Potentialités phytoremédiatrices de la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) dans la purification des eaux usées au Togo
DOI :
https://doi.org/10.5281/zenodo.10499072Mots-clés :
Plantes phytoremédiatrices, assainissement, Eichhornia crassipes, cinétique, eaux usées.Résumé
La phytoremédiation est un processus d’utilisation des plantes à travers l’extraction, la stabilisation, la dégradation et la volatilisation pour dépolluer les sols, l'eau et l'air contaminés par des substances toxiques, polluantes ou des métaux lourds. Les plantes phytoremédiatrices restent à ce jour un moyen efficace pour lutter contre la pollution de l’eau, du sol et de l’air. L’objectif général du présent travail est de contribuer à l’épuration des eaux à travers les plantes phytoremédiatrices. L’étude s’est consacrée au potentiel de phytoremédiation de Eichhornia crassipes (Mart.) Solms-Laub reconnue comme l’espèce la plus accumulatrice de polluants dans la zone d’étude, dans un dispositif expérimental en mode discontinu. Ce travail préalable a consisté en une étude bibliographique sur les espèces phytoremédiatrices et d’une étude expérimentale de la cinétique de la phytoremédiation de la jacinthe d’eau. Les paramètres physico-chimiques pris en compte sont le pH, la conductivité, l’orthophosphate, les nitrates, la Demande Biologique en Oxygène (DBO), et la Demande Chimique en Oxygène (DCO). Les valeurs du pH, l’orthophosphate, la DBO et la DCO ont diminué respectivement de 3,20 %; de 68 %; de 97 % et de 85 % au 24ème jour mais la concentration des nitrates a augmenté de 0,8 mg NO3-/l à 65,5 mgNO3-/l. Cette augmentation des nitrates est due à la nitrification de l’azote ammoniacal en nitrite.
Mots clés: Plantes phytoremédiatrices, assainissement, Eichhornia crassipes, cinétique, eaux usées
Téléchargements
INTRODUCTION
La gestion des rejets domestiques et industriels constitue en Afrique une préoccupation majeure pour les acteurs chargés des politiques d’assainissent et de la gestion des eaux usées, déchets solides, etc. (Faye, 2017). Dans les dix à vingt prochaines années, les taux d’urbanisation les plus élevés se produiront dans les petits centres urbains abritant entre 500.000 et 1 million d’habitants (Habitat, 2016). Cette situation aura une incidence considérable sur la production d’eaux usées et sur le potentiel tant du traitement que de l’utilisation décentralisée (Lombard-Latune, 2019). Nos écosystèmes sont exposés à de nombreuses sources de pollution ; les sols et les eaux, près des sites industriels, subissent une accumulation de métaux lourds, de composés organiques ainsi que parfois de composés radioactifs (Dabouineau et al., 2005). Or, de nombreuses villes ne disposent pas de systèmes de traitement et de gestion des eaux usées adaptés, ce qui constitue une menace pour la santé humaine et pour les écosystèmes urbains.
Les acteurs chargés des politiques d’assainissement dans les pays en développement devront consentir un budget conséquent pour assainir le cadre de vie (Yahiaoui et al., 2018). Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en 2010 estime que dans ces pays, dont une large partie se trouve en zone tropicale, 90 % des eaux usées domestiques et industrielles sont rejetées dans le milieu naturel sans aucun traitement. La démographie sans cesse croissante en milieu urbain et non accompagnée des plans d’urbanisation sont parmi les causes de déversements d’eaux usées dans la plupart de ces villes (Kone et al., 2012).
Le Togo ne dérobe pas à cette situation. Les projections démographiques indiquent clairement que sa population passerait de 6,8 millions d’habitants en 2015 à 9,4 millions d’habitants en 2031, soit un taux d’accroissement annuel moyen de l’ordre de 2,3 % entre 2010 et 2031 (INSEED, 2015). Le taux d’urbanisation passe de 37,7 % en 2011 à 43,5 % en fin 2019 surtout dans l’agglomération de Lomé qui absorbe une part importante de la croissance urbaine. Cet essor démographique entraîne un accroissement des volumes d’eaux usées rejetées par les usagers. Dans certains quartiers de la ville de Lomé, on note un sous-équipement en infrastructures de gestion des effluents, notamment l’évacuation et le traitement des déchets liquides (Bakenou, 2011; Ahatefou et al., 2013).
