Importance socio-économique du baobab (Adansonia digitata) au Togo

Auteurs-es

  • Adjéya Banilélé KEBENZIKATO Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo
  • Wouyo ATAKPAMA Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo
  • Moussa SAMAROU Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo
  • Kperkouma WALA Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo
  • Komlan BATAWILA Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo
  • Koffi AKPAGANA Laboratoire de Botanique et écologie végétale, Département de Botanique, Université de Lomé, Togo

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.8278018

Mots-clés :

Mots clés : PFNL, baobab, commercialisation, résilience, Togo

Résumé

Le baobab (Adasonia digitata L.) est une espèce agroforestière de grande valeur socio-économique. Une évaluation de la valeur économique de cette espèce au Togo a concerné 134 ménages et 105 marchés. L’objet de cette étude est de (i) déterminer le mode et le circuit de commercialisation des produits du baobab et (ii) évaluer la valeur économique générée par la vente des produits de A. digitata. Au total 7 sous-produits commercialisés ont été identifiés. Les feuilles (fraiches et sèches), les amandes et la pulpe sont les sous-produits les plus commercialisées. A part les feuilles qui demeurent assez commercialisées dans toutes les régions, la valeur économique des sous-produits varie selon la position géographique. Les prix des sous-produits sont plus élevés dans les régions Maritime, Plateaux et Savanes. La commercialisation des sous-produits est caractérisée par un circuit indirect avec présence d’intermédiaires. Pour un pied de baobab, les fruits, les graines, l’amande et la pulpe génèrent des revenus respectivement de 116 958; 47 424; 74 277 et 95 076 F CFA. La gestion durable de cette ressource par la régénération assistée et la promotion de bonnes pratiques de production contribuera à la résilience des populations locales face à l’insécurité alimentaire et les effets néfastes des changements climatiques.

 Mots clés: PFNL, baobab, commercialisation, résilience, Togo

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INTRODUCTION

Les ressources forestières alimentaires font partie d’un grand ensemble désigné sous le vocable de "Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL)". Les PFNL sont des ressources et produits, autre que le bois d’œuvre et d’industrie ainsi que leurs dérivés extraits des écosystèmes forestiers puis utilisés à des fins alimentaires, domestiques, de commercialisation ou dotées d’une signification sociale, culturelle ou religieuse (Avocèvou-Ayisso et al., 2009; Dourma et al., 2018). Ainsi, plus une espèce ligneuse offre des avantages, mieux les paysans s’investissent à la planter ou/et à l’entretenir. Selon Leakey (1999), la domestication des essences locales repose en partie sur le développement du marché de leurs produits non ligneux. Une motivation des communautés rurales pour la pratique de l’agroforesterie ne peut donc être suscitée que par le développement du marché des produits des essences agroforestières. Cependant, tout développement de marché d’un produit passe nécessairement par une bonne connaissance des pratiques de consommation et de commercialisation déjà existantes.

En Afrique, les populations rurales vivent des PFNL parmi lesquels les fruitiers spontanés alimentaires occupent une place de choix (Matig et al., 2006). Les paysans contrôlent la densité et la présence des espèces dans l’agroforesterie en tenant compte des préférences et des biens qu’ils procurent (Augusseau et al., 2006). Particulièrement, les espèces qui ont une importance socio-économique sont souvent intégrées dans les systèmes agroforestiers (Aleza et al., 2015; Goudegnon et al., 2016; Dourma et al., 2018; Folega et al., 2019). Au Togo, les études récentes mettent en exergue plusieurs plantes agroforestières d’importance capitale pour les populations. Il s’agit du: baobab (Adansonia digitata), raisinier (Lannea microcarpa), néré (Parkia biglobosa), pommier finsam (Blighia sapida), tamarinier (Tamarindus indica), karité (Vitellaria paradoxa), rôniers (Borassus spp) qui sont souvent intégrées aux systèmes agroforestiers (Kebenzikato et al., 2014; Agbogan et al., 2015; Dourma et al., 2018; Padakale et al., 2018; Atakpama et al., 2022b; Nabede et al., 2022; Samarou et al., 2022b).

