Étude ethno-botanique, chimique et activité glycophage in vitro de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum en RD Congo

Auteurs-es

  • Pisco MENGA Faculté des Sciences et Technologies, Université de Kinshasa, République Démocratique du Congo
  • Immaculée MUNDABI-FAL Faculté des Sciences et Technologies, Université de Kinshasa, République Démocratique du Congo
  • Jean Jacques AMOGU Centre d’Excellence Chimique, Biologique, Radiologique et Nucléaire, Ministère de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique, République Démocratique du Congo
  • Jean-Paul Koto-Te-Nyiwa NGBOLUA Faculté des Sciences et Technologies, Université de Kinshasa, République Démocratique du Congo https://orcid.org/0000-0002-0066-8153
  • Gisèle MAKENGO Faculté des Sciences et Technologies, Université de Kinshasa, République Démocratique du Congo
  • Félicien LUKOKI Faculté des Sciences et Technologies, Université de Kinshasa, République Démocratique du Congo

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.10466506

Mots-clés :

Plante médicinale, Synsepalum, diabète, nutrithérapie, République Démocratique du Congo

Résumé

Cette étude a été réalisée dans le cadre de la valorisation des produits forestiers non ligneux de la République Démocratique du Congo. Elle porte sur la connaissance de l’importance, des propriétés biochimiques et de l’activité glycophage in vitro des fruits de deux espèces de Synsepalum, à savoir S. dulcificum et S. stipulatum, provenant du Territoire de Bikoro, dans la Province de l’Equateur. Le matériel végétal est constitué des pulpes des fruits des deux espèces. Une enquête ethnobotanique, l’analyse des minéraux, les dosages des métabolites primaires et secondaires, et l’activité glycophage ont été réalisés sur les extraits aqueux des deux espèces. Les résultats montrent que ces deux plantes ont une grande importance alimentaire et médicinale. Les fruits sont essentiellement utilisés dans l’alimentation comme édulcorant, alors que la racine, l’écorce et dans une moindre mesure les feuilles, sont utilisés dans la prise en charge des hémorroïdes, la carie dentaire et les faiblesses sexuelles. Ces deux plantes contiennent essentiellement les éléments minéraux majeurs tels que sodium, magnésium, calcium, fer et phosphore. Les pulpes des fruits de deux espèces ont presque une composition presque similaire en métabolites primaires, elles sont riches en polyphénols, alcaloïdes, flavonoïdes, quinones, anthocyanes, tanins condensés et saponines et possèdent un effet glycophage. Ces résultats sont encourageants et mettent en évidence la valeur nutritionnelle de ces deux espèces végétales.

Mots clés: Plante médicinale, Synsepalum, diabète, nutrithérapie, RD Congo

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INTRODUCTION 

En Afrique, les populations accordent une grande importance aux plantes qui interviennent dans l’alimentation et la santé, environ 600 millions de personnes en dépendent et 80 % recourent aux plantes pour se soigner (Laleye et al., 2015). Le choix des plantes peut se justifier par la croyance culturelle des autochtones, la disponibilité et l’accessibilité à la matière première, le coût abordable et l’efficacité du traitement (Inkoto et al., 2020; Kabena et al., 2021; Menga et al., 2022).

Les écosystèmes forestiers de la République Démocratique du Congo sont parmi les plus diversifiés de la planète, où on dénombre un peu plus de 10.000 espèces d’Angiospermes, dont environ 3.000 sont endémiques (Menga 2012; Tchatchambe et al., 2017; Lukoki et al., 2023). La plupart des plantes de cette diversité floristique ont des propriétés médicinales et nutritives intéressantes grâce à leurs compositions biochimiques, biologiques, et pharmacologiques, justifiant de ce fait leur utilisation dans le système alimentaire et des soins traditionnels, tant en milieu rural qu’urbain (Miara et al., 2013; Tchatchambe et al., 2017; Mariame et al., 2018). Ces plantes sauvages ont également une grande importance culturelle et économique dans les milieux ruraux; cependant, suite à la destruction de leur habitat, la plupart d’entre elles sont devenues rares. Outre cela, il existe peu de données scientifiques disponibles sur certaines d’entre elles, quant à leur valeur nutritive, leur composition phyto-chimique et pharmacologique, pouvant ainsi justifier leurs usages.