Les conséquences de cette situation sont multiples. Sur le plan sanitaire, les eaux usées sont généralement le nid des bactéries responsables des maladies hydriques et des nuisances olfactives lorsqu’elles ne sont pas traitées avant rejet. Économiquement, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a montré en 2012 que l’absence de systèmes d’eau et d’assainissement de qualité coûterait 260 milliards de dollars chaque année, soit 4,3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) des pays d’Afrique sub-saharienne.
Une gestion adéquate des eaux usées est nécessaire pour assurer la protection de l’environnement et garantir une meilleure santé publique. Elle permettrait aussi de produire des effluents microbiologiquement sains pour une réutilisation en agriculture et en pisciculture, valorisant ainsi les éléments nutritifs présents dans ces eaux (Mara, 1996; Hounkpe et al., 2014).
Plusieurs technologies d’épuration des eaux usées existent actuellement dans le monde et plusieurs d’entre elles (boues activées, chenal d’oxydation) ont été essayées dans la région sub-saharienne (Mara, 1996). Cependant, ces systèmes d’épuration de type intensif sont chers et difficiles à entretenir. Les systèmes de traitement qui fonctionnent le mieux dans les pays en développement sont les bassins de stabilisation, dont la phyto-épuration (Kivaisi, 2001; Effebi, 2009), du fait de leur simplicité, leur faible coût d’installation et de maintenance et les conditions climatiques optimales dans les régions tropicales (Mara et al., 1991; Mara et al., 1992; Kivaisi, 2001; Lombard-Latune, 2009; Singhirunnusorn et Stenstrom, 2009; Fonkou et al., 2010). Selon Cadiere (2006), la phytoremédiation utilise les propriétés de certaines espèces végétales telles que les strates herbacées à interagir avec des composés chimiques organiques afin de dépolluer un terrain contaminé.
La phyto-épuration des eaux usées, utilisée par les populations africaines depuis une trentaine d’années (Koné et al., 2002) est une technique qui est traditionnelle est peu utilisée dans l’assainissement des eaux à grande échelle. Elle est à ce titre, une piste à explorer. Plusieurs approches sont exploitées pour s’adapter aux défis du changement climatique et la protection de l’environnement. Du recyclage d’eaux d’évacuation, au recyclage de déchets agricoles et de la ferraille, comme les métaux; tous ces moyens sont bons pour atteindre l’objectif qui est d’adapter l’agriculture aux réalités africaines pour le développement. L’intérêt de cette écotechnologie réside dans la diversité des espèces végétales pouvant être utilisées et les bonnes performances obtenues (Ayaz et Akça, 2001; Kivaisi, 2001). Elle demeure un exemple promoteur ou l’homme trouve dans le végétal une ressource qui lui permettra de limiter son propre impact sur la nature (Dabouineau et al., 2005). Son application en zone tropicale est favorisée par l’activité biologique intense dans les écosystèmes et la productivité de plantes tout au long de l’année (Kivaisi, 2001). Aussi, les eaux traitées pourraient servir d’usages dans certaines zones et présenter ainsi, une alternative économiquement intéressante.
De ce fait, le choix des espèces végétales appropriées à employer est évidemment crucial pour le bon fonctionnement et l’efficacité de cette technique. C’est dans cette perspective que la présente étude a été initiée. Elle vise à contribuer à l’épuration des eaux à travers les plantes phytoremédiatrices. Plus spécifiquement, il s’agit d’identifier les plantes locales à potentialités phytoremédiatrices présentes dans la région maritime; d’évaluer les potentialités phytoremédiatrices de Eichhornia crassipes (Mart.) Solms-Laub par des mesures des paramètres physiques et chimiques.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Zone d’étude
L’étude a été menée dans la région maritime du Togo (Figure 1). Cette région s’étend entre 6°50’ et 7°00’ de latitude Nord et 0°40’ et 1°50’ de longitude Est. Elle compte 8 préfectures, 31 communes et 75 cantons. Le relief est caractérisé par trois ensembles: le littoral, le plateau continental et la pénéplaine précambrienne (Brunel et al., 1984). Les formations géologiques de la région se répartissent en deux grandes unités : le socle cristallin et le bassin sédimentaire. La région maritime appartient au domaine climatique subéquatorial avec un régime climatique bimodal caractérisé par une alternance de deux saisons pluvieuses et de deux saisons sèches de durées inégales. Le régime climatique de Lomé reste cependant, quelque peu altéré par l’effet résultant du parallélisme de la côte aux vents dominants. Ce phénomène connu sous le nom d’anomalie climatique négative du Golfe de Guinée influence considérablement le climat de la ville, notamment à travers la quantité de pluies enregistrée (Badameli, 1998). La variation de saison donne lieu à une pluviométrie moyenne d’environ 800 mm par an, avec une température moyenne quotidienne variant de 25 °C en août (le mois le plus frais), à 28,5 °C en mars (le mois le plus chaud). Le réseau hydrographique est composé essentiellement du fleuve Mono et ses affluents (l’Ogou, l’Anié et l’Amou), le Haho et le Zio, cours d’eau qui irriguent prioritairement la région et qui se jettent tous dans le lac Togo, les rivières Yoto et Lili. Ces cours d’eau se complètent par un système lagunaire qui regroupe un ensemble de plans d’eau dont l’essentiel est constitué par la lagune de Lomé, le lac Togo et le lac Zowla. (Lamouroux, 1969) distingue une grande diversité des sols dont les sols ferrigineux tropicaux et les sols hydromorphes à gey. La zone d’étude concentre 43,67% (3 534 991 habitants) de la population totale du Togo selon les résultats du dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat (INSEED, 2023) et a une superficie de 6 100 km2 avec une densité de 580 hbts/km2.
