Déterminants de la mobilité pastorale et de ses dynamiques spatio-temporelles dans un contexte de changements socio-économiques et environnementaux en Afrique

Auteurs-es

  • G. L. DJOHY Département de Géographie et Aménagement du Territoire, Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines, Université de Parakou, Bénin
  • J. ALLADATIN Département d'administration et fondements de l'éducation, Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal, Canada
  • B. SOUNON BOUKO Laboratoire d’Analyse Régionale et d’Expertise Sociale, Cotonou, Bénin

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.14285587

Mots-clés :

Mobilité pastorale, dynamique spatio-temporelle, changement environnemental, socio-économique, Afrique

Résumé

La mobilité pastorale attire de plus en plus l’attention et suscite de vives préoccupations en raison de la recrudescence des interactions conflictuelles qui y sont associées ces dernières années en Afrique. Cette synthèse bibliographique analyse les déterminants de la mobilité pastorale et ses dynamiques spatio-temporelles dans un contexte de mutations socio-économiques et environnementales en Afrique. L’analyse repose sur un ensemble de 88 documents dont 43 en langue anglaise et 45 en français. Il s’agit principalement des articles scientifiques (64), des mémoires de recherche (11) et des rapports de groupes de réflexion (13). Ces 88 documents pertinents ont été sélectionnés parmi une liste non exhaustive de 405 documents téléchargés sur les sites Science Direct, HAL Open Science, Web of Science, World Wide Science et Google Scholar. Les documents sélectionnés, couvrant la période de 2014 à 2024, portent sur l’Afrique de l’Ouest (35), l’Afrique de l’Est (22), l’Afrique du Nord (14), toute l’Afrique (6), l’Afrique centrale (5), l’Afrique subsaharienne (4), l’Afrique du Sud (1) et l’Afrique intertropicale (1). Ils évoquent plusieurs formes de mobilité, notamment celles saisonnière (95 %), quotidienne (81 %), itinérante (nomadisme: 23 %), l’émigration (18 %), d’urgence ou forcée (15 %), transfrontalière (11 %), commerciale (9 %), opportuniste (8 %) et semi-nomade (5 %). Ces formes de mobilité illustrent comment les pasteurs adaptent leurs pratiques en fonction des conditions environnementales, économiques et sociales, montrant ainsi la flexibilité et la résilience de leur mode de vie. Concernant les facteurs déterminants de la mobilité, les documents rapportent principalement des facteurs environnementaux (97 %), socio-économiques (88 %), fonciers (47 %), sécuritaires (41 %), politiques et légaux (41 %), techniques et technologiques (15 %) et zootechniques (10 %). Ces facteurs interagissent pour influencer les choix des éleveurs en matière de mobilité, en réponse aux conditions environnementales et socio-économiques changeantes. Dans ce contexte, pour sécuriser la mobilité, les études suggèrent qu’elle devrait être soutenue et renforcée par des actions concertées aux niveaux local, national et international, dans le but d’améliorer la résilience des communautés pastorales et de sauvegarder leur mode de vie traditionnel. Selon les études réalisées, un accent particulier devrait être mis sur l’aménagement des espaces pastoraux, l’intégration des connaissances traditionnelles et des innovations locales et technologiques dans les politiques pastorales, le renforcement des droits fonciers pastoraux, la gestion concertée des ressources pastorales, l’accès à des informations météorologiques fiables, l’intensification de la production fourragère, la diversification des sources de revenus, la conservation et l’amélioration des races locales, le renforcement de la collaboration intercommunautaire, la reconnaissance des droits des pasteurs et l’amélioration des conditions socio-politiques. De futurs projets de recherche et de développement doivent s’orienter dans ce sens afin d’aider les pasteurs et agropasteurs à mieux sécuriser leur mobilité.