En dépit de l’idée générale que l’exploitation des PFNL serait une alternative durable à l’exploitation du bois, leur exploitation a entraîné un déclin drastique de leur population (Garba et al., 2020; Samarou et al., 2022b) avec le passage de l’exploitation domestique à l’exploitation commerciale (Ghimire, 2008). Depuis l’autorisation de l’introduction de la consommation humaine des fruits (pulpe) de baobab en Europe comme aliment de nouvelle génération (Vassiliou, 2008), la vente des fruits de baobab est devenue internationale avec l’exportation et la commercialisation de la pulpe de ses fruits. Cette activité permet d’augmenter les revenus économiques des pays exportateurs des fruits de cette plante et de réduire la pauvreté au sein des populations (Lybbert et al., 2002).

Au Togo, le baobab africain (A. digitata) est l’une des espèces de l’agroforesterie traditionnelle conservée pour ses différents produits forestiers non ligneux. Les feuilles, les fruits et ses sous-produits (pulpe, graines amandes et fibres), l’écorce, les racines sont récoltés pour être utilisés dans les ménages au quotidien à des fins alimentaire, médicinale, cosmétique et font objet de commercialisation dans les marchés (Kebenzikato et al., 2015). Au fil du temps, la consommation et la commercialisation des feuilles et de la pulpe prennent de l’ampleur. L’exploitation de différentes parties de l’espèce qui jadis était réservée aux populations du centre et du nord du pays, est aujourd’hui répandue à travers tout le pays à cause de biens faits (nutritionnel, médicinal, financier, etc.) (De Caluwé et al., 2010; Russo et al., 2019; Konanm et al., 2022).

Malgré le développement du marché de ces produits au Togo, leur valeur économique, le mode et le circuit de commercialisation ne sont pas caractérisés. Il en est de même pour les acteurs impliqués dans la production et la commercialisation. La présente étude vise à déterminer la valeur économique des produits dérivés du baobab au Togo. Il s’agit spécifiquement de: (i) déterminer les modes de commercialisation des produits dérivés du baobab et (ii) évaluer la valeur économique engendrée par la commercialisation de ses produits dérivés dans le pays.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Généralités sur le Togo

Le Togo est un pays situé sur la côte ouest-africaine avec une superficie de 56 600 km². Il est habité par une quarantaine d’ethnies qui se répartissent en trois grands groupes ethniques principaux: le groupe Adja-Ewé au Sud, le groupe para-Gourma au Nord et le groupe Kabyè-Tem au Centre (Kuevi, 1981). En 2010, sa population était de 6 191 155 habitants (65 % en milieu rural) contre 8 095 498 habitants en 2022 (57% en milieu rural) (DGSCN, 2011; INSEED, 2022). Le relief est marqué par la chaîne de montagnes de l’Atakora qui prend en écharpe le pays du Sud-Ouest au Nord-Est.

Sur le plan phytogéographique, le Togo est subdivisé en cinq zones écologiques (Ern, 1979): I, II, III, IV et V représentées respectivement par les plaines du Nord, les montagnes du Nord, les plaines du Centre, la section méridionale des monts du Togo, la plaine côtière du Sud Togo. Au plan administratif et économique, le Togo est subdivisé en cinq (5) régions administratives/économiques du nord au sud: Savanes, Kara, Centrale, Plateaux et Maritime (Figure 1). Le climat est de type soudanien au nord de 8° latitude Nord et de type guinéen au Sud. Le réseau hydrographique se subdivise en trois bassins principaux: au nord, le bassin de la Volta qui par l’intermédiaire du fleuve Oti, collecte les eaux du Koumongou, de la Kara et du Mô; au centre, le bassin du Mono et au Sud, le groupe des rivières côtières (Zio et Haho) qui se jettent dans le lac Togo.

Collecte des données

Les données ont été collectées à travers les enquêtes semi-structurées par entretiens individuels et les focus groups (Samarou et al., 2021). Trois niveaux de stratification ont été retenus (Atato et al., 2012; Pereki et al., 2012; Atakpama et al., 2015): les cinq régions économiques constituent le premier niveau, les ethnies, le deuxième niveau et les villages le troisième niveau. Les localités ont été choisies sous forme des grappes en tenant compte de l’existence des marchés de commercialisation des sous-produits du baobab. Les enquêtes ont été précédées de l’obtention de l’accord des autorités locales en leur exposant l’objectif de l’étude, puis les enquêtés ont été choisis de façon aléatoire (Pedanou et al., 2022). Les enquêtes ont été réalisées au sein de 134 ménages et 105 marchés, dont 39 marchés urbains. Au total, 690 répondants appartenant à 16 ethnies ont été enquêté. Les ethnies aux effectifs les plus élevés ont été les Kabyè (28,0 %), les Moba (11,7 %) et les Tem (11,3 %). La majorité des répondants ont 50 ans révolus (51,9 %) et sont pour la plupart illettrés.