Matériel
Dans cette étude, le matériel végétal utilisé est composé de 10 pieds d’E. crassipes. Le dispositif expérimental comprend des appareils tels que le pH-mètre (Jeu way 3345 Ion meter), le Conductimètre (WTW 730) et l’Oxymètre (muti 3650 IDS).
Recherche bibliographique
Les données bibliographiques sur les espèces phytoremédiatrices ont été collectées dans les bases de données en ligne à savoir: Google™, Google Scholar™ et Academia™. Les mots-clés de la recherche introduits sont: Techniques de gestion de la pollution, Espèces/plantes phytoremédiatrices et absorption des polluants. Les espèces étudiées dans les différentes publications obtenues ont été comparées à la flore du Togo (Brunel et al., 1984) afin d’identifier les espèces à potentialité phytoremédiatrices de la flore togolaise et les polluants absorbés.
Distribution spatiale de E. crassipes
Après l’identification des espèces à potentialités phytoremédiatrices, une attention particulière a été portée sur celle qui est la plus accumulatrice de polluants dans la zone d’étude, Eichhornia crassipes. Des cartes du réseau hydrographique de la région maritime ont permis de repérer les plans d’eau à visiter pour identifier ou non la présence de E. crassipes. Au cours du mois d’avril 2022, une pré-enquête a permis d’explorer des sites possibles d’infestation à E. crassipes des systèmes lagunaires de Lomé (Kodomé ouest et Bê) et le fleuve Mono à Agomé Glozou. Des prospections complémentaires ont été effectuées en août et septembre 2022 dans la mare de Animabio, dans le marécage d’Amédé-Hoevé, le fleuve Zio de Dévégo, le fleuve Haho de Kpogamé-Hahotoé (Pont), le fleuve Mono de Agbanakin, le Lac Togo à Aného (Pont) et le reste des systèmes lagunaires de Lomé (Lomégan, Agbanlépédo, Djidjolé Cimétière et Kodomé).
Toutes ces sorties de terrain ont permis de couvrir le système lagunaire côtier, le Zio, le Mono, le Haho ainsi que le lac Togo où des coordonnées géographiques ont été relevées. Au total 14 sites ont été visités. L’utilisation du logiciel QGIS a été nécessaire pour la réalisation des cartes de distribution de l’espèce étudiée.
Prélèvement de l’eau usée et de E. crassipes
L’eau usée utilisée pour l’expérimentation est celle d’une des fosses septiques de la cité B du Centre des œuvres universitaire (Université de Lomé). Elle se situe à 6,17 degrés de latitude Nord et 1,21 degrés de longitude Est. Les eaux usées sont recueillies puis laissées au repos pendant 24 heures pour la décantation et filtrées par un tamis pour enlever les débris.
Les échantillons de E. crassipes ont été prélevés à l’angle sud-est (06°08’12,52’’N, 01°12’41,21’’E) du lac ouest de la lagune de Lomé, à Nyékonakpoè (Golfe 4).
Dispositif expérimental
Le dispositif expérimental comprend deux (2) bacs circulaires d’une capacité 100 litres chacun et une superficie de 0,4 m2. Le bac 1 a servi de témoin sans plante et le second contient les 10 pieds de E. crassipes, de 1,6 kg (Figure 2a). L’expérimentation a été réalisée dans l’ombrière du Jardin botanique de l’Université de Lomé, située à 6,17 N et 1,22 E.