Dans un pays où les soins de santé moderne et l’alimentation constituent un problème existentiel et essentiel, la valorisation de sa richesse floristique reste un enjeu majeur pour son développement. C’est ainsi, la présente étude se propose de valoriser deux espèces sauvages, à savoir Synsepalum dulcificum (Schumach. and Thonn.) Daniell et Synsepalum stipulatum (Radlk.) Engl., dont les fruits sont très prisés par la population du territoire de Bikoro et ses environs en République Démocratique du Congo. Il a été relevé que S. dulcificum est utilisée dans l’alimentation comme édulcorant (Juhé-Beaulaton, 2014; Fandohan et al., 2017) et dans la médecine traditionnelle à cause de ses nombreuses propriétés thérapeutiques, telles que la lutte contre la faiblesse sexuelle, l’énurésie, le paludisme et l’Ictère (Fandohan et al., 2017; Akinmoladun et al., 2020), Il apparaît donc nécessaire d’approfondir les connaissances de ces espèces sur leurs usages traditionnels, leurs valeurs nutritives, leurs propriétés phyto-chimiques, anti-hyperglycémiantes.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

Les enquêtes ethno-botaniques et la cueillette des échantillons ont été réalisées dans le territoire de Bikoro, dans la province de l'Équateur, à l’Ouest de la République Démocratique du Congo. Ce territoire est compris entre 17°030’ et 19° de longitude Est et 00°1’ et 1°20’ de latitude Sud (Figure 1). Ce territoire contient une population estimée à 366 571 habitants repartie sur une superficie de 13 842 Km² (Mandjo et al., 2015). La région connaît un climat du type Af selon la classification de Koppen, soit un climat équatoriale (Ilumbe et al., 2019), et elle abrite une forêt dense sempervirente, souvent appelée «forêt équatoriale» (Samndong et al., 2018; Muntotombe et al., 2023). La population locale est fortement tributaire de la forêt pour sa subsistance, et elle vit surtout de la cueillette, pêche, chasse et l’agriculture. L’agriculture est considérée comme l’activité principale du territoire. Elle est axée sur les cultures vivrières (manioc, maïs, banane plantain, riz, niébé, patate douce), les cultures maraîchères (amarante, aubergine, etc.), les cultures pérennes (cacao, café, huile de palme), les fruits (mangoustan, orange, mangue, pomme de Cythère, ramboutan).

Description des espèces

Synsepalum dulcificum (Schumach. & Thonn.) Daniell (1852) et S. stipulatum (Radlk.) Engl. (1904), sont deux espèces arbustives trouvées dans les forêts ombrophiles matures semi-sempervirentes guinéo-congolaises de basse altitude et dans les forêts secondaires matures semi-caducifoliées (Belesi, 2008), et parfois dans les forêts ripicoles. Elles appartiennent à la famille des Sapotaceae, l’ordre des Ericales, dans le clade des Superasteridae. Elles sont communément appelées «fruits ou baies miracles» car la pulpe de leur fruit contient une glycoprotéine, la miraculine, qui a la propriété de recouvrir les papilles gustatives de la langue ce qui neutralise ou supprime la sensation d’acidité et d’amertume de tout autre aliment, durant environ une à trois heures (Fandohan et al., 2017). Localement, ces plantes portent le même nom vernaculaire, «mpunga» ou «mponga». Synsepalum dulcificum est un arbuste de 5 m de haut, à feuilles disposées en spirale ou parfois alternes, avec de limbe coriace, glabre et obovale, de 5-10 cm de long et 2-5 cm de large. Le fruit est une baie de 1,5 à 2 cm de forme ovoïde, de couleur rouge pourpre à maturité (Figure 2a), contenant une seule graine (Juhé-Beaulaton, 2014). Les fleurs sont axillaires à corolle blanche (Figure 2b).