Les informations recherchées sont entre autres: les types de sous-produits de A. digitata vendus, les prix de vente pendant les périodes d’abondance et de pénurie, les acteurs de commercialisation (Samarou et al., 2022a). Les produits vendus (en bol, sachet, tas et gerbe) ont été achetés puis pesés à l’aide d’une balance électronique de portée 5 kg et de sensibilité 1 g.

Traitement des données

Le tableur Microsoft Excel® 2010 a été utilisé pour la saisie et la codification des données. Les informations relatives aux différents acteurs de la filière ont été analysées afin de ressortir les modes et les circuits de commercialisation (Samarou et al., 2022a) des produits dérivés de A. digitata. De même, les traitements des données ont consisté en une analyse statistique descriptive et en des analyses multivariées. L’estimation de la valeur économique moyenne annuelle engendrée par la commercialisation des produits pour un arbre est faite en prenant en compte les quantités produites d’une part, la valeur en poids et les prix des unités de mesure pour la vente d’autre part. Sur cette base, la valeur économique (en F CFA) moyenne annuelle en fruits, en pulpe, en graine et en amande produits par arbre a été déterminée. La détermination du poids (kg) en fruits (sans transformation) et de celui de ses sous-produits en graines, en amande et en pulpe et prenant en compte le prix moyen par kilogramme de ces produits pour un pied de A. digitata a été faite. Les tests statistiques (test de Fisher) de différentes valeurs ont été réalisés à l’aide du logiciel Minitab 16. Ces tests ont permis de déterminer si les variations des valeurs calculées sont significatives ou non.

RÉSULTATS

Produits dérivés de A. digitata commercialisés au Togo

On distingue 7 sous-produits du baobab fréquemment vendus sur les marchés. Les feuilles vendues sous formes fraîches et séchées constituent les sous-produits les plus vendus sur le marché (55 %). En plus des feuilles, on distingue par ordre d’importance: les amandes (22 %), la pulpe (15 %), les graines (8 %) et les graines pulpées (Figure 2).

Commercialisation des sous-produits de A. digitata suivant les régions

L’importance de la vente des sous-produits du baobab varie selon les régions économiques et le type de produit (Figure 3). Les feuilles occupent la plus grande proportion des sous-produits commercialisés dans toutes les régions. Elles sont plus vendues dans la région des Savanes (61,3 %), suivie de la région Maritime (57,3 %) et la région Centrale (53,2 %). Elles sont moyennement vendues dans la région des Plateaux (48,1 %). La région de la Kara est celle où les feuilles sont faiblement commercialisées (38,6 %).

Les amandes sont le second produit le plus commercialisé. Elles sont plus commercialisées dans les régions Maritime (30,9 %) et de la Kara (20,7 %) et moyennement dans les régions Centrale (17,7 %) et des Plateaux (17,0 %). Les plus faibles proportions se retrouvent dans la région des Savanes (4,76 %).

La pulpe est le troisième produit le plus commercialisé sur les marchés. Elle est plus vendue dans les régions des Plateaux (19,4 %) et de la Kara (19,1 %) et moyennement dans les régions des Savanes (14,3 %) et Centrale (13,9 %). De très faibles quantités de pulpe ont été trouvées dans la région Maritime (7,35 %).

Les fruits entiers sont plus vendus dans la région des Savanes (11,3 %) et faiblement commercialisés dans toutes les autres régions (1,47 à 6,33 %). Contrairement aux fruits entiers, les graines sont plus commercialisées dans la région de la Kara (16,3 %), moyennement dans les régions des Plateaux (13,2 %); faiblement au sein des régions Centrale (8,86 %) et Savanes (8,33 %) et très faiblement dans la région Maritime (2,94 %). Les graines pulpées (non débarrassées de la pulpe) sont très faiblement commercialisées au Togo (1,47 % dans la Maritime et 0 % dans les autres régions).