Dans le cadre de l’étude expérimentale de la potentialité de phytoremédiation, la plante choisie est la jacinthe d’eau (E. crassipes) en référence à sa potentialité de purification à travers l’amélioration des paramètres de la qualité des eaux usées (Ntakiyiruta et al., 2020).
Échantillonnage et analyses physico-chimiques des eaux usées
Les eaux usées utilisées pour l’expérimentation proviennent des fosses septiques de la cité B du Centre des œuvres universitaires de l’Université de Lomé. Les eaux usées recueillies ont été laissées au repos pendant 24 heures pour la décantation et filtrer par un tamis pour enlever les débris.
Au premier jour de l’expérimentation, un prélèvement de 1,5 l d’eaux usées a été effectué pour analyse au laboratoire. Durant les essais de traitement, des échantillons d’eau ont été prélevés dans des flacons en polyéthylène de 1,5 l au 8è jour, 16è et 24è jours. Deux (2) prélèvements de 1,5 l ont été effectués respectivement dans le témoin (T) et l’essai (E). Cette opération est répétée les 16è et 24è jours. Sept (7) échantillons ont été ainsi constitués pour les analyses en laboratoire. Les analyses ont été effectuées au Laboratoire d’Hydrologie Appliquée et Environnement (Université de Lomé) suivant la Norme Française (NFT).
L’eau de chaque bac est remuée de manière circulaire afin de l’homogénéiser avant chaque prélèvement.
Six (06) paramètres ont été pris en compte par les analyses chimiques:
• Demande Chimique en Oxygène (DCO)
• Demande Biologique en Oxygène (DBO5)
• Pollution minérale (nitrates)
• Phosphates
• Conductivité
• pH
Le rapport DCO/DBO5 permet de mesurer la biodégradabilité d’un effluent:
• Si ce rapport est inférieur à 2, l’effluent est facilement biodégradable;
• Entre 2 et 4, l’effluent moyennement biodégradable;
• Si ce rapport est supérieur à 4, l’effluent est difficilement biodégradable.
Les teneurs en azote et en phosphore sont également des paramètres très importants à évaluer du fait de l’eutrophisation expliqués plus haut. Le ratio N/P doit idéalement être 5/1 pour une digestion optimale de la pollution par les biomasses épuratrices.
Il n’y a pas de normes pour la conductivité et l’orthophosphate pour les eaux usées et c’est l’excès qui est dosé.
Évaluation de la croissance des plants d’E. crassipes
La croissance de E. crassipes a été suivie par la mesure journalière de la longueur de cinq pieds choisis hasard. Cette mesure a été effectuée durant 35 jours. Parallèlement à ces mesures, le poids des pieds à l’état frais a été déterminé par pesée sur une balance au début et à la fin de l’expérience en vue de calculer la biomasse végétale produite. L’apparition des marbrures et des rejets ont été notés. (Figure 2b).
Traitement des données
Pour le traitement des données recueillies et la réalisation de la courbe cinétique de croissance, les données ont été saisies dans la le Tableur Microsoft Excel. Les résultats ont été comparés aux normes de l’OMS. L’analyse a été faite par rapport au rendement obtenu calculé par l’expression:
où R représente respectivement le rendement de la phytoremédiation (%), Ci la concentration initiale et Cf la concentration finale.
En ce qui concerne la cartographique, il s’agit d’utiliser une approche basée sur les analyses spatiales au moyen des SIG ceci dans le but de montrer l’occupation du sol (la distribution des sites bâtis et non bâtis ou espaces interstitiels), et la distribution spatiale de E. crassipes dans la région maritime.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Plantes à potentialités phytoremédiatrices
La bibliographie a permis de lister 79 plantes phytoremédiatrices des eaux usées regroupées en 31 familles. Les familles les plus représentées sont les Cyperaceae et les Poaceae à des taux respectifs de 19% et 15%. La comparaison de cette florule avec la flore du Togo a permis d’identifier 19 espèces phytoremédiatrices locales (Tableau 1). Ces plantes sont regroupées en huit (8) familles dont les mieux représentées sont les Cyperaceae (36%) suivies des Poaceae (25%) et des Araceae (21%) (Figure 3b). Les polluants les plus absorbés par ces plantes sont le zinc (13%) suivi de l’ammoniac (10%) tandis que les produits chlorés, le nickel, les phénols et l’uranium 238 sont moins absorbés (1,5%) (Figure 3a). Les espèces E. crassipes et Pistia stratiotes sont les espèces les plus accumulatrices de polluants (14 sur les 20 polluants identifiés) (Figure 4).
