Analyse fréquentielle du développement des ravins dans le semi-aride tunisien
DOI :
https://doi.org/10.5281/zenodo.8272538Mots-clés :
Télédétection ; érosion ravinane ; probabilité d’occurrence ; semi-aride tunisien ; analyse fréquentielle ; facteurs contributifs.Résumé
L'érosion ravinante constitue un risque important dans les pays méditerranéens, notamment au centre de la Tunisie en raison des conditions climatiques et des activités humaines. La présente étude a pour objectif de prédire le processus de ravinement dans le bassin versant Merguellil, un bassin représentatif du semi-aride tunisien. La méthode employée pour calculer la probabilité d'apparition des ravins repose sur l'utilisation d'un environnement SIG. Elle se base sur la méthode de rapport des fréquences (RF), en utilisant les séparateurs à vaste marge (SVM) pour extraire les ravins de l'image multispectrale Sentinel, ainsi que 16 des facteurs responsables de l'érosion ravinante. Les résultats montrent que plus de 20 % de la superficie totale du bassin est vulnérable, pouvant augmenter le réseau actuel de ravins de plus de 155 km. La probabilité d'occurrence de ravins augmente en fonction de la pente topographique, en particulier en présence de roches avec une texture de sol peu évoluée. Plus encore, l'utilisation des terres agricoles peut également influencer la formation de ravins, notamment pour les zones cultivées et les parcours. L'étude montre que la cartographie de la sensibilité à la formation des ravins peut être automatisée en combinant l'inventaire des ravins et le rapport des fréquences, ce qui permet de produire des cartes utiles pour la gestion et la conservation des terres.
Mots clés: Télédétection, érosion ravinane, probabilité d’occurrence, semi-aride tunisien, analyse fréquentielle, facteurs contributifs
Téléchargements
INTRODUCTION
L’érosion ravinante est considérée comme l’un des processus les plus préjudiciables à l’échelle du bassin versant méditerranéen (Arabameri et Pourghasemi, 2019). Diverses recherches ont démontré que cette forme d’érosion est particulièrement active dans les zones arides et semi-arides en raison de précipitations intenses qui entraînent des ruissellements concentrés. Ces ruissellements ont tendance à réduire la couverture végétale et à appauvrir le sol de sa matière organique (Kumar et al., 2016).
Les ravins sont des formations naturelles en forme de canaux, caractérisées par des dépressions et des incisions profondes. Ils se forment lorsque l’écoulement de l’eau de pluie s’accumule dans des rainures et creuse progressivement le sol, créant ainsi une structure en forme de V avec des côtés abrupts et bien définis (Dube et al., 2020). Ils sont généralement observés le long des voies de drainage où les pentes sont moins prononcées. Leur profondeur peut varier de 30 centimètres à 30 mètres (Imeson et Kwaad, 1980). On peut distinguer deux types de ravins: les ravins continus, qui présentent plusieurs branches reliées entre elles, et les ravins discrets, qui sont indépendants et ne sont pas reliés au cours d’eau principal. L’érosion ravinante est l’une des formes d’érosion les plus destructrices, car elle a des conséquences importantes sur les terres agricoles et les infrastructures hydrauliques. Elle peut entraîner une diminution de la productivité des sols et accroître le risque d’envasement des réservoirs et des oueds (Shahabi et al., 2019).
La problématique de l’érosion ravinante a suscité un grand intérêt dans les régions méditerranéennes. De nombreux chercheurs se sont penchés sur les causes et les mécanismes déclencheurs de ce phénomène, ainsi que sur les conséquences négatives qu’il entraîne (Poesen et al., 2003; El Maaoui et al., 2012; Desprats et al., 2013; Ben Slimane et al., 2018). Les caractéristiques telles que la taille, la forme et la répartition spatiale des ravins peuvent fournir des informations importantes pour évaluer le taux d’érosion ravinante et prédire sa progression. Par conséquent, l’élaboration d’une méthodologie spécifique pour cartographier les ravins et évaluer leurs vulnérabilités potentielles devient essentielle (Azedou et al., 2021). La mise en place d’une telle approche pourrait s’avérer bénéfique pour prévenir les effets néfastes de la dégradation du sol, et permettre aux gestionnaires des terres de développer des stratégies de conservation des eaux et des sols mieux adaptées.
