corchorus olitorius, la majeure partie du produit est revendue aux commerçants grossistes par le biais des collecteurs pour la vente à l’international, l’autre partie est vendue aux commerçants détaillants et aux consommateurs.

La consommation de Corchorus olitorius concerne toutes les tranches de la population et toutes les catégories socioprofessionnelles. Ces résultats corroborent ceux de Kiari (2024) qui a trouvé l’implication de toutes les tranches et catégorie de population dans la consommation de l’oseille dans la région de Diffa. L’analyse des modes de consommation de Corchorus montre que toutes les personnes enquêtées dans la zone d’étude consomment et préfèrent le produit séché.

Selon le circuit de commercialisation, le Corchorus olitorius produit dans la région d’Agadez est vendu dans toutes les villes du Niger et même à l’international. Ceci explique le rôle important que joue le produit de Corchorus olitorius dans l’alimentation de la population.

La différence de gain entre les producteurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur peut être expliquée par le coût de production plus élevé chez les producteurs comparé aux charges dans la commercialisation et de transformation du produit de Corchorus olitorius. Pendant la saison sèche, période de faible production, Le revenu net comme dans le cas du ratio bénéfice-coûts, avait hautement augmenté et est statistiquement différent d’un acteur à l’autre. Le ratio B/C le plus élevé a été observé chez les commerçants grossistes. Cela pourrait s’expliquer par le faible coût de charges lié à la commercialisation en gros et sans perte du produit de Corchorus olitorius.

Cette forte valeur ajoutée observée en saison sèche chaude s’explique par la cherté du Corchorus olitorius résultant du déséquilibre entre l’offre et la demande faisant grimper le prix. Cette même tendance a été rapportée par Mounkaila et Hassane (2022) dans la région de Dosso sur le Moringa. Ainsi le sac de 6 kg de Corchorus olitorius vendu entre 7 000 à 8 000 FCFA pendant la période de grande production est vendu à plus de 36 000 FCFA pendant la période de faible production (période sèche) par les commerçants grossistes.

La transformation des feuilles de Corchorus olitorius durant la saison sèche chaude apparaît la plus rentable à cause de la demande qui est plus élevée offrant de ce fait un prix rémunérateur aux transformateurs. Par ailleurs, l’augmentation du prix est favorisée par la rareté du produit de Corchorus olitorius cultivée et de l’indisponibilité des autres espèces sauvage du genre Corchorus sur le marché.

CONCLUSION

La chaîne de valeur Corchorus olitorius est une activité importante, génératrice de valeur ajoutée au niveau de tous les maillons de sa valorisation. Cependant, la redistribution des marges bénéficiaires est variable non seulement en fonction des périodes de production mais aussi entre les différents acteurs des maillons au cour de la même saison de production. La commercialisation des produits de Corchorus olitorius procure des revenus substantiels permettant de subvenir aux besoins quotidiens des populations mais aussi et surtout de lutter contre la pauvreté. Il est souhaitable de parfaire cette esquisse des travaux sur cette légumineuse délaissées par des travaux de recherches appropriées et la mise en place des programmes spécifiques pour un meilleur développement de la chaîne de commercialisation et générés des activités stables dans les zones de production et de sa commercialisation.

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Publié-e

21-11-2024

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement

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