Commercialisation des produits de A. digitata

La commercialisation des sous-produits du baobab varie selon les ethnies (Figure 4). Les feuilles fraîches et sèches, suivies des amandes et de la pulpe sont les sous-produits les plus vendus dans toutes les ethnies. Les Ewé sont de loin l’ethnie commercialisant plus de feuilles fraîches (52,0 %) suivies des Kpéssi (33,3 %), les Moba (33,3 %), les Gourma (30,6 %), les Ifè (30,0 %) et les Akposso (30,0 %). Les feuilles séchées sont commercialisées principalement par les Tchokossi (61,5 %) et les Tem (40,3 %), suivies des Moba, les Akposso, les Gourma, les Bassar et les Peuhls. Les amandes sont plus vendues par les Tem (33,3 %), les Tchokossi (30,8 %) et les Kabyè (24,0 %). La pulpe est plus commercialisée par les Nawdba (21,1 %), les Lamba (21,1 %), les Ifè (20,0 %), les Akposso (20,0 %), les Tamberma (18,5 %), les Kabyè (18,4 %) et les Peuhls (18,2 %) et très faiblement commercialisée chez les Ewé (4,0 %) et les Tem (5,26 %). Les fruits vendus par les Ngangam (12,5 %), les Moba (12,3 %), les Gourma (12,2 %), les Tamberma (11,1 %) et les Konkomba (10,5 %). Les graines sont commercialisées par les Peuhls (18,2 %), les Nawdba (17,3 %), les Kpéssi (16,7 %), les Konkomba (16,7 %), les Kabyè (15,2 %), les Tamberma (14,8 %), les Lamba (14,7 %), les Ngangam (12,5 %), les Bassar (11,1 %), les Gourma (10,2 %) et les Ifè (10,0 %).

L’indice de similarité réalisé sur la base des sous-produits vendus par les différentes ethnies rencontrées est présenté sous forme de dendrogramme sur la figure 5. Les ethnies qui se distinguent des autres sont principalement: les Tem, les Tchokossi et les Ewé. Les Ewé se distinguent par la vente des graines pulpées. Tous les sous-produits à valeurs commerciales se retrouvent auprès des répondants de cette ethnie. La vente de la pulpe se retrouve dans tous les groupes ethniques à l’exception des Tchokossi. C’est l’ethnie ayant le moins de sous-produits vendus: seules les amandes, les graines et la poudre des feuilles y ont été recensées. La vente des fruits, des graines et des graines pulpées ne se retrouve pas chez les Tem.

Mode et circuit de commercialisation des produits dérivés de A. digitata

Le mode de commercialisation de différents produits dérivés de A. digitata se fait par une unité de mesure (Figure 6e) appelée communément le «bol» pour les graines (2 500 g/bol), les amandes (2 100 g/bol), les feuilles sèches transformées en poudre (1 600 g/bol) et pour la pulpe (1 500 g/bol). Les graines, les amandes et les feuilles sèches concassées sont vendues par bol par les grossistes. Ces sous-produits sont vendus ou revendus avec le petit bol (1/4 de bol) appelé communément «agbanvi» en Ewé, en petit tas pour les graines et les amandes dans les marchés locaux, en sachet et avec les petites boîtes de conserve de tomate pour les feuilles sèches concassées et moulues et pour la pulpe. Les feuilles fraîches sont commercialisées en tas (Figure 6a) ou attachées sous forme de gerbe tandis que les fruits entiers sont commercialisés en tas ou par unité (Figure 6d). La pulpe a un champ de vente beaucoup plus grand et elle fait objet de commerce local dans les marchés ruraux, nationaux à travers les marchés de grandes villes du pays. La transaction de la pulpe de A. digitata s’observe au niveau régional avec les pays voisins et au niveau international par les marchés européens et américains où elle est transformée en plusieurs sous-produits comme boissons énergisantes (Figure 6g), sous forme de confitures (Figure 6h).