Au cours des dernières années, plusieurs études ont proposé des méthodes cartographiques plus efficaces, notamment l’analyse automatique des images basée sur l’information spectrale des pixels. Cette méthode utilise des techniques de classification d’imagerie satellitaire telles que l’ISODATA, le maximum de vraisemblance (MLC), les séparateurs à vaste marge (SVM) et la distance minimale (MD) pour détecter les similitudes spectrales et cartographier les ravins (Valentin et al., 2005; Taruvinga, 2009; Bouaziz et al., 2011; Desprats et al., 2013; Karami et al., 2015; Pourghasemi et al., 2017). En outre, certains chercheurs se sont intéressés à l’analyse de la sensibilité de l’érosion ravinante en utilisant des méthodes statistiques bivariées et multivariées (Mararakanye et Sumner, 2017; Meliho et al., 2018; Arabameri et al., 2019; Saha et al., 2020). De ce fait, l’approche statistique bivariée est largement utilisée. Elle repose sur des mesures telles que le rapport de fréquences (RF) pour évaluer l’importance des différents facteurs contribuant à l’érosion ravinante. Ainsi, elle permet de comparer leur impact (Pardeshi et al., 2013; Mararakanye et Sumner, 2017).
En général, les études sur les ravins ont tendance à se concentrer sur la détection ou la cartographie de la susceptibilité, sans considérer les liens entre ces deux étapes.
Notre objectif principal dans cette étude est de produire une carte de susceptibilité à l’érosion ravinante et à identifier les facteurs clés de son développement dans le contexte semi-aride tunisien. Finalement, nous proposons des méthodes qui pourraient être utiles pour la prévision et l’évaluation de l’érosion ravinante à l'échelle régionale, en particulier dans les régions méditerranéennes.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Présentation du site de l’étude
Le bassin versant Merguellil est situé au centre de la Tunisie. Il couvre une superficie de 1183 km2. Le barrage El Haouarreb représente son exutoire naturel avec une capacité maximale égale à 95 Mm3 (Figure 1). Ce barrage a été construit en 1989 et retient toutes les eaux de l’oued Merguellil (MARHP, 1989). La forme du bassin versant est presque triangulaire, la base étant en aval. Le cours principal draine la majeure partie du bassin. L’altitude varie entre 200 et 1200 m avec une moyenne de 500 m.
Le bassin versant Merguellil est situé dans une zone semi-aride. Comme tous les milieux méditerranéens et semi-arides, le bassin est caractérisé par une très grande variabilité spatio-temporelle des précipitations (Khemiri et al., 2021). Les pluies annuelles sont faibles, avec une hauteur moyenne de 206 mm dans la plaine et de 450 mm à l’amont (Figure 2,a). Elles sont caractérisées par des événements intenses, notamment au printemps et en automne, entraînant la crue des oueds (INM, 2018). Les débits intermittents de l'Oued Merguellil alimentent le barrage d’El Haouarreb, qui lui-même alimente l’aquifère de la plaine de Kairouan en aval. Cet aquifère est fortement exploité pour l’agriculture irriguée et l’alimentation en eau potable. La température moyenne est de 19,2°C (10,7°C en janvier et 28,6°C en août) tandis que l'évapotranspiration potentielle atteint 1600 mm / an (INM, 2018).
La texture des sols de ce bassin versant a permis une classification en quatre entités pédologiques principales (Figure 2,b). Il existe en effet une alternance de formations calcaires/marneuses donnant des sols limono-argileux avec des argiles actives conditionnant les processus actifs de dégradation des sols. La géologie du bassin versant Merguellil est complexe (Figure 2,c). Elle est principalement composée de formations sédimentaires calcaires, marno-calcaires et marneuses du crétacé et de l’éocène.