Mots clés : Mobilité pastorale, dynamique spatio-temporelle, changement environnemental, socio-économique, Afrique

Téléchargements

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INTRODUCTION

La mobilité pastorale constitue un phénomène complexe et dynamique, façonné par une multitude de facteurs socio-économiques et environnementaux en Afrique (Touré, 2015; Zampaligré et al., 2019; Benidir et al., 2022). Cette pratique ancestrale joue un rôle fondamental dans la subsistance des communautés pastorales et agropastorales (Berhe et al., 2016; Ouoba-Ima, 2018). À la croisée de la tradition et de l’innovation, les pratiques de mobilité des éleveurs représentent une réponse adaptative aux défis engendrés par un environnement en constante évolution (Kratli et al., 2014; Touré, 2018; Djohy et al., 2021; Kemal et al., 2022). Ces dernières années, cette question revêt une importance cruciale en raison des tensions croissantes liées à la concurrence pour l’accès aux ressources, aux changements environnementaux, et aux transformations socio-économiques qui affectent les territoires pastoraux et agropastoraux (Tofu, 2024). Ainsi, la mobilité pastorale, souvent perçue comme une stratégie de survie, est fortement influencée par divers facteurs (Djohy, 2019; Menghistu et al., 2020; Gaci et al., 2021; Ndiaye, 2021; Gaci, 2022; Amsidder, 2022; Wafula et al., 2022; Adédigba et al., 2023; Salah et al., 2024; Amadou et al., 2024). Parmi ceux-ci, on trouve les facteurs environnementaux tels que la disponibilité des ressources hydriques et fourragères, qui dictent les itinéraires de parcours et les pratiques migratoires. De plus, les transformations socio-économiques, comme l’urbanisation, la pression démographique et l’évolution des marchés, modifient les dynamiques traditionnelles de la mobilité pastorale (Djohy et Sounon Bouko, 2020). Dans ce contexte, la compétition pour l’accès aux ressources naturelles entre différents groupes sociaux et économiques engendre des conflits et des tensions qui complexifient les relations entre éleveurs, agriculteurs et populations autochtones (Krätli et Toulmin, 2020). L’évolution des législations foncières, l’impact des interventions gouvernementales dans la gestion des ressources naturelles, ainsi que les initiatives de développement communautaire influencent fortement les formes de mobilité des éleveurs (Tefera, 2014; Pas, 2018; Amadi et Amadou, 2019; Robinson et Flintan, 2022). Alors que certains gouvernements cherchent à formaliser les droits fonciers des pasteurs, d’autres continuent d’imposer des contraintes qui remettent en question la viabilité de leurs pratiques traditionnelles (Corniaux et al., 2018; Pas Schrijver, 2019). Les capacités d’adaptation des éleveurs face aux perturbations environnementales et socio-économiques dépendent non seulement de leur mobilité, mais aussi de leur accès aux services de base, à l’information et aux ressources financières. De plus, la reconnaissance des savoirs traditionnels et des pratiques locales est essentielle pour développer des politiques inclusives et adaptées (Djohy, 2022). Cette synthèse bibliographique vise à faire un état des lieux des déterminants de la mobilité pastorale et à explorer les dynamiques spatio-temporelles qui en découlent. En analysant un corpus de recherches récentes, nous mettrons en lumière les défis actuels et les perspectives d’avenir pour les communautés pastorales en Afrique. L’objectif de cette synthèse bibliographique est de fournir une compréhension approfondie des déterminants de la mobilité pastorale et ses dynamiques spatio-temporelles dans un contexte de mutations socio-économiques et environnementales en Afrique.

DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Afin de fournir une vue d’ensemble rigoureuse et exhaustive des déterminants de la mobilité pastorale en Afrique, une approche méthodologique basée sur une revue systématique de la littérature a été adoptée, incluant la sélection et l’analyse critique de documents pertinents couvrant la période de 2014 à 2024.

Sélection des documents

Cette synthèse s’appuie sur une revue documentaire, comprenant l’analyse d’articles scientifiques (64 documents), de mémoires de recherche (11 documents) et de rapports de groupes de réflexion (13 documents) portant sur la thématique de la mobilité pastorale et ses déterminants en Afrique (figure 1A). La sélection des documents pour cette synthèse bibliographique s’est effectuée en fonction de l’année de publication (de 2014 à 2024 inclus) et le sujet de recherche (déterminants de la mobilité pastorale et ses dynamiques spatio-temporelles dans un contexte de changements socio-économiques et environnementaux en Afrique) (Figure 1B).

