Évaluation de l’activité acaricide de l’huile essentielle extraite de la plante entière d’Aeollanthus pubescens sur la tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus
DOI :
https://doi.org/10.5281/zenodo.14426656Mots-clés :
Aeollanthus pubescens, Tique, Huile essentielle, Rhipicephalus sanguineusRésumé
L'infestation par les tiques Rhipicephalus sanguineus chez les chiens cause de nombreuses maladies, affectant leur bien-être. Les acaricides synthétiques, bien que couramment utilisés, sont de moins en moins efficaces à cause de la résistance croissante des tiques. Pour trouver une alternative, nous avons étudié l'effet de l'huile essentielle extraite de la plante entière d’Aeollanthus pubescens. La composition chimique de cette huile a été analysée par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse. Des tiques prélevées sur des chiens ont été utilisées pour produire des larves, et des tests de trempage ont été réalisés pour évaluer l’activité acaricide de l’huile essentielle. Les larves et les femelles gorgées ont été exposées à des concentrations de 0,0312 à 2 mg/ml. Les résultats ont montré que l’huile essentielle contenait principalement du thymol (58,0 %), de l’acétate de thymol (17,9 %), de l’α-terpinène (9,75 %) et du γ-terpinène (8,97 %). À 2 mg/ml, la mortalité était de 81 % pour les larves et de 69 % pour les femelles gorgées, avec une inhibition de la ponte de 100 %. L’huile a été particulièrement efficace à des concentrations de 1,5 à 2 mg/ml. Ces résultats offrent un nouvel espoir pour le contrôle des infestations de tiques et justifient des recherches plus poussées sur l’huile d’Aeollanthus pubescens au Bénin.
Mots clés: Aeollanthus pubescens, Tique, Huile essentielle, Rhipicephalus sanguineus
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INTRODUCTION
L’élevage est une activité qui participe fortement à l’essor des sociétés humaines par la production de devise, la réduction du chômage et l’amélioration des conditions de vie des éleveurs et des populations (Kamuanga, 2003). Au Bénin, l’élevage occupe une place prépondérante et constitue l’une des principales activités menées par l’homme pour satisfaire ses besoins. Il est pratiqué par 33% de la population béninoise après l’agriculture (Grainger, 2010) (FAO, 2010). Une forme d’élevage souvent passée sous silence dans les pays tropicaux en développement est celui des animaux de compagnie dont principalement le chien et le chat (Hughes et Macdonald, 2013). Le chien est le carnivore le plus élevé au monde (Wandeler et al., 1993). En Afrique, la population canine actuelle est estimée à 87,6 millions de tête (Hughes et Macdonald, 2013). Au Bénin, le chien est principalement élevé pour la garde des concessions. Le chien, en plus d’être une source économique par la vente des chiots, sert aussi à la chasse dans les zones rurales et au dépistage des narcotiques. Il est donc en contact permanent avec l’homme dans les milieux urbains et ruraux (Potvin, 2013). Cependant, cet élevage est sujet à de nombreux problèmes phytosanitaires qui entravent considérablement son développement notamment l’infestation par les ectoparasites. Ces vecteurs sont principalement les larves d’insectes, les puces, les poux mais enfin et surtout les tiques (Case, 2010). Les tiques sont des arthropodes hématophages obligatoires qui parasitent, pour leur repas sanguin, toutes les classes de vertébrés dans presque toutes les régions du globe et notamment en Afrique (Socolovschi et al., 2008). De plus, elles posent un grave problème de santé publique parce qu’elles sont à l’origine de nombreuses zoonoses et sont les deuxièmes agents, après les moustiques, vecteurs de pathologies chez l’Homme (Goodman et al., 2005). Il est donc important d’étudier les pathologies canines et leurs vecteurs biologiques. Pour lutter contre ces tiques, l’utilisation des acaricides de synthèse reste actuellement le seul moyen efficace de lutte contre les tiques. Cependant, cette méthode montre ses limites par le développement de la résistance de certaines