S. stipulatum est un arbuste à feuilles alternes, simples, oblancéolées, glabres, à apex aigu, acumen allongé sub-triangulaire (longueur 2-3x largeur basale) et à base longuement décurrente. La nervation secondaire est très espacée, parallèle, formant des boucles sub-marginales continues; la nervation tertiaire est scalariforme-réticulée, mais à peine visible (Figure 2c). L’inflorescences est en fascicules axillaires courts. Le fruit est une baie de 2 cm de longueur, ellipsoïde, brillant, rouge à maturité, à mésocarpe pulpeux (Purvis, 2012).

Enquêtes ethno-botaniques

Les enquêtes ethnobotaniques ont été réalisées auprès de 152 personnes résidant dans le territoire de Bikoro. Ces personnes ont consenti librement de répondre aux interviews, lesquels étaient basées sur un entretien structuré, grâce à un questionnaire d’enquête préétabli (Effoe et al., 2020; Ngbolua et al., 2021). L’un des critères d’inclusion des enquêtés était d’avoir au moins 20 ans d’âge et d’avoir une bonne connaissance des potentiels nutritionnels et thérapeutiques de ces deux plantes.

Les questions étaient axées sur l’identité de l’informateur (âge, sexe, niveau d’études, état civil), les noms locaux de ces plantes, les différents usages, les maladies traitées, les différentes parties utilisées comme drogues, les modes de préparation des recettes médicamenteuses, leur forme d’utilisation, ainsi que leur voie d’administration. Les renseignements sur la période de récolte, l’intensité de régénération et la disponibilité des ressources dans la nature ont été également nécessaires.

La fréquence de citation (FC), par les enquêtés, de chaque variable ethnobotanique retenue (usage, partie utilisée, maladies traitées, mode de préparation, forme d’utilisation, voie d’administration) a été calculée par la formule suivante, utilisée par Koulibaly et al. (2017):

FC = (Nombre de citations)/(Nombre d'enquêtés)

La valeur d’usage ethnobotanique (VUE) a été déterminée pour évaluer l’importance relative de chacune des catégories d’usages de Synsepalum. La VUEk représente la somme des scores d’usage Sik assignés par les enquêtés à une catégorie d’usages indexée k divisée par le nombre total N d’enquêtés (Philips et Gentry, 1993 in Fandohan 2017):

VUEk= (∑iSik)/N

Récolte, identification et conditionnement des échantillons

Les fruits de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum, récoltés dans le territoire de Bikoro, ont été séchés sur place à 40 °C durant 72 h, à l’aide de l’étuve de marque Binder E28 avant d’être expédiés à Kinshasa dans des petits bacs à loquets clairs, stériles, en plastique pour les analyses. Chaque lot des fruits était accompagné de son herbier pour une confirmation de l’identification. L’identification a été confirmée sur base des clés disponible dans l’ouvrage de Hawthrone et Jongkind (2006), et par comparaison avec les herbiers de référence disponibles à l’herbarium de l’Université de Kinshasa. Après broyage et tamisage, les pulpes des échantillons ont été soumises à des analyses biochimiques qualitatives et quantitatives, et à un test de glycophage.

Dosage des éléments minéraux

Les teneurs en calcium, magnésium, sodium et phosphate ont été déterminées par spectrométrie d’émission optique à plasma d’argon à couplage inductif (ICP-AES) (Optima 8300 Perkin Elmer, USA) alors que la teneur en fer a été déterminée par spectrométrie d’absorption atomique (AAS) (AOAC, 2000 et AOAC, 2019 in Mukeba et al., 2021). Les analyses ont été effectuées en dix répétition, et les valeurs moyennes ont été ainsi calculée et exprimées en mg/100g de poids sec de l’échantillon. Le test-t de Student a permis de comparer les valeurs moyennes de minéraux de deux plantes.

Analyses phyto-chimiques

Préparation des extraits

Les extraits aqueux des pulpes de Synsepalum dulcificum et de S. stipulatum ont été obtenus par une infusion aqueuse. Cette dernière consistait à porter 100 g de poudre de pulpes séchées dans 1 L d’eau bouillante dans un erlenmeyer. Le mélange a été laissé sous agitation pendant 48 heures à la température ambiante. A la fin de l’agitation, l’extrait a été filtré à l’aide d’un papier filtre sous pompe vide lyophilisé. L’extrait sec et concentré par lyophilisation a été conservé au froid à 4 °C dans des flacons stériles, propres et secs (Mukeba et al., 2020).