Les documents ont été téléchargés en ligne à l’aide de plusieurs moteurs de recherche, notamment Science Direct, HAL Open Science, Web of Science, World Wide Science et Google Scholar. La combinaison de mots-clés tels que : mobilité pastorale, déterminants, environnementaux, socio-économiques et Afrique a permis d’obtenir les documents pertinents. Ces mots-clés ont été utilisés en français et en anglais afin d’obtenir un maximum de documents. Ainsi, 405 documents ont été mobilisés en ligne sur le sujet. Le titre, le résumé, les mots-clés et les points essentiels de ces documents ont été examinés. Tous les documents traitant directement ou indirectement de la « mobilité pastorale », des « déterminants de la mobilité » et des « dynamiques spatio-temporelles de la mobilité » ont été retenus pour cette revue bibliographique. Finalement, 88 documents pertinents ont été sélectionnés, comprenant des publications en français (45) et en anglais (43) (figure 2A), couvrant toutes les régions de l’Afrique (figure 2B).

Les 88 documents retenus pour cette synthèse bibliographique ne représentent pas l’exhaustivité des travaux de recherche sur le sujet, mais offrent un aperçu représentatif des différentes études de cas réalisées ces dernières années sur les déterminants de la mobilité pastorale et ses dynamiques spatio-temporelles en Afrique, jusqu’à la date de réalisation de cette synthèse bibliographique.

Révision et analyse des documents sélectionnés

Une grille d’analyse a été conçue pour répertorier les différents documents sélectionnés et documenter le processus d’évaluation. Ces documents ont été examinés en fonction de critères clairement définis, afin de faciliter la réalisation de tests statistiques. Les critères portaient principalement sur la nature des documents, l’année et la langue de publication, la région africaine étudiée, les formes de mobilité pastorale, les déterminants de la mobilité, ainsi que les perspectives d’optimisation de la mobilité pastorale en Afrique. Les différentes réponses relatives aux 88 documents sélectionnés ont été consignées dans un tableur Excel. Les données ont ensuite été codées pour faciliter une analyse approfondie. Une analyse statistique descriptive a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS.

RÉSULTATS

Typologie de la mobilité pastorale en Afrique

Sur la base des documents sélectionnés et analysés, les principales formes de mobilité pastorale pratiquées par les pasteurs et agropasteurs en Afrique incluent la mobilité saisonnière, quotidienne, itinérante (nomadisme), l’émigration, la mobilité d’urgence ou forcée, transfrontalière, commerciale, opportuniste et semi-nomade (Figure 3). Les mobilités saisonnières et quotidiennes se déroulent respectivement pendant la saison sèche et la saison des pluies, bien que ces périodes puissent varier selon la localisation géographique, les fluctuations climatiques et les conditions environnementales de l’année. La mobilité itinérante (nomadisme) est continue tout au long de l’année, mais s’intensifie pendant la saison sèche, de novembre à mai, lorsque les ressources hydriques et fourragères se raréfient. Pratiqué principalement dans les zones arides et semi-arides comme le Sahel, le nomadisme pastoral est moins structuré que les mobilités saisonnières et quotidiennes en Afrique. L’émigration des éleveurs survient principalement en réponse à des conditions défavorables ou à des événements climatiques extrêmes. Bien qu’elle puisse être saisonnière, elle est généralement liée à des crises spécifiques telles que la sécheresse, la désertification, les conflits ou les pressions économiques selon les documents analysés. La mobilité d’urgence ou forcée des éleveurs en Afrique résulte de crises spécifiques, telles que des conflits armés, des catastrophes naturelles (sécheresses, inondations), ainsi que des crises économiques et environnementales. Contrairement aux mobilités saisonnières et quotidiennes, elle est imprévisible et non planifiée, se déclenchant en réaction à des événements soudains. Dans les régions sahéliennes et arides, la mobilité transfrontalière des éleveurs suit souvent les mêmes dynamiques que la transhumance interne, mais implique des déplacements au-delà des frontières nationales. Cette mobilité vise principalement à trouver du pâturage et de l’eau, mais elle est également influencée par des facteurs politiques, sécuritaires et économiques.