espèces de tiques vis-à-vis de ces produits (Rosado-Aguilar et al., 2010), une rémanence limitée d’où une utilisation répétée, la pollution de l’environnement et le risque important de retrouver des résidus dans les productions animales donc dans l’alimentation humaine (Sarda et al.,1997). Ainsi, les acaricides synthétiques n’offrent pas de solutions à long terme. De même, l’accès des éleveurs à ces produits est très limité ouvrant du coup la voie aux faux médicaments, aux produits mal dosés ou sous dosage intentionnel de la part de l’éleveur. Toutes ces considérations suggèrent alors que la gestion de la lutte contre les tiques constitue un problème de santé animale, de santé publique et de gestion de l’environnement. Il devient donc urgent de penser à d’autres mesures alternatives efficientes de lutte contre ces ectoparasites. C’est pour contribuer à l’atteinte de cet objectif qu’au cours de notre stage, nous avons choisi d’évaluer l’effet acaricide de l’huile essentielle extraite de la plante entière d’Aeollanthus pubescens sur les tiques du chien (Rhipicephallus sanguineus). De façon spécifique, il s’est agi de déterminer la composition chimique de l’huile essentielle de Aeollanthus pubescens et d’évaluer in vitro l’effet acaricide de l’huile essentielle de Aoellanthus pubscens sur les larves et les femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Milieux d’étude
Abomey-Calavi
Localisée au Sud-Bénin dans le département de l’Atlantique, la Commune d’Abomey-Calavi est située entre 6°26’55’’ Nord et 2°21’20’’ Est, à 55 m d’altitude. Elle est limitée au nord par la Commune de Zè, au sud par l’océan Atlantique, à l’est par les communes de Sô-Ava et de Cotonou et à l’ouest par les communes de Tori-Bossito et de Ouidah. Elle occupe une superficie de 650 km² soit environ 0,6% de la superficie nationale. Le climat auquel est soumis la Commune d’Abomey-Calavi est sub-équatorial caractérisé par quatre saisons dont deux pluvieuses et deux sèches. Les précipitations y sont relativement élevées; elles atteignent en moyenne 100 mm de pluie par mois, soit 1200 mm par an. L’hygrométrie est élevée toute l’année avec une moyenne de 80%. La température reste élevée: 26,6 ± 7°C (Adomou et al., 2012).
Cotonou
Cotonou est situé sur le cordon littoral entre le Lac Nokoué et l’Océan Atlantique. La ville est coupée en deux par un canal, la lagune de Cotonou. Trois ponts assurent la liaison entre les deux rives. Le climat est de type équatorial, où deux saisons pluvieuses (Avril-juillet et septembre-octobre, 800 à 1 200 mm de pluie par an) alternent avec deux saisons sèches. De décembre à janvier, l’harmattan souffle .La température oscille est entre 18 et 35 °C. La commune de Cotonou est limite par les communes d’Abomey-Calavi, de Sèmè-Kpodji et de Ouidah. Les langues les plus parlées sont le Fon, le Yoruba, le Bariba (Baatɔnum), le Goun, le Mina, le Adja, le Dendi, le Mahi et le Haoussa.
Porto-Novo
Porto-Novo est située dans le sud du Bénin, à 13 kilomètres de l’Océan Atlantique, dont elle est séparée par une lagune. Son altitude est d’environ 245 mètres et elle couvre 52 km2. Elle se trouve à 30 kilomètres de Cotonou à l’ouest, la capitale économique, et 12 kilomètres de la frontière nigériane à l’est. Les communes limitrophes sont Akpro-Missérété, Avrankou et Adjarra au Nord, Sèmè-Kpodji au Sud, Adjarra à l’Est et Aguégués à l’Ouest. La ville connaît un climat tropical humide particulier appelé climat sous-équatorial, avec quatre saisons, deux sèches (de novembre à mi-mars et de mi-juillet à mi-septembre) et deux humides (mi-mars à mi-juillet et mi-septembre à mi-novembre). L’humidité est importante (75 %), les températures varient entre 21,9 °C et 32,8 °C, la pluviométrie est en moyenne de 1 200 mm par an. Porto-Novo, tout comme le Bénin dans son ensemble, est caractérisée par une grande diversité ethnique. Les Gouns forment à seuls près 80 % de la population, le reste se partageant entre les Yorubas Adjas, Toffins, Minas, Sèto, Tori, Baribas, Dendis, Yoms, Lokpas, Batammariba et Peulh.