Recherche des métabolites secondaires

Les extraits aqueux des pulpes de deux espèces de Synsepalum ont été soumis à une analyse qualitative selon le protocole standard de Harbone (1998) in Nnanga et al. (2020). La présence des métabolites secondaires a été rendue possible par des réactions spécifiques de colorations et de précipitation. Les alcaloïdes ont été révélés par l’usage du réactif de Mayer aboutissant à l’obtention d’un précipité blanc. Les polyphénols totaux ont été mis en évidence par l’utilisation du réactif de Burton donnant à la formation d’une couleur bleue violacée. La présence des anthocyanes a été révélée par l’addition de l’acide chloridrique 20 % et de quelques gouttes d’ammoniaque, avec un virage à la couleur rouge puis bleu-verdâtre. Les flavonoïdes ont été identifiés à l’aide du cyanidine de Shinoda et un virage à la couleur orangée. La présence des quinones a été mis en évidence par la réaction de Bornträger, avec un virage au rose ou rouge-violacée. Les tanins condensés ont été révélés par l’addition du chlorure ferrique et du réactif de Stiasny, avec un virage au bleue foncée. La présence des saponines a été révélée par le test de mousse, l’indice de mousse devrait être au moins de 1,5 à 2 cm après 15 minutes d’agitation (Bukatuka et al. 2016; Nnanga et al., 2020; Mukeba 2022).

Dosage des métabolites secondaires

La teneur en polyphénols totaux a été calculée suivant la méthode de Folin-Ciocalteu. Un mélange réactionnel composé de 0,5 mL d’extrait des plantes, de 5,0 mL H2O distillée et de 0,5 mL du réactif de Folin-Ciocalteu a été préparé, et mélangé après 3 minutes, avec 1,0 mL d’une solution saturée de Na2CO3 20%. Les mélanges ainsi préparés sont agités et incubés à la température du laboratoire à l’abri de la lumière pendant 1 heure. Les absorbances sont lues au spectrophotomètre à UV-visible à 725 nm (Ghedadba et al., 2014; Kapepula et al., 2016; Bukatuka et al., 2016; Ngelinkoto et al. 2021). La teneur en flavonoïdes a été estimée suivant la méthode spectrophotométrique. Le mélange réactionnel contient 1 mL de la solution méthanolique (80%) de chacun des extraits de concentration 10 mg/mL et 1mL d’AlCl3 2% (dissout dans le méthanol) et le tout est bien agité.

Après 1 heure d’incubation à la température du laboratoire et à l’abri de la lumière, mesurer les absorbances au spectrophotomètre à UV-visible à 415 nm (Bukatuka et al., 2016; Mbadiko et al., 2019; Ngelinkoto et al., 2021). Les tanins condensés ont été déterminés par la méthode de la vanilline en milieu acide. 50 µL d’extrait brut sont ajoutés à 1500 µL de solution de vanilline à 4% (méthanol) et mélangés. Ensuite, 750 µL d’acide chlorhydrique concentré ont été ajoutés. Le mélange obtenu est incubé à température ambiante pendant 20 minutes. L’absorbance est mesurée à 550 nm à l’aide du spectrophotomètre UV-Visible (Heimler et al., 2006; Bukatuka et al., 2016; Ngelinkoto et al., 2021).Les analyses ont été effectuées en dix répétition pour des résultats plus fiables, et le test-t de Student a permis de tester l’existence d’une différence significative entre les valeurs moyennes issues de deux plantes.

Analyse biochimique des métabolites primaires

Le dosage des protéines brutes a été fait par la méthode de Kjeldahl et les lipides brutes ont été estimées en extrayant l’échantillon avec de l’éther de pétrole dans un appareil Soxhlet pendant plus de huit heures, après quoi le solvant a été évaporé. La différence de poids a été calculée. Les lipides totaux ont été estimées par la méthode de Soxhlet à partir de la différence de poids. Les glucides assimilables par méthode de calcul différentiel (Mbemba 1992 in Mukeba et al., 2021).