Le circuit de commercialisation commence dans les marchés ruraux des localités de production où les commerçantes de grandes villes du pays viennent se ravitailler en période d’abondance à des prix relativement plus bas. Ces dernières les revendent sur les marchés des villes du pays à des prix plus élevés aux populations et aux commerçantes des pays voisins (Bénin, Ghana, Burkina Faso). Il est parfois observé sur les marchés locaux, les commerçantes de ces pays voisins venir s’approvisionner directement.

Variation des prix de commercialisation des produits de A. digitata selon les régions

Le bol est l’unité de mesure pour les amandes, les graines, la pulpe et la poudre de feuille d’une part et le tas ou la gerbe pour les feuilles fraîches d’autre part. Le prix des sous-produits du baobab varie significativement entre la période d’abondance (mois de décembre à février pour les fruits et ses dérivés et pendant la période des pluies pour les feuilles) et la période de pénurie. Ces variations diffèrent d’une région à une autre et d’un produit à un autre (Tableau 1). Que ce soit dans la période d’abondance ou de pénurie, les amandes ont plus coûté dans les régions Maritime, Savanes et Plateaux respectivement. Cette tendance reste identique pour la poudre des feuilles et pour la pulpe. Les graines restent le moins chères dans la région Maritime. Par contre, les feuilles fraîches sont plus chères dans la même région que les autres régions du pays. Au sein d’une même région et pour le même produit, les prix varient également en fonction des marchés pour les mêmes périodes.

L’analyse statistique des données montre que le prix moyen des sous-produits du baobab varie significativement entre la période d’abondance et celle de pénurie (Tableau 2). La période d’abondance d’un sous-produit correspond généralement au moment de la récolte de l’organe pourvoyeur. La période d’abondance des feuilles et de leur produit dérivé (poudre de feuilles) coïncide avec la période de la saison pluvieuse et celle des fruits et de ses produits dérivés (pulpe, graines pulpées) coïncide avec celle de la saison sèche (décembre à février), période de récolte des fruits. Le prix des produits est plus bas dans les zones de production (milieux ruraux) et croît vers les villes moyennes et les grandes villes. Les sous-produits qui étaient vendus à un prix relativement moins cher pendant la période d’abondance, sont vendus beaucoup plus cher dans la période de pénurie. Le taux d’augmentation est de 27,6 %; 105,9 %; 185,2 %; 53,3 %; 166,7 %; 67,4 % et 60,6 % respectivement pour les amandes, les feuilles fraîches, les fruits, les graines, les graines pulpées, la poudre de feuille et la pulpe.

Valeur économique moyenne annuelle issue de la commercialisation des fruits par un pied de A. digitata

La vente des fruits (sans transformation) et de celui de ses produits dérivés (graines, amande et pulpe) en prenant en compte le prix moyen par kilogramme pour un pied de A. digitata (Tableau 3) est de: 116 958; 47 424; 74 277 et 95 076 respectivement. Il est préférable aux producteurs de fruits de les vendre sous forme transformée en pulpe et amande (169 353 F CFA) (Tableau 4).

DISCUSSION

Plusieurs travaux ont illustré l’importance du commerce des produits issus des fruitiers sauvages ou domestiqués pour les groupes socioculturels (Codjia et al., 2003; Atato et al., 2019; Samarou et al., 2022a). En Afrique de l’ouest, les produits de baobab jouent un rôle important dans les marchés locaux (Shackleton et al., 2007; Assogbadjo et al., 2008).

La présente étude ressort la valeur économique des sous-produits du baobab au Togo. La variation des prix est fonction des périodes d’abondance et de pénurie. La pulpe est le sous-produit du baobab qui présente le plus fort potentiel économique au Togo suivi de l’amande. Ce résultat est similaire à celui trouvé par Diop et al. (2005) qui ont montré que la pulpe du fruit du baobab présente le plus fort potentiel économique. Au Mali, la pulpe du fruit de baobab est l’un des produits forestiers non ligneux ayant plus de valeur économique atteignant quelquefois 10 fois le prix du petit mil (Gustad et al., 2004).

Les considérations culturelles et les habitudes alimentaires affectent les modes d’utilisation des sous-produits du baobab (Kebenzikato et al., 2006). Les considérations culturelles expliqueraient aussi la valeur commerciale des amandes chez les Tém, les Tchokossi, les Kabyè, les Lamba et les Nawdba qui sont toutes consommatrices de l’amande. En dehors du facteur culturel, les considérations sociales y interviennent. Les produits et dérivées de baobab étaient considérés autrefois dans la partie méridionale du Togo comme un aliment du pauvre. La commercialisation de ces sous-produits n’a pris d’essor que récemment. Cette observation est comparable aux études de Bationo et al. (2010) qui ont démontré la fonction socioculturelle du baobab au Burkina Faso.