La mobilité commerciale concerne les déplacements pour vendre du bétail ou s’approvisionner en produits nécessaires à l’élevage. Elle est modulée par des facteurs économiques, climatiques et culturels, avec une intensification à certaines périodes, en fonction des besoins du marché, des festivités, des saisons agricoles et des conditions environnementales. La mobilité opportuniste désigne les déplacements sans itinéraire ou calendrier fixes, en fonction des ressources disponibles et des conditions de pâturage. Les pasteurs adoptent cette approche en réponse à des événements climatiques ou aux besoins urgents de leurs animaux. La mobilité semi-nomade, quant à elle, se caractérise par des mouvements plus opportunistes, avec les troupeaux se dirigeant vers les zones offrant les meilleurs pâturages. Par ailleurs, les pasteurs se déplacent également pour des raisons sociales, comme la participation à des événements communautaires ou pour établir des réseaux sociaux. La mobilité spatiale implique le déplacement de l’ensemble du campement, particulièrement dans les zones à forte production agricole. Elle devient indispensable lorsque les éleveurs et leurs troupeaux sont menacés par des conflits avec les agriculteurs ou par des vols d’animaux. Ces différentes formes de mobilité pastorale sont influencées par divers facteurs.

Déterminants de la mobilité pastorale en Afrique

Dans la plupart des documents sélectionnés et analysés, les principaux déterminants de la mobilité pastorale sont les facteurs environnementaux, socio-économiques, fonciers, sécuritaires et politiques (Figure 4).

Les divers facteurs influençant la mobilité pastorale interagissent entre eux pour orienter les choix de déplacement des pasteurs et agropasteurs, leur permettant ainsi de s’adapter aux changements environnementaux et socio-économiques.

Changements environnementaux et mobilité pastorale

Les facteurs environnementaux sont déterminants dans les schémas de mobilité pastorale, influençant les choix des pasteurs et agropasteurs en matière de déplacements et d’adaptation à leur environnement (Figure 5).

La mobilité pastorale est grandement influencée par la disponibilité des ressources en fourrage et en eau, ainsi que par les variations climatiques. En cas de sécheresse ou d’épuisement des pâturages, les pasteurs sont contraints de se déplacer vers des zones offrant des ressources pastorales plus abondantes. Les phénomènes climatiques, tels que les sécheresses prolongées ou les fluctuations saisonnières, incitent ainsi pasteurs et agropasteurs à migrer vers des régions où l›eau et les ressources alimentaires sont plus accessibles.

Mutations foncières et mobilité pastorale

Les facteurs fonciers, tels que la disponibilité et l’accès aux terres, les réglementations foncières, les conflits fonciers, la pression foncière, la territorialisation des espaces de parcours et l’appropriation des terres, influencent significativement les schémas de mobilité pastorale (Figure 6). Ils impactent la capacité des pasteurs et agropasteurs à accéder aux ressources indispensables pour leur bétail.

La disponibilité et l’accès aux terres de pâturage jouent un rôle déterminant dans la mobilité pastorale. Les systèmes de propriété foncière, qu’ils soient privés ou collectifs, influencent la liberté de déplacement des pasteurs. La pression accrue sur les terres, liée à l’expansion de l’agriculture et à la concurrence pour les ressources, restreint l’accès aux parcours traditionnels. Cette territorialisation des terres réduit les zones de pâturage disponibles, obligeant les pasteurs à adapter leurs pratiques de mobilité pour accéder à des ressources de plus en plus limitées.

Changements sociaux et mobilité pastorale

Les réseaux sociaux et la coopération, les conflits sociaux, les connaissances et pratiques traditionnelles, ainsi que le statut social, ont une influence importante sur la mobilité pastorale (Figure 7).

La mobilité pastorale est souvent facilitée par des réseaux sociaux solides au sein des communautés d’éleveurs, qui permettent le partage d’informations sur les meilleures routes de transhumance, les points d’eau disponibles et les conditions des pâturages. La solidarité communautaire est cruciale pour faire face aux défis liés à la variabilité des ressources pastorales. En revanche, les tensions entre agriculteurs et éleveurs impactent également la mobilité pastorale. Les conflits d’usage des terres et les rivalités pour les ressources poussent les pasteurs à migrer vers des régions où les relations sociales sont plus harmonieuses et où l’accès aux ressources est moins conflictuel. Les connaissances traditionnelles des pasteurs sur les ressources disponibles et les meilleures pratiques de gestion des troupeaux sont essentielles pour leur adaptation aux conditions changeantes. Ces savoirs locaux leur permettent de naviguer efficacement dans des environnements complexes et de prendre des décisions éclairées concernant la mobilité de leurs troupeaux. Par ailleurs, le statut économique des propriétaires de troupeaux joue également un rôle dans leurs capacités de mobilité.