Matériel
Matériel biologique
Il est constitué principalement des tiques collectées sur les chiens de race locale et exotiques dans les localités d’Abomey Calavi, Cotonou et Porto-novo.
Matériel végétal
Il est constitué de la plante entière d’Aeollanthus pubescens récoltée à Dassa Zoumé dans le département des Collines. Elle a été envoyée au Laboratoire d’Étude et de Recherche en Chimie Appliquée (LERCA), pour l’extraction de l’huile essentielle qui a été obtenue par la technique d’hydro-distillation au moyen d’un appareil de type Clevenger.
Matériel de laboratoire
Il est constitué de matériel et équipement communément utilisés dans le laboratoire d’acarologie. Il s’agit des pinces, des boîtes de pétri; des pipettes; d’une balance électronique; d’un microscope stéréoscopique muni d’un visualiseur, des agrafes utilisées comme fermoir, un incubateur, des papiers filtres.
Méthodes
Extraction de l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens
L’huile essentielle a été extraite de la plante entière d’Aeollanthus pubescens. L’extraction de l’huile essentielle a été réalisée par hydrodistillation en utilisant un appareil de type Clevenger. Dans un réacteur, 100 g de l’échantillon ont été mis en contact avec une quantité d’eau égale à 10 fois celle du matériel pesé. L’ensemble est porté à ébullition pendant 2 à 4 heures. L’huile essentielle est alors entraînée par la vapeur d’eau. Elle est ensuite condensée en passant par le condensateur. L’huile essentielle obtenue est ensuite recueillie dans un flacon sombre stérile et additionnée de sulfate de magnésium (MgSO4). Elle est gardée au réfrigérateur à 4°C et à l’abri de la lumière jusqu’à analyse et utilisation (Alitonou, 2006).
Détermination de la composition chimique de l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens
La composition chimique de l’huile essentielle a été déterminée par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC/MC) au Laboratoire de chimie des molécules naturelles de Gembleux Agro-Bio Tech de l’Université de Liège en Belgique. Elles ont été analysées sur un chromatographe en phase gazeuse Hewlett-Packard modèle 7890, couplé à un Hewlett-Packad MS modèle 5875, équipé d’une colonne DB5 MS (30 m x 0.25 mm; 0.25µm), programmation de 50°C (5 min) à 300 °C à 5 °C/min, 5 min hold. L’hélium a été utilisé comme gaz porteur (1.0 mL/min); l’injection a été réalisée en mode split (1:30); la température de l’injecteur et du détecteur a été fixée à 250 et 280°C respectivement. Le MS fonctionne en mode impact électronique à 70 eV; multiplicateur d’électrons: 2500 eV; température de la source d’ions: 180 °C; les données des spectres de masse ont été acquises en mode balayage dans la gamme m/z 33-450. L’identification des composés a été effectuée par comparaison des spectres de masse avec les spectres de masse des bibliothèques (Pal600 K, Wiley275 et NIST17) et par comparaison des indices de rétention (IR) calculés avec les IR de la littérature. Les IR ont été calculés après l’injection d’un mélange de n-alcanes C8-C30 (Sigma-Aldrich, Darmstadt, Allemagne) dans les mêmes conditions chromatographiques.
Test sur les larves de Rhipicephallus sanguineus
Le Test d’Immersion des Larves est utilisé pour déterminer l’efficacité de l’huile essentielle de Aeollanthus pubescens sur les larves de R. sanguineus (Bosquez-Molina et al., 2002). Pour le test, deux solutions ont été utilisées: l’huile essentielle et la solution d’émulsifiant constituée de Tween-20 et de l’eau distillée soit 2 ml de Tween 20 pour 100 ml d’eau distillée.