Au niveau du bassin versant Merguellil, il existe plusieurs classes de couvertures végétales (Figure 2,d). En effet, nous retrouvons principalement, les forêts, les cultures annuelles, les parcours et l’arboriculture. La conservation des eaux et des sols consiste en banquettes, cordons en pierres sèches et 44 lacs et retenues collinaires. Ces techniques occupent 22% de la superficie du bassin versant (MARHP, 2017).
Le barrage El Houarreb a fait l’objet de cinq campagnes de mesures durant les années: 1994, 1997, 2002, 2006 et 2011. Les observations obtenues ont permis de relever un volume total de vase de l’ordre de 15,9 Mm3, correspondant à un taux moyen annuel de pertes en sol de 15,6 t ha-1 an-1 (DG/BGTH, 2011). Ce taux moyen de perte en sol est supérieur au seuil tolérable déterminé dans la zone semi-aride tunisienne par Masson (1972). En effet, les seuils mentionnés sont de 2,5; 5 et 10 t/ ha/an. Ceci implique que le bassin versant Merguellil présente une zone vulnérable à la dégradation du paysage agricole.
Données utilisées
Les données des pluies annuelles sont issues des observations effectuées dans la station Haffouz. Elles sont obtenues auprès des annuaires pluviométriques de la Direction Générale des Ressources en Eau (DGRE, 2016).
Pour l’inventaire des ravins, nous avons sélectionné des images de Google Earth en ligne et des données satellites multispectrales Sentinel 2A. Google Earth comprend un référentiel de séries chronologiques d’images satellitaires archivées à très haute résolution (généralement environ 0,5 m, telles que WorldView, Pleiades, GeoEye, etc.) en mode visible (RVB), disponible en ligne (https://www.google.com/intl/fr/earth/ date d’accès: 05/10/2020). Les données spatiales Landsat 8 OLI-TIRS (Operational Land Imager- Thermal Infrared Sensor) sont prises le 21/07/2016 selon une résolution spatiale de 30 m. L’image Landsat est téléchargée gratuitement via le site du USGS (https://earthexplorer.usgs.gov/ date d’accès: 03/03/2020). L’imagerie géospatiale est prise pendant le mois de juillet. Cela coïncide avec le début de la saison sèche et la fin de la saison des pluies. Par conséquent, il nous a permis de mieux appréhender les ravins permanents (Latham et al., 2014).
Le modèle numérique de terrain (MNT) est dérivé de la mission SRTM Shuttle Radar Topography Mission data (SRTM), de 1-arc-second for global coverage (~30 meters) et téléchargé via le site du USGS (https://earthexplorer.usgs.gov/ date d’accès: 30/11/2019) (Figure 1).
La modélisation de l’érosion ravinante nécessite une base de données spatiale. Dans cette étude, nous avons identifié 15 facteurs influençant le développement des ravins en se basant sur des études spécifiques (Arabameri et al., 2019). La figure 3 présente la méthodologie suivie pour étudier la susceptibilité de l’érosion ravinante dans le bassin versant Merguellil. Les facteurs contribuant à l’érosion ravinante considérés, sont répartis sur cinq catégories, à savoir, la topographie, l’hydrologie, la pédologie, la géologie et l’environnement (Figure 3).
Facteurs topographiques (Figure 3 et Figure 4):
L’altitude affecte la végétation et les précipitations. Elle contrôle la répartition de l’érosion ravinante (Hosseinalizadeh et al., 2019).
La pente est un facteur important, elle améliore ou atténue l’énergie des processus érosifs et par conséquent l’érosion ravinante (Arabameri et al., 2019).
L’indice d’aspect du terrain représente la direction de la pente. Il est exprimé en degrés. La direction commence par le nord et dans le sens horaire, variant de 0 ° à 360°. L'aspect peut indirectement influencer les processus d'érosion ravinante. Il contrôle l’exposition à plusieurs conditions climatiques (intensité des précipitations, la durée d’exposition à la lumière, etc.) et la couverture végétale. La carte d’aspect est classifiée en cinq classes où les régions plates sont considérées comme négligeable (Dai et al., 2001).
La courbe de profil provoque la convergence ou la divergence du ruissellement sur les pentes et sur le flux descendant (Hosseinalizadeh et al., 2019).