Fluctuations économiques et mobilité pastorale

Les facteurs économiques, tels que l’accès aux marchés, la diversification des activités économiques, les opportunités économiques, les coûts des déplacements, les effets des politiques économiques et la variabilité des ressources, exercent une influence importante sur la mobilité pastorale (Figure 8).

L’accès aux marchés pour la vente de bétail ou de produits dérivés est un facteur économique essentiel. Les pasteurs ayant un meilleur accès au marché sont souvent plus susceptibles de déplacer leurs troupeaux vers des zones où les prix sont plus avantageux ou la demande plus élevée, ce qui influence les itinéraires de migration et les périodes de déplacement. La mobilité leur permet ainsi de toucher divers marchés et de maximiser leurs opportunités économiques. Cependant, les coûts financiers liés au déplacement des troupeaux, tels que les frais de transport et les dépenses de gestion des animaux durant les déplacements, limitent la capacité des pasteurs à exercer cette mobilité.

Modifications politiques et législatives de la mobilité pastorale

Les facteurs politiques et légaux, tels que les programmes de soutien gouvernemental, les réglementations foncières, les politiques de gestion des conflits, d’adaptation au changement climatique, et d’installation des infrastructures pastorales, jouent un rôle essentiel dans la régulation de la mobilité pastorale (Figure 9).

Les interventions gouvernementales et les programmes de soutien, tels que les initiatives de développement rural, contribuent significativement à l’amélioration des conditions économiques et sociales, facilitant ainsi la mobilité des pasteurs. Les réglementations foncières et les politiques de gestion des ressources influencent la mobilité des pasteurs. Les pasteurs doivent s’adapter à ces différentes politiques pour maintenir la viabilité de leurs systèmes d’élevage. Les conflits liés à l’accès aux ressources entravent la mobilité. Une bonne gouvernance et une intervention politique adéquate aideraient à résoudre ces conflits, permettant ainsi une mobilité plus fluide. De plus, les politiques gouvernementales visant à encourager la sédentarisation des pasteurs ont un impact direct sur leurs mouvements.

Dynamiques sécuritaires et mobilité pastorale

Les facteurs sécuritaires, tels que l’insécurité liée aux conflits agropastoraux, aux conflits armés, aux itinéraires de parcours, au cadre législatif et politique, ainsi qu’aux risques et catastrophes naturels, jouent un rôle déterminant dans les dynamiques de mobilité pastorale (Figure 10). Ces facteurs sécuritaires influencent non seulement les déplacements des pasteurs et agropasteurs, mais aussi leur capacité à maintenir leurs moyens de subsistance face à des conditions de plus en plus précaires. La mobilité des pasteurs est souvent entravée par des conflits avec les agriculteurs et les autorités locales.

L’insécurité croissante due notamment à la présence de groupes armés non identifiés, a contraint les éleveurs à adopter des stratégies de mobilité pour sécuriser leurs troupeaux. Face à cette situation, les pasteurs préfèrent se déplacer vers des zones plus sûres. De plus, l’absence de collaboration avec les services forestiers et la faiblesse des aménagements de sécurité sur les pistes transcommunales et transrégionales augmentent les risques pour les pasteurs, rendant leur mobilité plus difficile et dangereuse.

Évolutions zootechniques et mobilité pastorale

Les facteurs zootechniques, tels que la disponibilité et la qualité des ressources alimentaires et en eau, sont intrinsèquement liés à la mobilité pastorale; car ils déterminent la capacité des pasteurs à maintenir leurs troupeaux et à faire face aux défis climatiques (Figure 11).

Les relations entre les facteurs zootechniques et la mobilité pastorale sont complexes et interconnectées, influencées par les conditions climatiques, la disponibilité des ressources, ainsi que les besoins de santé et de reproduction des animaux. Les éleveurs doivent adapter leurs pratiques zootechniques en fonction des variations climatiques. Par exemple, en saison sèche, les troupeaux se déplacent vers des zones où les résidus de culture sont disponibles, favorisant ainsi une complémentarité entre l’élevage et l’agriculture.

Mutations techniques et technologiques de la mobilité pastorale

La mobilité pastorale est étroitement liée aux facteurs techniques et technologiques, constituant une réponse adaptative aux défis climatiques, tout en étant soutenus par l’accès à des technologies et à des informations pertinentes (Figure 12).