L’huile essentielle de Aeollanthus pubescens a été utilisée pour préparer une série de neuf solutions de concentrations 0 mg/ml; 0,0312 mg/ml; 0,0625 mg/ml; 0,125 mg/ml; 0,25 mg/ml; 0,5 mg/ml; 1 mg/ml; 1,5 mg/ml et 2 mg/ml. À l’aide d’un pinceau, quelques larves ont été délicatement transférées dans une enveloppe réalisée à partir de papiers filtres Whatman N°1 préalablement immergés dans la solution correspondante puis séchés à l’abri du soleil et de la poussière pendant deux heures d’horloge (Rosado-Aguilar et al., 2010). Les enveloppes de papiers filtres Whatman contenant des larves ont été fermées avec des agrafes. Les enveloppes ont été ensuite placées à l’air libre pendant 24 heures d’affiler. Après les 24 heures, les enveloppes ont été ouvertes et les larves ont été comptées. Le nombre de larves vivantes et mortes a été enregistré. Seules les larves qui ne peuvent plus du tout bouger ou faire des mouvements ont été considérées comme mortes. La mortalité larvaire aurait été corrigée par la formule d’Abott (Abott, 1925) recommandée par la FAO (2004), si les mortalités au niveau du témoin avaient été supérieures ou égales à 5%. Elle a été déterminée selon la formule:
Test d’immersion des femelles gorgées de Rhipicephallus sanguineus
Le Test d’Immersion des adultes est utilisé pour déterminer l’efficacité des huiles essentielles d’Aeollanthus pubescens sur les femelles gorgées de R. sanguineus (Bosquez-Molina et al., 2002). Concernant le test, l’huile essentielle de Aeollanthus pubescens a été utilisée pour préparer une série de neuf solutions de concentrations 0 mg/ml; 0,0312 mg/ml; 0,0625 mg/ml; 0,125 mg/ml; 0,25 mg/ml; 0,5 mg/ml; 1 mg/ml; 1,5 mg/ml et 2 mg/ml. Dix femelles gorgées ont été délicatement transférées dans les boîtes de pétries pour une immersion après avoir été pesées. Après l’immersion, les femelles gorgées sont replacées dans leurs boîtes de pétri respectives et disposées sur la paillasse. Pour permettre l’aération, le couvercle a été perforé de nombreux trous d’un millimètre de diamètre. Après 14 jours d’exposition, un décompte a été fait par rapport au niveau de ponte.
Analyse statistique
Les données collectées au cours de nos travaux ont été enregistrées et stockées dans une base de données conçue avec le logiciel Excel. Afin d’évaluer l’effet de l’huile essentielle utilisée sur les larves, les femelles gorgées, l’indice de reproduction (IR) et sur l’indice d’inhibition de ponte (IP), une analyse de variance (ANOVA) a été effectuée, suivis d’un test de Tukey, pour la structuration des moyennes. De même, afin de modéliser nos données puis de déterminer les Doses Létales (DL) auxquelles on observe la mortalité des larves et des femelles gorgées de tiques, une régression non linéaire des données de dose-mortalité a été effectuée en utilisant la fonction ‘drm’ provenant de la librairie (package) ‘drc’ (Analysis of Dose-Response Curves, version 3.0-1), spécifique pour la modélisation des courbes dose-réponse (Ritz et Strebig, 2016). Quatre (04) modèles (fonctions) notamment les modèles log-logistiques à trois (03) et quatre (04) paramètres, les modèles de Weibull de type I et II avec chacun à trois (03) et quatre (04) paramètres, ont été testés afin de choisir le modèle qui permet de mieux ajuster nos données. Le choix du meilleur modèle a été fait sur la base du modèle possédant la plus petite valeur de l’AIC (Akaike Information Criterion). La modélisation a été effectuée en fixant les valeurs minimale et maximale respectivement à 0 et 100. Ensuite, les valeurs des DL10, DL20, DL50, DL90 et DL99 et leurs intervalles de confiance à 95 % (IC 95 %) ont été estimées à l’aide de la fonction ‘ED’ (Effective Dose) combiné avec l’argument ‘delta’ pour obtenir chaque intervalle de confiance. La différence entre les DL estimées a été désignée comme significative si leurs IC à 95 % ne déborde pas. Enfin, les graphiques (courbes) des modèles ont été réalisés pour bien évaluer les tendances que chaque modèle présentait. Toutes les analyses ont été effectuées avec le logiciel R version 4.1.1.