L’indice d’humidité topographique (TWI) est crucial pour identifier les zones vulnérables au développement des ravins (Hosseinalizadeh et al., 2019).
L’indice topographique LS mesure la combinaison de la longueur de la pente (L) et de l’inclinaison de la pente (S). La longueur de la pente mesure la distance entre la limite supérieure de la parcelle de terrain et le point où l’eau de ruissellement commence à se concentrer au niveau d’un élément du réseau hydrographique. C’est un facteur qui agit directement sur les pertes en sol en fonction de la géologie, de la nature des sols et de la protection par la couverture végétale. Les fortes pentes avec un écoulement rapide sont en général à l’origine d’une érosion importante. Le facteur LS est calculé pour chaque parcelle à partir du modèle numérique de terrain avec le logiciel System for Automated Geoscientific Analyses.
L’indice de la position topographique (SPI) est dérivé de la pente et de la région contributive à l’accumulation de flux d’eau. Cet indice fournit une corrélation entre les voies d’écoulement de l’eau, les accumulations et les pentes qui définissent l’ensemble du potentiel énergétique de l’eau superficiel pour l’érosion ravinante (Meliho et al., 2018).
Le facteur de la courbe planiforme (PC) indique la convexité et la concavité des pentes. Il compare la hauteur de chaque pixel du MNT à la hauteur moyenne des pixels qui l’entourent (Althuwaynee et al., 2014). Le facteur PC permet de classer la morphologie du terrain. Les valeurs négatives dénotent d’une courbure convexe, tandis que les valeurs positives sont pour une courbure concave (Alhaskeer et al., 2014).
Les facteurs TWI, SPI et PC sont calculés par les équations suivantes:
Avec As est la superficie spécifique du bassin (m);
β est l’inclinaison de la pente (degré);
X l’élévation de chaque cellule voisine à une cellule spécifique (0,0) (m);
max et min sont les altitudes les plus grandes et les plus petites parmi les neuf pixels voisins.
Facteurs hydrologiques (Figure 3 et Figure 2)
La carte des précipitations moyennes est préparée par la méthode de krigeage (Figure 2,a). Le choix de cette méthode se base sur son aptitude à minimiser la variance d’erreurs (Arabameri et al., 2019).
Les ravines sont souvent liées au réseau de drainage où ils facilitent le transport des matériaux érodés. La densité de drainage (DD) (Figure 5, d) la plus élevée génère plus d’apports de ruissellement superficiel. La couche de la densité de drainage est extraite moyennant le réseau hydrographique.
Facteurs pédologiques (Figure 2,b)
Facteurs géologiques (Figure 2,c)
La géologie du terrain est un facteur capital dans la formation des ravins en raison de ses impacts directs sur la fertilité du sol et l’écoulement surfacique (Casali et al., 2003).
Facteurs environnementaux (Figure 3 et Figure 5)
L’occupation des sols a, un impact sur la stabilité des pentes et la formation des ravines. Les sols nus sont très sensibles à l’érosion hydrique. Néanmoins, la végétation protège le sol de nombreux types d’érosion. Par conséquent, elle peut diminuer la vulnérabilité de la zone.
L’indice de végétation normalisé (NDVI) permet d’évaluer l’importance de la biomasse et l’activité chlorophyllienne (Rouse et al., 1973). La figure 5, b illustre la répartition spatiale de l’indice NDVI dans le bassin versant Merguellil.
NDVI = PIR- R / PIR + R (4)
Avec PIR la bande spectrale infrarouge et R la bande spectrale rouge.
L’indice de teneur en eau normalisé (NDWI) est basé sur le proche infrarouge et le moyen infrarouge (Gao 1996). Il est très sensible aux changements dans la teneur en eau liquide de la végétation (Figure 5, c). En effet, il varie en fonction de la teneur en eau des feuilles. Il est par conséquent très utile pour le suivi de la végétation en zone sèche. Les ravins provoquent une augmentation de la rétention d’eau et, par conséquent, des quantités d’eau pour les plantes. Ainsi, nous retrouvons un NDWI plus élevé dans les ravins les plus profonds (Helman et Mussery, 2020).