Les groupes de producteurs jouent un rôle crucial dans l’accès à l’information et aux services, tels que les prévisions météorologiques et les pratiques de gestion améliorées, facilitant ainsi l’adoption de stratégies adaptatives, notamment la mobilité pastorale. Grâce à ces informations, les pasteurs planifient efficacement leurs déplacements en fonction des conditions climatiques. Les systèmes de droits de propriété et l’infrastructure marchande influencent également les décisions des éleveurs concernant la vente ou le déplacement de leur bétail. Les contraintes techniques et économiques, telles que les coûts et bénéfices, affectent également les choix de mobilité. Les facteurs techniques et technologiques, comme l’adoption de nouvelles pratiques agropastorales, la gestion des ressources et l’accès aux marchés, interagissent de manière complexe avec la mobilité pastorale. Les connaissances sur les itinéraires de transhumance et les techniques de gestion des pâturages sont essentielles pour optimiser les déplacements et garantir la survie du bétail. L’utilisation de technologies modernes, comme les outils d’information géographique, facilite la planification des déplacements en cartographiant les ressources disponibles et en évitant les zones à risque, ce qui est crucial pour la mobilité pastorale.

Perspectives pour l’optimisation de la mobilité pastorale

Les perspectives pour l’optimisation de la mobilité pastorale, telles qu’exprimées dans les différents documents sélectionnés, soulignent la nécessité d’une adaptation continue face aux défis environnementaux et socio-économiques. Elles insistent également sur l’importance de la collaboration, de la gestion durable des ressources, ainsi que du soutien des politiques publiques pour garantir la viabilité de cette activité économique essentielle en Afrique (Figure 13).

Les différents documents sélectionnés préconisent principalement le renforcement des capacités d’adaptation des pasteurs au changement climatique, l’amélioration des conditions socio-politiques en Afrique, l’intégration des technologies modernes dans la production pastorale, la valorisation des connaissances traditionnelles et des innovations locales, le renforcement de la collaboration intercommunautaire, la reconnaissance des droits des pasteurs, l’aménagement des espaces pastoraux et la sécurisation des droits fonciers. Les perspectives soulignent également l’importance d’une approche intégrée et adaptée aux contextes locaux pour soutenir la mobilité pastorale et assurer la durabilité des systèmes pastoraux face aux défis contemporains.

DISCUSSION

Les résultats de cette synthèse bibliographique révèlent une tendance accrue des recherches sur les déterminants de la mobilité pastorale en Afrique ces dernières années. Ces recherches sont menées par des universitaires à travers la publication d’articles scientifiques et de mémoires de recherche, ainsi que par des centres de recherche et groupes de réflexion via des rapports techniques. Cela témoigne de l’importance accordée à la mobilité pastorale en Afrique, considérée non seulement comme une stratégie d’adaptation aux changements socio-économiques et environnementaux, mais aussi comme une cause directe et indirecte des conflits entre pasteurs et agriculteurs (McGuirk et Nunn, 2020; Azalou et al., 2021; Djohy, 2022). La plupart des documents analysés proviennent d’Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Nord, où la mobilité pastorale est un sujet de recherche majeur, compte tenu du rôle de l’élevage pastoral et agropastoral, première ou deuxième activité économique des communautés rurales. Cependant, cette mobilité est sérieusement menacée par les changements environnementaux et socio-économiques en Afrique (Pas, 2018). La collecte prolongée de données sur le terrain est essentielle pour garantir la qualité et la fiabilité des informations recueillies, permettant une meilleure compréhension des différentes formes de mobilité et de leurs déterminants. Les documents sélectionnés rapportent plusieurs formes de mobilité pastorale en Afrique, notamment la mobilité saisonnière, quotidienne, itinérante (nomadisme), l’émigration, la mobilité d’urgence ou forcée, transfrontalière, commerciale, opportuniste et semi-nomade (Turner et al., 2014; Kiema et al., 2014; Jemaa et al., 2016; Goetter, 2016; Richard et al., 2019; Turner et Schlecht, 2019; Cesaro et al., 2019; Djohy, 2019; Djohy et Sounon Bouko, 2020; Gaci et al., 2021; García García et al., 2023; Ketatni, 2023; Siddo et al., 2024; Amadou et al., 2024). Ces formes de mobilité sont influencées par divers facteurs, tels que les facteurs environnementaux, socio-économiques, fonciers, sécuritaires, politiques et légaux, zootechniques, techniques et technologiques (Gonin, 2014; Beyene, 2014; Abdoulaye, 2016; Zampaligré et al., 2016; Liao, 2016; Samuels et al., 2018; Azalou et al., 2019; Adzande, 2019; Balense et Debebe, 2019; Menghistu et al., 2020; Ndiaye, 2021; Gaci et al., 2021; Amsidder, 2022; Gaci, 2022; Wafula ., 2022; Raphael et Rostant, 2022; Adédigba et al., 2023; Amadou et al., 2024; Salah et al., 2024). En raison de leurs impacts directs et indirects sur les activités pastorales et agropastorales, ces facteurs apparaissent comme des préoccupations majeures au sein des communautés pastorales.