Dosage des cendres brutes totales et des fibres brutes totales

Pour déterminer la teneur en cendres, les échantillons ont été soumis à une température de 600 °C dans un four à moufle durant quatre heures, puis à travers la différence de poids la teneur en cendres a été calculée (Sadasivam et al., 1996 in Mukeba et al., 2021). Les fibres brutes ont été estimés par la méthode de Krushner (Vervack 1982 in Mukeba et al., 2021).

Dosage des facteurs antinutritionnels

La teneur en nitrites a été déterminée par la méthode colorimétrique de Sjoberg et Alanka (1994) in Awotedu et Ogunbamowo (2019), en utilisant le réactif de Zambelli, la concentration a été calculée à partir de la densité optique prélevée par spectrophotométrie à UV-Visible. La teneur en oxalates a été déterminée par titrage d’oxydoréduction au permanganate de potassium en milieu acide (H2SO4) comme précédemment utilisée par Awotedu et Ogunbamowo (2019). Les phytates ont été déterminés par spectrophotomètre selon une procédure décrite par Pearson (1976) in Awotedu et Ogunbamowo (2019). L’analyse quantitative des acides cyanogènes a été réalisée par la méthode de dosage argentimétrique avec l’AgNO3 0,1 M en milieu basique (NaOH).

Test de Glycophage

Ce test permet de déterminer la capacité de complexation du glucose à différente concentrations des extraits en solution. Les densités otiques obtenues par spectrophotométrie à UV-visible permettent de calculer les concentrations de glucose résiduel (non liés) correspondante via la loi de Beer-Lambert, et de tracer la courbe de cinétique (Masengo et al., 2022).

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Les connaissances et les valeurs d’usage

Dans le territoire de Bolobo, les riverains ne font aucune distinction nette entre les fruits de Synsepalum dulcificum et de S. stipulatum, les deux plantes portent le même nom vernaculaire et elles sont utilisées pour les mêmes fins ethno-botaniques, raison pour laquelle, dans cette section, nous n’avons pas pu traiter distinctement les informations obtenues. Le tableau 1 reprend les catégories d’usage ethno-botanique et les valeurs d’usage ethno-botanique (VUE) associées, les parties des plantes utilisées, les maladies traitées, le mode et la forme de préparation des recettes médicamenteuses ainsi que leurs fréquences de citation (FC).

Les enquêtes ethno-botaniques sur ces deux plantes font état de quatre catégories d’usage et huit utilisations avec des fréquences de citations > 5 %.

L’usage alimentaire du fruit (édulcorant) était connu de tous les enquêtés (VUE = 1,25; FC = 100 %). Ces plantes sont également utilisées localement pour leurs vertus médicinales (VUE = 0,88), et ce sont plus les racines (FC = 37,5 %) et les écorces des tiges (FC = 31,3 %) qui étaient les plus citées. L’utilisation médicinale des écorces et des racines pour le traitement des hémorroïdes étaient les usages non alimentaires les plus répandus, avec des fréquences de citation de 25,0 % et 18,7 % respectivement. Ces résultats diffèrent de ceux de Fandohan et al. (2017) au Sud Bénin où l’usage médicinal de Synsepalum ducificum était en majorité pour le traitement de la faiblesse sexuelle, de l’énurésie et du paludisme.