RÉSULTATS
Composition chimique de l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens investiguée
Le tableau 1 montre la présence de plusieurs composés chimiques importants en pharmacopée vétérinaire pour leur action biologique dont les plus majoritaires sont le thymol (58,04%); le thymol acetate (17,91%); l’α-terpinène (9,75%; et le γ-terpinène (8,94%). Les composés minoritaires non négligeables.
Effet de l’huile essentielle sur l’indice de reproduction (IR) et sur l’indice d’inhibition de ponte (IP) de Rhipicephalus sanguineus
Le tableau 2 présente l’effet de l’huile essentielle utilisée sur les larves, les femelles gorgées, l’indice de reproduction (IR) et sur l’indice d’inhibition de ponte (IP). Il ressort de l’analyse de variance effectuée que la dose de l’huile essentielle utilisée a un effet significatif sur la mortalité des larves, des femelles gorgées, 0l’indice de reproduction (IR) et sur l’indice d’inhibition de ponte (IP). En effet, nous avons observé que l’augmentation de la dose de l’huile essentielle de 0,312% à 20%, a entraîné une inhibition de ponte (IP) de 0,37% à 100% (Figure 2). Par contre, l’effet contraire est observé avec l’indice de reproduction (IR) qui diminue respectivement de 2,25%; 1,67%; 1,19%; 0,68%; 0,27%; 0,11%; 0,06%; 0,03% et 0% au fur et à mesure que la dose de l’huile essentielle augmente de 0,312% à 20%, (Figure 2). Ainsi, l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens a le plus faible taux d’indice de reproduction à une concentration de 2 mg/ml; par contre le pouvoir inhibiteur de ponte de l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens est de 100% à une concentration de 2 mg/ml. En outre, nous notons une différence significative entre l’effet d’une dose à une autre sur les taux de mortalité des larves et des femelles gorgées, de même que l’indice d’inhibition de ponte (IP) et sur l’indice de reproduction (IR).
Effet de l’huile essentielle sur la mortalité des larves, des femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus
L’huile essentielle de la plante d’A. pubescens a montré une activité acaricide importante sur les larves et les femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus. Des neuf concentrations utilisées, le taux de mortalité larvaires le plus élevé a été obtenu avec la plus grande concentration (20%). Les concentrations 20%; 15%; 10%; 5%; 2,5%; 1,25%; 0.625% et 0,312% ont induit respectivement des mortalités larvaires de 81,0%; 68,7%; 59,7%; 42,4%; 34,4%; 21,0%; 10,8% et 2,79%. Tandis que les mortalités des femelles gorgées sont respectivement de 65%; 60%;40%;35%;30%;15%;5% pour les concentrations de 20%; 15%;10%; 5%; 2,5%; 1,25%; 0,625%. Il faut noter qu’il n’y a eu aucune mortalité des femelles pour la dose de 0,312%. Ces résultats révèlent donc une corrélation directe entre les taux de mortalité des tiques et la concentration en huile essentielle. Ainsi, à une concentration de 2 mg/ml, nous avons observé une mortalité de 65% des femelles gorgées alors que la même concentration entraîne la mort de 81% des larves.