La mobilité pastorale est considérée comme une stratégie d’adaptation aux mutations environnementales et socio-économiques (Berhanu et Beyene, 2014; Huguenin et al., 2015; Kanoun, 2016; Inter-réseaux et PRAPS, 2017; Amprako et al., 2020; Lelenguyah et al., 2021; Wang et al., 2022). L’adaptation constitue une réaction d’ajustement à des stimulus, tels que les changements environnementaux et socio-économiques, se manifestant principalement par des modifications de comportement, qu’elles soient individuelles ou collectives, dans le but de saisir des opportunités ou de réduire les impacts négatifs de ces stimulus (Daouda et al., 2019). Cette synthèse bibliographique a révélé que la mobilité pastorale est souvent dictée par la disponibilité des ressources essentielles telles que l’eau et le pâturage (Djohy, 2022). Les pasteurs et agropasteurs doivent se déplacer pour accéder à ces ressources en fonction des variations saisonnières et climatiques. Les risques climatiques, tels que la sécheresse et les conditions météorologiques extrêmes, poussent les pasteurs et agropasteurs à ajuster leurs pratiques de mobilité pour assurer la survie de leur cheptel (Debebe, 2016; Marega et Mering, 2018). L’augmentation des cheptels et la territorialisation des espaces agricoles et pastoraux exercent une pression accrue sur les ressources pastorales, rendant la mobilité pastorale encore plus essentielle pour trouver des pâturages adéquats (Gonin, 2016). La croissance démographique exerce une pression supplémentaire sur les ressources disponibles, nécessitant des ajustements dans les pratiques de mobilité (Selemani, 2014; Gaci et al., 2021; Gaci, 2022). Les dynamiques économiques, y compris les circuits de commercialisation du bétail, influencent fortement les mouvements pastoraux (Valentin, 2018). Les pasteurs se déplacent pour accéder à des marchés et à des opportunités économiques, ce qui modifie les mouvements traditionnels. Les tensions sécuritaires et les conflits dans certaines régions affectent également la mobilité pastorale (Krätli et Toulmin, 2020). Les pasteurs et agropasteurs sont souvent contraints de modifier leurs itinéraires ou de chercher refuge dans des zones plus sûres, impactant ainsi leurs pratiques traditionnelles. Enfin, les politiques gouvernementales et les réglementations influencent considérablement la mobilité des éleveurs, en modifiant l’accès aux ressources pastorales et en imposant des restrictions sur les déplacements (Krätli et Toulmin, 2020; Djohy, 2022). L’adoption des technologies de l’information et de la communication a permis aux pasteurs de mieux planifier et exécuter leurs déplacements, augmentant ainsi leur flexibilité (Gaci, 2022).