NDWI = PIR- MIR / PIR + MIR (5)
Avec: PIR est la bande spectrale infrarouge; MIR est la bande spectrale du moyen infrarouge.
L’indice NDWI pour le bassin versant Merguellill est représenté dans la figure 5, c.
Cartographie automatique des ravins
L’inventaire automatique des ravins dans cette étude s’est basé sur les pixels supervisés avec le séparateur à vaste marge (Support Vector Machine, SVM) dont son algorithme est intégré dans l’outil OTB (Orfeo ToolBox) du QGIS.
La classification des ravines est effectuée pour chaque date d’acquisition (2016) en utilisant les données de référence. Ces données se présentent sous forme de polygones pour le traitement et la validation de l’image satellitaire Sentienl 2A.
Le nombre total de points de référence collectés est 20549 pixels, dont 15807 pixels sont utilisés pour la classification et 4742 pixels sont utilisés pour la validation. Ces pixels représentent environ 77 % des pixels de toute la zone d’étude.
Les résultats de la classification sont évalués par le logiciel QGIS pour vérifier la concordance entre la classification supervisée et la réalité du terrain prise à l’aide de points de références sélectionnés au hasard (Gedefaw et al., 2020).
Dans cette étude, nous avons calculé les mesures de précision telles que: les précisions totales, les coefficients kappa, les précisions de l’utilisateur et du producteur. Par conséquent, une matrice d’erreur de la classification d’occupation des sols est générée.
Le coefficient kappa représente la concordance entre les ravins classifiés et les points de référence. Ce coefficient est exprimé par l’équation 6.
Avec P (0) est l’accord observé et P (E) représente l’accord attendu.
La carte d’inventaire des ravins pour l’image satellitaire Landsat 8, est élaborée moyennant la méthode de la classification automatique SVM (Figure 6).
Les résultats montrent que les petits et les grands ravins occupent 6,67 % de la superficie totale du bassin versant Merguellil (Figure 6).
L’évaluation de la classification des ravins dans le bassin versant de Merguellil, s’est faite par le calcul des matrices d’erreurs à partir des ravins numérisés manuellement via Google Earth. Les zones de validation peuvent se caractériser par trois niveaux de ravins différents à savoir: fort, moyen et faible. Les ravins numérisés manuellement sont au nombre de 998 (Figure 6). L’évaluation de la classification des ravins est illustrée dans le tableau 1.
La précision globale de la classification des surfaces caractérisées par le développement des ravins, dépasse 90%. Par conséquent, la classification supervisée des ravins dans le bassin versant Merguellil satisfait les exigences de précision de la méthode SVM.
Analyse fréquentielle de l’érosion ravinante
L’analyse fréquentielle de l’érosion ravinante dans le bassin versant Merguellil, est effectuée moyennant l’approche statistique bivarié via le rapport de fréquence (RF).
La méthode RF calcule la densité des ravins dans chaque classe des facteurs contributifs (Lee et Talib 2005).
Avec Npix(1) égal au nombre de pixels contenant les ravines dans une classe; Npix(2) égale au nombre total de pixels pour chaque classe dans toute la zone; ∑Npix(3) égale au nombre total de pixels contenant les ravins; ∑Npix(4) égale au nombre total de pixels dans la zone d'étude.
Le ratio de la probabilité d’occurrence d’un ravin (PR) est calculé pour chaque classe des facteurs contributifs. Ce calcul s’est effectué par la combinaison entre la carte d’inventaire des ravins et les cartes des facteurs RF (Pradhan et Lee 2010).
Avec SA est l’indice de l’association spatiale (RF) des facteurs spatiaux et des ravins.
La probabilité d’occurrence d’un ravin est considérée: Très élevée si PR > 0,8; Élevée si 0,6 ≤ PR< 0,8; Modérée si 0,4 ≤ PR < 0,6; Faible si PR < 0,4.