Les produits dérivés du baobab contribuent à l’économie de petits agriculteurs en leur procurant de revenus non négligeables à travers la commercialisation de leurs produits. Selon Gockowski et Ndoumbé (2004), le commerce des feuilles contribue à l’équilibre nutritionnel et procure de revenus. Au Togo, la production moyenne en fruits d’un pied de A. digitata génère en valeur économique 116 958 F CFA en fruits sans être transformés, mais lorsque le producteur décide de les transformer, il obtient 95 076 F CFA en pulpe, 47 424 F CFA en graines qui transformées en amandes, génèrent 74 277 F CFA. Un pied de A. digitata ayant produit des fruits, génère en moyenne 116 958 F CFA en fruits sans être transformés, mais transformés, ils génèrent 169 353 F CFA en pulpe et en amande ou 142 500 F CFA en pulpe et en graines. Ces résultats se rapprochent de ceux d’Assogbadjo (2006) au Bénin où, 200 tonnes de graines pulpées, 10 tonnes de pulpe et une tonne de feuilles génèrent jusqu’à 15 millions F CFA; 400 000 F CFA et 200 000 F CFA respectivement pour les acteurs de cette filière. De même, les travaux d’Alioune et al. (2018) révèlent que la pulpe du fruit de baobab aurait le potentiel d’engendrer un milliard de dollars à l’Afrique, chaque année malgré l’impact du changement climatique sur la distribution du baobab.

La commercialisation de ces sous-produits forestiers est généralement caractérisée par de circuits courts (Fleury et al., 2003). Que ce soit en période de pénurie ou d’abondance, le circuit de commercialisation des produits et dérivées de baobab est caractérisé par le circuit indirect avec présence d’intermédiaires entre producteurs et consommateurs. Ceci est confirmé par Dourma et al. (2018) et Samarou et al. (2022a) qui soulignent que l’intervention des différents intermédiaires est le témoin d’un réel engouement suscité par l’exploitation des PFNL. Il est alors évident que le marché des sous-produits du baobab soit classé dans le type oligopsone d’après Albertini et al. (1992). Le type oligopsone est caractérisé par la gouvernance des prix par un petit nombre d’acheteurs qui est face à un grand nombre de vendeurs. Ce type de marché a pour conséquence de limiter la capacité de production des acteurs malgré l’existence d’un potentiel de ressources inexploitées.

De nos jours, l’on remarque la non-prise en compte de ces produits dans les différents programmes nationaux. Cependant, des efforts considérables sont faits concernant l’intégration des produits de baobab dans l’espace commercial européen (Buchmann et al., 2010). Un tel type de commerce vers l’espace européen pourrait créer des opportunités d’emplois tant en milieu rural qu’urbain. Ce qui élargirait les filières de commercialisation des produits de baobab.

CONCLUSION

La présente étude s’est intéressée à la commercialisation des sous-produits dérivés de A. digitata au Togo. Les résultats obtenus illustrent que le commerce des produits et dérivées de baobab est pratiqué par les femmes qui sont les principales actrices. Les prix varient en fonction des périodes, de la disponibilité de la ressource et du lieu. Les feuilles, la pulpe et les amandes ont plus de valeur économique. Le circuit de commercialisation des sous-produits du baobab est caractérisé par l’exercice des activités informelles avec des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs finaux. La filière des produits issus du baobab a un potentiel économique non négligeable pour les ménages. La fréquence de la commercialisation de différents produits de A. digitata varie selon les ethnies et selon la nature des produits. Ainsi, la fréquence de vente des feuilles fraîches et sèches est beaucoup plus élevée dans toutes les ethnies suivies des amandes et de la pulpe. En vue d’assurer une meilleure gestion et valorisation du baobab, il est nécessaire de prendre en compte l’espèce dans les programmes de plantation des espèces ligneuses au Togo.

RÉFÉRENCES

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Publié-e

16-09-2023

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie

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