Les perspectives pour l’optimisation de la mobilité pastorale dépendent de l’intégration des politiques publiques soutenant les pratiques pastorales et agropastorales (Assane et Waounde, 2023). Il est essentiel que les décideurs politiques reconnaissent l’importance de la mobilité dans les stratégies de gestion des ressources naturelles et de développement rural. Pour assurer la viabilité de la mobilité pastorale, il est essentiel de renforcer les capacités des éleveurs à gérer leurs ressources et à s’adapter aux changements (Bensmira et al., 2020; Flintan et al., 2021; Tofu et al., 2023). Cela inclut des formations, l’accès à des informations sur les marchés et les ressources, ainsi que le soutien à l’innovation dans les pratiques d’élevage. La coopération entre éleveurs, agriculteurs, organisations non gouvernementales et les autorités locales est également indispensable pour créer un environnement favorable à la mobilité pastorale (Gonin, 2018; Guinard, 2022; Gatdet, 2023; Tarekegn et al., 2024). Cette collaboration peut aider à résoudre les conflits d’utilisation des terres et à promouvoir des pratiques de gestion durable. Les documents soulignent l’importance de définir des politiques territoriales multisectorielles qui prennent en compte les différentes dimensions du pastoralisme (Bechchari et al., 2014; Vall et al., 2014; Vodounon et al., 2016; Houessou et al., 2019). Cela nécessite une collaboration entre les gouvernements, les organisations régionales et internationales, et les communautés pastorales pour élaborer des stratégies adaptées. La valorisation des connaissances traditionnelles et locales des éleveurs est essentielle pour l’avenir de la mobilité pastorale (Menghistu et al., 2020; Djohy et al., 2021). Ces savoirs peuvent offrir des solutions adaptées aux défis contemporains et contribuer à la résilience des systèmes d’élevage. En outre, le développement de nouvelles chaînes de valeur favorisant l’inclusion des jeunes et l’autonomisation des femmes représente une perspective importante (Duteurtre et Corniaux, 2021). Cela pourrait créer des opportunités d’emploi et de revenus pour ces groupes, renforçant ainsi leur rôle dans les systèmes agro-pastoraux. Le renforcement des institutions locales et des mécanismes de gouvernance participative est crucial pour assurer la durabilité de la mobilité pastorale

CONCLUSION

Dans cette synthèse bibliographique, les formes et les déterminants de mobilité pastorale, ainsi que les perspectives pour son optimisation, ont été explorés. Les formes de mobilité pastorale les plus souvent citées dans les différents documents sélectionnés sont la mobilité saisonnière (95 %), quotidienne (81 %), itinérante (nomadisme: 23 %), l’émigration (18 %), la mobilité d’urgence ou forcée (15 %), transfrontalière (11 %), commerciale (9 %), opportuniste (8 %) et semi-nomade (5 %). Ces formes de mobilité sont influencées par plusieurs facteurs, notamment les facteurs environnementaux (97 %), socio-économiques (88 %), fonciers (47 %), sécuritaires (41 %), politiques et légaux (41 %), techniques et technologiques (15 %) et zootechniques (10 %). Ces facteurs jouent un rôle déterminant dans la mobilité pastorale, en particulier les facteurs environnementaux (variabilité climatique, disponibilité des ressources fourragères et hydriques), fonciers (disponibilité et accès aux terres, réglementation foncière, conflits fonciers, pression foncière, territorialisation des parcours, appropriation des terres), sociaux (réseaux sociaux, coopération, conflits sociaux, connaissances et pratiques traditionnelles), économiques (accès au marché, diversification des activités économiques, opportunités économiques, coûts des déplacements), politiques et légaux (programmes de soutien gouvernemental, réglementation de l’accès aux terres, politiques de gestion des ressources), techniques et technologiques (technologies de l’information et de la communication, infrastructures pastorales), zootechniques (santé animale et gestion des maladies, génétique et adaptation des races) et sécuritaires (insécurité liée aux conflits agropastoraux, conflits armés, risques et catastrophes naturels). Dans ces conditions, pour soutenir durablement la mobilité pastorale, les documents sélectionnés recommandent principalement le renforcement des capacités d’adaptation des pasteurs au climat, l’amélioration des conditions socio-politiques en Afrique, l’intégration des technologies modernes dans la production pastorale, la valorisation des connaissances traditionnelles et des innovations locales, le renforcement de la collaboration intercommunautaire, la reconnaissance des droits des pasteurs, l’aménagement des espaces pastoraux et le renforcement des droits fonciers pastoraux.

REMERCIEMENTS

Cette étude a été réalisée grâce à une bourse compétitive accordée par l’organisation publique internationale «Global Development Network (GDN)», dans le cadre du «Programme de bourse pour les jeunes chercheurs en Afrique francophone».

RÉFÉRENCES

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Publié-e

21-11-2024

Numéro

Rubrique

Production et Santé Animales

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