Disponibilité des plantes et des fruits

Les enquêtes sur la disponibilité de Synsepalum ducificum et de S. stipulatum dans la nature ont révélé à près de 70 % que ces plantes sont abondantes dans cette région forestière équatoriale, leur régénération est active et elles ne subissent aucune pression car la région est enclavée. Ces résultats diffèrent de ceux de Fandohan et al. (2017) au Sud-Bénin où S. dulcificum subit une énorme pression à cause de la poussée démographique, la pression agricole et les feux de végétation. De ces deux espèces, il a été constaté que c’est S. dulcificum qui est le mieux adapté à une culture de parcelle en raison de son écologie. Soixante pour cent 60 % des enquêtés ont attesté posséder au moins un individu de l’espèce dans leur parcelle afin de faciliter son accessibilité en cas de besoin, en raison de ses vertus thérapeutiques, économiques et alimentaires. Cette proportion est bien meilleure à celle rapportée par Fandohan et al. (2017) au Sud-Bénin où au moins 46 % de la population possédaient au moins un individu de S. dulcificum. Toutefois, cette politique de domestication minimise davantage la pression anthropique sur la plante en milieu naturel. Les fruits mûrs de Synsepalum ducificum et de S. stipulatum sont disponibles dans leur milieu naturel durant presque toute l’année, avec des pics d’observation entre novembre et février, et des faibles fréquences d’observation de juin à septembre (Figure 3). L’hypothèse nulle selon laquelle il n’existe pas de corrélation (de Pearson) entre la disponibilité des fruits et la fréquence des précipitations est acceptée (r = -0,44; t= -1,5516; p = 0,1518 > 0,05) (Figure 4). Cette décision d’accepter l’hypothèse nulle est cohérente car l’intervalle de confiance à 95 % pour cette corrélation qui est de (-0,809 ; 0,178) contient 0. Ces résultats corroborent ceux de Juhé-Beaulaton (2014) au Sud Bénin, qui avait trouvé une production des fruits de Synsepalum dulcificum tout au long de l’année.

Teneurs en éléments minéraux majeurs

Les teneurs en ion calcium, fer, magnésium, sodium et phosphate ont été évaluée pour 100 g de matière sèche de pulpes de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum, et les résultats sont consignés dans le tableau 2. On observe des très fortes teneurs en ions calcium, fer, magnésium, sodium et phosphate dans S. stipulatum par rapport au S. dulcificum. La différence en teneurs d’éléments minéraux entre les deux plantes est très significative (p-value > 0,05).

Les résultats obtenus des échantillons de Synsepalum dulcificum provenant de la région de Bikoro présentent des teneurs élevées par rapport à ceux de Nkwocha et al. (2022) provenant de l'État d’Anambra au Nigeria en ce qui concerne le calcium (0,62 %), fer (1,00 mg/100 g), magnésium (0,24%), sodium (0,18 %) et phosphore (0,16 mg/100 g). A contrario, Olaitan et al. (2015) au Nigeria toujours, trouvent les teneurs élevées en calcium, sodium et magnésium, soit respectivement de 72,1 mg/100 g, 25 mg/100 g, 17,6 mg/100 g. Toutefois, leurs résultats présentent des faibles teneurs en fer (3,05 mg/100 g). Concernant Synsepaluml stipulatum, les résultats obtenus des échantillons de la région de Bikoro présentent des meilleures valeurs en éléments minéraux par rapport à ceux de Solomo et al. (2016) dans la province de Tshopo, où les teneurs en calcium, fer et sodium sont respectivement de 128,6 mg/100 g, 7,0 mg/100 g et 14,4 mg/100 g. A contrario, ces derniers ont présenté des meilleurs teneurs en magnésium (87,5 mg/100 g).

Composition phyto-chimique qualitative

Les métabolites secondaires mise en évidence par colorimétries et précipitation dans les extraits aqueux des pulpes de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum sont repris dans la tableau 3.

Il s’avère que les pulpes des deux espèces contiennent des alcaloïdes, anthocyanes, flavonoïdes, polyphénols totaux, quinones, et tanins condensés. Cependant, on note l’absence des saponines dans les extraits aqueux des pulpes de Synsepalum stipulatum.

Ces résultats corroborent ceux de Awotedu et Ogunbamowo (2019) qui ont également mis en évidence la présence des Alcaloïdes, des Flavonoïdes, des Saponines, des Tanins et des Polyphénols dans les extraits organiques des fruits de Synsepalum dulcificum.

Composition phyto-chimique quantitative

Les résultats du dosage phytochimique des extraits aqueux équivalents pour la matière sèche des pulpes de Synsepalum dulcificum et S. sitpulatum montrent que les deux plantes contiennent des grandes quantités de polyphénols totaux (Tableau 4). Cependant, la différence des moyennes entre les teneurs en polyphénol de ces deux espèces est significative (p = 1,965e-13 < 0,5); S. dulcificum ayant une valeur élevée par rapport au S. stipulatum. Il en est de même pour les flavonoïdes. Par contre, aucune différence significative n’est observée dans la constitution en tanins (p = 0,09 > 0,05).