Doses létales de l’huile essentielle sur la mortalité des larves et femelles gorgées de Rhipicephalus microplus
IL ressort de l’analyse dose-réponse effectuée que le modèle de Weibull de type II à trois (03) paramètres a été le meilleur modèle pour la présente analyse. Les concentrations létales de l’huile essentielle à 10%, 20%, 50%, 90% et 99% (DL10, DL20, DL50, DL90 et DL99) et leurs intervalles de confiance respectifs à 95% (IC 95%) sont indiquées dans la figure 6 ci-dessous. L’huile essentielle sur les échantillons de larves de Rhipicephalus sanguineus a présenté une pente légèrement importante que celle sur les échantillons des femelles gorgées. Il faut noter qu’avec une dose nulle (00) aucune mortalité n’a été observée sur les larves et femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus (Figure 3). La courbe de réponse de l’huile essentielle sur les échantillons de larves de Rhipicephalus sanguineus occupe une position en retrait (arrière) par rapport à celle de l’huile essentielle sur les échantillons de femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus. Ceci démontre donc qu’avec une faible dose de l’huile essentielle, on arrive à tuer 20%, 50%, 90% et 99% de l’ensemble des échantillons de larves considérées dans cette étude. Par contre, sur les échantillons de femelles gorgées, la dose létale de l’huile essentielle est un peu plus élevée. Ceci témoigne donc de l’efficacité à 20%, 50%, 90% et 99% de l’huile essentielle sur ces échantillons de larves de Rhipicephalus sanguineus plus que sur les femelles gorgées. Cette tendance est bien confirmée par les DL20 (IC), DL50 (IC), DL90 (IC), DL99 (IC) obtenues au niveau des échantillons de larves de Rhipicephalus sanguineus qui sont plus faibles que celles obtenues sur les échantillons des femelles gorgée.
DISCUSSION
Les tiques sont des vecteurs importants de nombreuses maladies qui affectent les humains, les animaux domestiques et le bétail, causant des pertes économiques importantes. A l’échelle mondiale, les dommages causés par ces ectoparasites représentent un poids économique de 20 à 30 milliards par an (Pereira et al., 2023). La tique brune du chien, Rhipicephalus sanguineus (Latreille 1806), est un ectoparasite hématophage de la famille des Ixodidae à large répartition géographique. Elle est présente dans le monde entier mais plus fréquemment dans les climats chauds. Bien qu’elle se nourrisse d’une grande variété de mammifères, le chien est son hôte préféré et elle est fréquemment associée aux chenils. C’est l’un des plus importants vecteurs de maladies chez les chiens, et cette tique a une importance dans la transmission de maladies à l’homme. Aussi, cette tique a-t-elle une grande importance sanitaire et économique car les animaux parasités présentent une prise de poids réduite, une dépréciation de la peau et des hémoparasitoses (Godara et al., 2014). Actuellement, R. sanguineus est contrôlé à l’aide d’acaricides synthétiques appartenant à différents groupes chimiques. Cependant, l’utilisation continue de ces produits a conduit à la sélection de populations résistantes. Il existe des enregistrements de populations résistantes aux pyréthroïdes, aux amidines, aux organophosphates, aux lactones macrocycliques, aux phénylpyrazols et aux benzoylphénylurées (Aboelhadid et al., 2022). Pour lutter contre de ce phénomène de résistance, les huiles essentielles constituent une alternative crédible car elles gagnent de plus en plus de terrain et présentent un risque moindre de contamination environnementale et un taux de développement de la résistance plus faible. Ces substances phyto-chimiques agissent de différentes manières telles que la contre-action des hormones régulatrices de croissance, l’inhibition du développement des œufs, la perturbation de l’accouplement et de la communication sexuelle, l’inhibition de la formation de la chitine et leur action répulsive (Rodriguez Vivas et al., 2018). Dans l’optique de développer des stratégies de contrôle alternatives qui soient sûres pour l’environnement, pour les animaux et pour la santé publique également, la présente étude a évalué l’activité acaricide de l’huile essentielle