Sites d’observation de plants de E. crassipes
La plante envahissante E. crassipes, gagne du terrain dans la région maritime suivant les zones polluées, et malgré des dispositifs mis en place pour lutter contre son expansion. Huit sites dans la préfecture du golfe sur les 14 visités sont occupés par cette plante (Figure 5). Elle colonise aisément la lagune de Lomé, les cours d’eau, les mares et les marécages ainsi que le Lac Togo.
Croissance et biomasse aérienne produite de Eichhornia crassipes
Évolution des rejets et souches fanées
La figure 6 montre que les rejets apparaissent au 5è jour. Ces rejets atteignent leur maximum le 19è jour. Ils dégénèrent ensuite jusqu’au 35è jour. À partir du 12è jour, les souches et les rejets commencent à se faner jusqu’au 35è jour.
Cinétique de croissance de la longueur et la largeur du limbe et du pétiole
On observe une légère croissance en largeur et en longueur du limbe ainsi que du pétiole jusqu’au 25è jour suivi d’une dégénérescence progressive qui devient totale le 35è jour (Figure 7).
Croissance de pieds de E. crassipes
L’analyse de la courbe de la croissance de E. crassipes montre que celle-ci atteint son maximum au 25è jour suivi d’une dégénérescence progressive qui devient totale le 35è jour (Figure 8).
D’après les résultats obtenus, le développement normal et l’apparition des rejets au 6è jour de l’expérimentation montre que E. crassipes s’adapte à son nouvel habitat. La fanaison et la dégénérescence de quelques pieds respectivement les 11è et 15è jour et qui prennent de l’ampleur à partir du 24è jusqu’à la dégénérescence complète des rejets sont dû à la non résistance de certains pieds et à l’épuisement de nutriments dans le milieu car l’eau usée n’est pas renouvelée durant l’expérimentation (dispositif discontinu).
Capacité de phytoremédiation de E. crassipes
Les eaux usées de la fosse septique recueillie pour l’expérimentation sont troubles, de couleur brunâtre qui devient progressivement claire au cours de l’expérimentation.
Les résultats des analyses effectuées sont consignés dans le tableau suivant (Tableau 2).
Évolution des paramètres physico-chimiques
pH
Le pH du témoin montre une augmentation régulière de 7,6 à 10,3 alors qu’il est presque stable avec une tendance à la baisse dans l’essai. La valeur du pH dans l’échantillon de l’essai est conforme aux normes de l’OMS.
Les nitrates
La concentration du nitrate du témoin est passée de 0,8 mg/l à 1,8 mg/l avec un pic au 16ème jour de 3 mg/l dans l’essai, cette concentration a régulièrement augmenté de 1,7 mg/l au 8ème jour à 65,5 mg/l, avec un pic au 16ème jour.
La DCO
La DCO a diminué au 8ème jour, passant de 540 mg/l à 40 mg/l. A partir de ce moment, elle montre une augmentation régulière jusqu’au 24ème jour. Elle a par contre diminué chez l’essai au 8ème jour, pour baisser au 16ème jour avant de reprendre une augmentation au 24ème jour.
La DBO
La variation de la DBO est en parallèle avec celle de la DCO aussi bien pour le témoin que pour l’essai. Le rapport DCO/DBO5 qui permet de mesurer la biodégradabilité d’un effluent est inférieur à 2 pour T0 et l’essai au 8ème jour. Ce qui montre que l’effluent est de moins en moins biodégradable avec le temps.
L’orthophosphate
La concentration de l’orthophosphate dans le témoin est en cloche passant de 9,5 mg/l à <0,2 mg/l avec un pic au 8ème jour. Dans le cas de l’essai, la variation est dans la même dynamique avec une pointe 16ème jour.
Selon les normes, le rapport N/P doit être égal à 5/1; ce rapport est validé pour l’essai à partir du 16ème jour, ce qui signifie une digestion optimale de la pollution par E. crassipes à cette échéance.
La conductivité
La conductivité est partout supérieure à 1000 µS/cm, ce qui est un indicateur de conditions salines élevées.