La méthode de validation de l’aire sous la courbe caractéristique de fonctionnement du récepteur (AUC) est sélectionnée pour la validation des performances de la carte de successibilité dérivée du modèle FR. La méthode AUC est largement utilisée pour évaluer le pouvoir prédictif des modèles et la qualité d’une classification. Certains auteurs ont tenté d’interpréter les valeurs de la méthode AUC. En effet, si AUC > 90 %, ceci indique une prédiction parfaite du modèle; 80% < AUC ≤ 90% indique une bonne prédiction; 70% < AUC ≤ 80% indique une prédiction modérée; 60% < AUC ≤ 70% indique une mauvaise prédiction et AUC ≤ 60% indique une invalidité (Azedou et al., 2021).
RÉSULTATS
Cartographie de la susceptibilité des zones potentielles au développement des ravins
La répartition spatiale des zones susceptibles au développement des ravins dans le bassin versant Merguellil est présentée dans la figure 7.
Nous observons que les ravins se répartissent en quatre classes de sensibilités (Figure 7), selon leurs valeurs de probabilité d’occurrence (Pr). En effet, cette dernière probabilité est définie comme suit: une classe faible (Pr < 0,4), modérée (0,4 < Pr < 0,6), élevée (0,6 < Pr < 0,8) et très élevée (Pr > 0,8).
Les zones sous la courbe ROC (Receiver Operating Characteristic) indiquent que la précision de prédiction globale pour le modèle de susceptibilités des ravins basée sur l’extraction des ravines par la méthode automatique SVM, est égale à 87 % (Figure 8).
Les résultats de la cartographie des zones potentielles au développement des ravins montrent que 35 % de la superficie totale de la zone d’étude correspond à une classe modérée. La classe de faible potentielle au développement des ravins représente 18 % de la superficie du bassin. Les zones vulnérables occupent presque la moitié de la superficie totale du bassin, à savoir 25 % pour la classe de sensibilité élevée et 22 % pour la classe très élevée, situées dans le Nord et le centre du bassin versant Merguellil.
Les facteurs contributifs au développement des ravins, utilisés dans la présente étude ainsi que leurs probabilités d’occurrence sont illustrées dans la figure 9.
La probabilité d’occurrence des ravins augmente avec le gradient topographique (Figure 9). En effet, la répartition spatiale des zones potentielles aux développements des ravins est importante dans les endroits à pente abrupte.
Le facteur géologique a une influence significative sur la distribution spatiale des ravines, en particulier dans les zones où les affleurements des roches qui se caractérisent par un type fersiallitiques, sont les plus sujets aux développements des ravins (Figure 9).
En revanche, les ravins se développent dans les zones convexe et concave. Et plus probable sur les surfaces concaves, dans les zones qui se caractérisent par un indice de position de topographie (SPI) élevé, là où il y a une puissance du ruissellement.
L’initiation des ravins s’est avérée être associée à des utilisations spécifiques des terres agricoles, principalement celles cultivées, ainsi que les parcours dans les endroits de pente moyenne égale à 4%.
DISCUSSION
La précision plus élevée de la classification des ravins est liée à leur traitement séparément et indépendamment du sol nu et de la végétation lors de la sélection des zones d'entraînement. Ce type de traitement est suggéré par Mararakanye et Nethengwe (2012) vue que la précision est largement influencée par la complexité de la réflectance du spectre des ravins et sa distinction avec l’environnement. A savoir que, la signature spectrale des ravins varie selon la couverture végétale (Taruvinga 2009). En effet, la signature spectrale du sol nu dépend de sa teneur en humidité, de sa matière organique, de sa texture, de sa structure et de sa teneur en oxyde de fer (Aggarwal, 2004). Les caractéristiques spectrales de la végétation varient avec la longueur d’onde et les feuilles des pigments végétaux. Ces feuilles absorbent fortement les longueurs d’onde rouge et bleu, mais reflètent les longueurs d’onde vertes et proche infrarouge (Mararakanye et Nethengwe, 2012). En outre, dans certaines zones, une distinction entre les classes spectrales de la couverture des sols similaires ont conduit à des précisions plus faibles.