de Aeollanthus pubescens récoltées dans la commune de Dassa-Zoumè. Les expériences réalisées sur l’effet de cette huile sur la mortalité des larves et des femelles gorgées, les indices de reproduction (IR) et d’inhibition de ponte (IP), de Rhipicephalus sanguineus montre que la dose de l’huile essentielle utilisée a un effet significatif sur ces différents paramètres. En effet, lorsque la quantité de l’huile essentielle est élevée on observe une augmentation de la mortalité des larves, des femelles gorgées et de l’inhibition de ponte tandis que l’indice de reproduction diminue. L’effet acaricide de cette huile peut s’expliquer par l’action des éléments chimiques majoritaires dont le thymol, surtout. En effet, selon de Oliveira Monteiro (2010), le thymol possède un puissant potentiel acaricide et provoque des altérations des œufs, des larves et femelles gorgées. Par ailleurs, l’action de l’activité acaricide de l’huile pourrait être justifiée par l’action directe qu’exercent l’huile essentielle, à travers ses composés, sur la cuticule des acariens par sa pénétration rapide dans leurs corps comme le montre les travaux de Chiasson et Beloin (2007). Aussi, cette activité de l’huile pourrait s’expliquer par son action à plusieurs niveaux de la physiologie de ces acariens qui paralyse leur tube digestif, c’est-à-dire que les tiques n’arrivent plus à digérer ce qu’ils ont ingéré et ils cessent de s’alimenter et meurent. L’huile agirait comme un inhibiteur en bloquant les mues chez les larves, qui ne parviennent jamais au stade adulte mais aussi perturbe la reproduction sexuée, en bloquant les accouplements (Gauthe et al., 2020). Une étude comparée des résultats de l’expérience biologique réalisée par rapport à ceux de la littérature a montré qu’ils sont similaires à ceux obtenus par Dedome (2017) sur l’activité de l’huile essentielle de la même plante sur la tique Rhipicephalus microplus collectée chez les bovins. L’action de cette huile est similaire à celle de l’huile essentielle de menthe qui a montré un potentiel acaricide intéressant contre les tiques adultes du genre Rhipicephalus sanguineus récoltées sur les chiens avec un taux de mortalité de 100% obtenu après 48h selon les travaux réalisés par Zakaria et Kamaran (2016). Par rapport à la composition chimique de l’huile essentielle, il ressort que les résultats sont similaires à ceux obtenus par Alitonou et al. (2013) qui ont trouvé que les huiles essentielles de matériel végétal collectées dans les régions centrales du Bénin étaient de chémotype thymol (63%) mais contraires à ceux de Koba et al (2004) qui ont révélé que les huiles essentielles d’Aeollanthus pubescens acclimatée au Togo étaient de chémotype cavarcrol avec une teneur totale de 51,1%. Cette variabilité dans la composition chimique d’huiles essentielles d’un même matériel végétal pourrait être due à de nombreux facteurs, notamment le climat, la température et la température ambiante, la période de récolte et l’âge de la plante.
CONCLUSION
L’usage des huiles essentielles est devenu de nos jours un moyen de lutte efficace et biologique contre les microbes. Ainsi, lors de cette étude, nous avons évalué l’action acaricide de l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens sur les larves et les femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus à plusieurs doses létales. Il en ressort que l’huile essentielle de Aeollanthus pubescens a un effet significatif d’une part sur la mortalité des larves et des femelles gorgées et d’autre part sur l’indice de reproduction (IR) des larves et sur l’indice d’inhibition de ponte (IP) chez les femelles gorgées. Aussi, l’huile essentielle d’Aeollanthus pubescens a-t-elle démontré un potentiel effet acaricide à un taux létal de 20%, 50%, 90% et 99% sur les larves de Rhipicephalus sanguineus. Ce même effet n’est observé sur les échantillons de femelles gorgées de Rhipicephalus sanguineus qu’à une dose létale de l’huile essentielle un peu plus grande, soit à DL 90%. En somme, cette huile offre une lueur d’espoir biologique de lutte contre Rhipicephalus sanguineus chez le chien.
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