Ces valeurs sont meilleures par rapport à celles trouvées par Awotedu et Ogunbamowo (2019) sur les flavonoïdes (0,58 mg EQ/100 g), les tanins (0,08 mg EC/100 g) et les composés phénoliques (0,231 mg EAG/100 g). Par ailleurs, il a été rapporté que les polyphénols possèdent une excellente activité antioxydante et seraient impliqués dans la prévention des maladies cardiovasculaires et peut-être également d’autres pathologies telles que les maladies neurodégénératives, le diabète, l’ostéoporose et les cancers. Selon Ouattarra et al. (2016), les flavonoïdes et les tanins possèdent les propriétés anticoagulante et anti-inflammatoire, et sont réputés être d’excellents antioxydants qui protègent les cellules contre les effets délétères des radicaux libres. Partant de ces affirmations, nous pouvons dire que l’usage de ces deux espèces dans le traitement des hémorroïdes est justifié.

Composition en macronutriments

Les pulpes des fruits de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum contiennent en quantité suffisante les macronutriments indispensables au bon fonctionnement de l’organisme, notamment les protéines, les lipides, les fibres et les glucides, et possèdent une grande valeur énergétique (Tableau 5). Cependant, la différence des moyennes entre les teneurs en macronutriments de deux espèces est significative.

En effet, S. dulcificum est riche en lipides totaux, cendres totales, glucides alimentaires et en énergie, alors que S. stipulatum est riche en protéines brutes et en fibres brutes.

Les teneurs en macronutriment de Synsepalum dulcificum provenant du territoire de Bikoro en République Démocratique du Congo sont nettement supérieures à ceux trouvées au Nigéria par Awotedu et Ogunbamowo (2019) [protéines 10,3 %, lipides 2,32 %, sucres 17,4 %, fibres 3,63 %, cendres 3,95 %], Olaitan et al. (2015) [lipides 11,9 %, glucides 29,1, fibres 0,66 %, cendres 1,43 %, hormis pour les protéines 19,5 %,] et Nkwocha et al. (2014) [protéines 12,3%, lipides 1,33%, cendres 1,44%, fibres 1,30%, hormis pour les sucres 39,6%]. En ce qui concerne Synsepalum stipulatum, les résultats trouvés dans cette étude présentent également des teneurs élevées en macronutriments par rapport à ceux trouvé dans la province de la Tshopo en République Démocratique du Congo par Solomo et al. (2016) [protéines 9,65 g/100 g, lipides 5,89 %, cendre 4,94 %, fibres 3,82, énergie 1647 Kj/100 g, hormis pour les sucres 75,7 %].

Facteurs antinutritionnels

Les éléments antinutritionnels tels que les nitrites, les phytates, les oxalates et les acides cyanogènes ont été décelés dans les extraits de pulpes de Synsepalum dulcificum et S. stipulatum, avec une différence significative des moyennes des teneurs en éléments anti-nutritionnels des deux espèces; S. stipulatum ayant des faibles valeurs de nitrites, phytates et oxalates par rapport au S. dulcificum (Tableau 6).

En effet, ces composés chimiques se trouvent dans la plupart des végétaux et réduisent la capacité de l’organisme à absorber les nutriments essentiels. Par exemple, les phylates et les oxalates forment des chélates, qui au cours de la digestion, forment des complexes avec de très nombreux minéraux (Mg2+, Fe2+, Zn2+, Ca2+…), les rendant peu solubles et difficilement absorbables par le tractus gastro-intestinal (Mwanri et al., 2018). Les teneurs en phytates observées dans ces deux espèces sont très faibles par rapport à celles observées sur S. dulcificum au Nigeria par Awotedu et Ogunbamowo (2019) et Nkwocha et al. (2021), soit respectivement 34,7 mg/100 g et 4,57 mg/100 g. Elles demeurent également très faibles par rapport à celles rapportées pour d’autres espèces alimentaires et médicinales à l’instar de Musa paradisiaca (0,28 à 0,62 mg/g; Adenjii et al., 2008), Dacryodes edulis var edulis (1,59 mg/100 g; Ibanga et Ekpa, 2009), Ocimum gratissimum (10,3 mg/g; Fagbohun et al., 2012).