L’occurrence des ravins croit avec l’augmentation du gradient topographique (Figure 9). En effet, la répartition spatiale des ravins est plus importante dans la partie des pentes abruptes. Les ravins peuvent se développer sur des pentes faibles, dans un matériau fissuré en surface, soit sur des sols riches en argiles gonflantes (vertisols, sols bruns, etc...), soit sur des marnes riches en gypse ou en d’autres minéraux solubles (Bouzaiane et Laforgue, 1986). En outre, les régions méditerranéennes semi-arides se caractérisent par des précipitations relativement faibles et souvent torrentielles, fréquentes en automne, lorsque le couvert végétal est absent. Les facteurs climatiques jouent un rôle primordial dans le développement des ravins. Lors des orages à la fin de la saison sèche, les eaux pénètrent dans ces sols fissurés jusqu’à la roche altérée, ruissellent dans ces fissures jusqu’en bas de pente où elles peuvent former des ravines régressives. Ce processus peut progresser de quelques dizaines de mètres au cours des grosses averses. De plus, certains chercheurs concluent que la dégradation du couvert végétal par le feu ou le surpâturage, l’extension de cultures peu couvrantes sur des sols fragiles ou l’imperméabilisation de surfaces par le piétinement du bétail et des hommes augmentent le ruissellement et les risques de ravinement.
L’initiation des ravins s’est avérée être associée à des utilisations spécifiques des terres agricoles, principalement les terres cultivées, les parcours et les terres arables dans les sites en pente (4% en moyenne). Ceci confirme l’hypothèse que la progression de l’érosion ravinante dans les parcours sont parmi les plus élevés (surtout dans le bassin méditerranéen). En effet, dans cet environnement, nous observons une combinaison de conditions de sol nu, de faible protection de la végétation, de zones de pentes et de facteurs anthropiques, à savoir la pression de pâturage et une modification récente des pratiques culturales (sens et type de labour).
Considérant que la recherche sur l’érosion ravinante est très limitée dans le semi-aride tunisien, une étude préliminaire s’est avérée nécessaire afin d’obtenir une évaluation approximative de la situation.
Nos résultats démontrent que l’ensemble du processus de cartographie de la sensibilité au développement des ravins peut être automatisé en combinant l’inventaire des ravins et l’approche statistique Ratio Fréquence, moyennant les images multispectrales.
La télédétection employée dans le présent travail a identifié une technique d’étude et de surveillance liées au développement des ravins dans le semi-aride tunisien. L’interprétation visuelle avec Google Earth et la classification pixélisée avec le SVM se sont avérées efficaces pour détecter et identifier les ravins et être utilisées comme point de départ pour l’analyse fréquentielle de cette érosion ravinante.
En définitif, l’inventaire des ravins et la carte de susceptibilité peuvent être utiles pour conseiller les agriculteurs afin qu’ils puissent mettre en œuvre des pratiques de gestion appropriées dans les environnements semi-aride comme la région de Kairouan.
CONCLUSION
Dans cette étude nous avons effectué une analyse fréquentielle du développement des ravins moyennant l’évaluation des facteurs contributifs et les zones susceptibles au développement de ravins dans le bassin versant Merguellil, via la méthode de rapport des fréquences. Les résultats montrent que le réseau des ravins a affecté plus de 6% de la superficie totale de la zone d’étude. La cartographie de la susceptibilité au développement de ravins présente une précision de prédiction globale élevée (jusqu’à 84%). Les zones vulnérables au développement des ravins pour une probabilité d’occurrence très élevée (Pr > 0,8) occupent plus de 20 % de la superficie totale du bassin et se trouvent dans le Nord et le centre de la zone d’étude. En parallèle, l’étude montre que l'érosion ravinante est influencée par un large éventail de facteurs y compris la topographique, la géologie, la pédologie et l’occupation des sols.
En conclusion, les techniques géospatiales automatisées et leurs raffinements manuels pour cartographier les ravins et l’analyse fréquentielle au développement des ravins sont prometteurs pour une extraction précise des ravins.
Finalement, les résultats de cette étude sont très encourageants et peuvent fournir à la fois une solution viable pour la surveillance opérationnelle, pour un meilleur aménagement du paysage agricole et être considérées comme une source d’information précieuse pour la gestion et la sécurité des ressources en sols.
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