DISCUSSION
La flore togolaise abrite en son sein 19 espèces ayant des propriétés phytoremédiatrices. Cette diversité des plantes phytoremédiatrices est nettement inférieure aux 400 espèces reconnues comme plantes accumulatrices tolérantes aux métaux (Dabouineau et al., 2005). Les polluants les plus absorbés par les plantes accumulatrices présentes au Togo sont le zinc et l’ammoniac; ce résultat est contraire à celui de Morel et al., (1997) ou le nickel et le cobalt sont accumulés par respectivement 35 et 12 familles de plantes. De par son aire de répartition, E. crassipes est plus concentrée à Lomé sur les lagunes mais aussi quelques fleuves (Haho, Mono et Zio), mares, marécages et lacs. Ce résultat est en accord avec les travaux de Akpavi et al. (2005). E. crassipes est une espèce d’eau douce vivant en milieu ensoleillé. Elle colonise très vite les milieux pollués, facteurs indispensables pour son existence favorisant ainsi son développement et constitue une source d’inquiétude pour la population riveraine.
Au cours de l’expérimentation, le développement normal et l’apparition des rejets montrent que E. crassipes s’adapte à son nouvel habitat vu que le milieu de l’expérimentation diffère de son milieu habituel. Le rejet n’a besoin que de 5 (cinq) jours pour apparaître tandis qu’il faut 10 jours pour la levée des graines de maïs et de pois (Nait Messaoud et Samer, 2015). Cette différence pourrait s’expliquer par les démarches méthodologiques. En effet, les graines de maïs et pois ont été utilisées pour évaluer les effets des hydrocarbures sur les deux espèces et la résistance de celles-ci à la pollution (Nait Messaoud et Samer, 2015). La Croissance de E. crassipes atteint un maximum de 42 cm au 25ème jour de l’expérimentation tandis que le maïs atteint jusqu’à 31,0 cm sur un sol contaminé (Nait Messaoud et Samer, 2015). Les taux d’élimination de la DBO5 et de la DCO sont supérieurs aux taux obtenus au Burundi avec un taux de 57,41% et de 74,4% (Ntakiyiruta et al.,2020). Cette différence peut être dû au dispositif expérimental discontinu et des eaux usées de la fosse septique utilisé et l’essai d’une seule espèce qui est E. crassipes contrairement à leur dispositif continu et des eaux usées domestiques et l’alternance de P. stratiotes et E. crassipes. Ceci montre que la pollution organique biodégradable traduit par la DBO5 et les matières oxydables tant organique que minérale sont les principales sources de nutrition de la plante. L’orthophosphate montre une faible élimination des phosphates par Eichhornia crassipes. Ce résultat est supérieur à ceux obtenus par Ntakiyiruta et al., (2020) au Burundi avec un taux de 46,2 %. Ceci peut être dû aux conditions biologique et physico-chimique du milieu et le temps court de l’expérimentation (24 jours).
CONCLUSION
Aujourd’hui l’action des plantes en association avec les microorganismes permet à la phytoremédiation (technique de dépollution) de contribuer à la décontamination des eaux polluées. Ainsi, la restauration de ces eaux dégradées participe à la préservation de la qualité des ressources qui en dépendent. E. crassipes est une plante envahissante qui gagne du terrain dans la région maritime suivant les zones polluées malgré les dispositifs mises en place pour lutter contre son expansion. On note une adaptation exceptionnelle de E. crassipes quant au changement de son habitat. C’est à cet effet que cette étude a été réalisée sur le traitement d’eau usée et l’adaptation de nouvel habitat par les plantes flottantes phytorémédiatrices comme E. crassipes dans un dispositif expérimental en mode discontinu.
La cinétique de la phytoremédiation des paramètres de pollution a été suivie après leur séjour et les analyses des échantillons amenés au laboratoire. Cette étape a permis de comprendre que la réduction des paramètres est fonction de la croissance des macrophytes et de leur temps de séjour dans l’eau usée.
Ainsi, certains paramètres comme l’Orthophosphate, la DBO5 et la DCO ont été réduits à des concentrations, respectivement 68 %; 97 % et 85 % au 24ème jour. Par contre, au cours de cette même période, une forte présence de nitrate a été constatée suite à la nitrification de l’azote ammoniacal. L’évaluation expérimentale de la cinétique de croissance et de phytoremédiation confirme l’importance de la jacinthe d’eau dans la purification des eaux usées. Une gestion adéquate des eaux usées est nécessaire pour assurer la protection de l’environnement et garantir une meilleure santé publique. L’intérêt de cette écotechnologie réside dans la diversité des espèces végétales pouvant être utilisées et les bonnes performances obtenues.
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