De même, les valeurs de la teneur en oxalate dans les deux espèces sont également beaucoup plus faibles que celles observées sur S. dulcificum par Awotedu et Ogunbamowo (2019) et Nkwocha et al. (2021), soit respectivement 28,5 mg/100 g et 8,42 mg/100 g. Elles sont également beaucoup plus faibles que celles de Musa sapientum (0,72 mg/g; Baiyeri, 2000), Musa paradisiaca (0,22 à 0,73 mg/g; Adenjii et al., 2008), Spondias mombin (0,9 mg/g; Igwe et al., 2010), Dacryodes edulis var edulis (13,2 mg/100 g; Ibanga et Ekpa, 2009). Toutefois, les teneurs en phytates et oxalates sont élevées que celles rapportées pour les légumes comestibles tels que Gymnanthemum amygdalinum (Syn. Vernonia amygdalina), Talinum fruticosum (Syn. Talinum triangulare, et Amaranthus spinosus (Agbaire, 2011).

Test de glycophage

Les figures 5 et 6 illustrent l’allure des courbes représentants les concentrations de glucose libre (GL) et glucose résiduel (GR) suivant les différentes concentrations (mg/mL) d’extraits des pulpes de Synsepalum dulcificum (SD) et de S. stipulatum (SS) in vitro.

Concernant Synsepalum dulcificum, la figure 5 renseigne qu’à la concentration d’extraits des pulpes de 0,32 mg/mL (plus faible utilisée), les extraits des pulpes de S. dulcificum ont complexé 49,7 % du glucose en solution. A la deuxième (0,64 mg/mL) et troisième concentration (0,96 mg/mL), le glucose est fixé respectivement à 82,2 % et 91,3 %. A 1,28 mg/mL, il est fixé à 94,9 % et pour 1,6 mg/mL d’extraits à 95,5 % (concentration la plus élevée). Quant à Synsepalum stipulatum, la figure 6 nous renseigne qu’à la concentration de 0,32 mg/mL (la plus faible utilisée), les extraits de pulpes de S. stipulatum ont complexé 69,8 % du glucose en solution. A la deuxième concentration (0,64 mg/mL), le glucose est fixé à 71,4 %, et à la troisième concentration (0,96 mg/mL) et la quatrième (1,28 mg/mL), il est fixé respectivement à 76,3 % et à 78,5 %. Et à la concentration de 1,6 mg/mL d’extraits des pulpes (concentration la plus élevée), le glucose est fixé à 84,4 %. Ces résultats sont légèrement supérieurs à ceux de Masengo et al. (2022), dont le test de glycophage des extraits aqueux de Gymnanthemum amygdalinum et de Lippia multiflora ont réduit respectivement à presque de moitié un peu plus de 40 % la teneur de glucose résiduel en solution à une concentration de 1,0 mg/mL (plus faible concentration considérée).

CONCLUSION

Cette étude démontre que Synsepalum dulcificum et Synsepalum stipulatum sont deux espèces multi-usages, utilisées dans le Territoire de Bikoro principalement pour des fins alimentaires (fruits) et thérapeutiques (écorces et racines). Les pulpes des fruits de ces plantes sont riches en métabolites primaires et secondaires à des proportions presque similaires. Cependant, S. stipulatum est riche en éléments minéraux majeurs par rapport au S. dulcificum. Les pulpes des fruits de ces espèces contiennent des faibles teneurs en éléments anti-nutritionnels par rapport à d’autres fruits et légumes comestibles, et aussi une bonne activité glycophagique in vitro, ce qui laisse entrevoir que leur ingestion pourrait ne pas constituer un risque sanitaire. Des études ultérieures pourront élucidées si ces faibles teneurs peuvent ne pas poser de problèmes nutritionnels graves lorsque ces fruits sont consommés régulièrement, et aussi entrevoir la possibilité d’exploiter les fruits de ces plantes dans l’enrobage des médicaments ayant une saveur amère et dans la prise en charge des personnes vivant avec un diabète.

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Publié-e

15-12-2023

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie

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