Durabilité écologique des systèmes de culture du riz (Oryza sativa) en bas-fonds dans la commune de Malanville, au Nord Bénin

Auteurs-es

  • ABIKOU Jérôme Michel Laboratoire d’Analyses et de Recherches sur les Dynamiques Economique et Sociale, Faculté d’Agronomie, Université de Parakou, Bénin
  • Josué Yisségnon GOUWAKINNOU Laboratoire d’Analyses et de Recherches sur les Dynamiques Economique et Sociale, Faculté d’Agronomie, Université de Parakou, Bénin
  • Inoussa CHABI SERO Laboratoire d’Analyses et de Recherches sur les Dynamiques Economique et Sociale, Faculté d’Agronomie, Université de Parakou, Bénin
  • Jacob Afouda YABI Laboratoire d’Analyses et de Recherches sur les Dynamiques Economique et Sociale, Faculté d’Agronomie, Université de Parakou, Bénin

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.8001452

Mots-clés :

Agriculture, Riz, Système de culture, durabilité écologique, IDEA, Bénin

Résumé

La durabilité écologique de la riziculture dépend principalement des efforts et des capacités des agriculteurs à faire des actions rationnelles pour la préservation des ressources naturelles. L'objectif de cette recherche est d’évaluer la durabilité écologique des différents systèmes de culture rizicole en bas-fonds. Suivant une démarche méthodologique, 283 producteurs du riz en bas-fonds ont été identifiés de manière aléatoire. Les données ont été collectées par interview directe à l’aide d’un questionnaire structuré et digitalisé sur KoboCollect (système CAPI). Les données ont été analysées suivant une approche descriptive ayant combiné la méthode IDEA illustrée à l'aide d'études antérieures et une régression Tobit. De façon générale, les résultats ont montré que les systèmes de culture pratiqués par les producteurs ne sont pas durables. Néanmoins, le système de culture incorporant plus des pratiques de transition agroécologique (GSP2) se révèle le plus écologiquement durable. Par ailleurs, l’étude montre que le système de culture économiquement efficace se révèle durable écologiquement. L’analyse de la durabilité agroécologique à travers cette étude met en lumière non seulement les pratiques à conseiller aux producteurs dans un contexte de préservation des milieux naturels mais aussi remet en cause l’idée que les pratiques conventionnelles donnent le meilleur avantage économique.

Mots clés: Agriculture, Riz, Système de culture, durabilité écologique, IDEA, Bénin

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INTRODUCTION

Au Bénin comme dans les autres pays en développement, la question de durabilité des systèmes de culture constitue une préoccupation importante, tant pour les décideurs que pour les chercheurs. Quelle que soit la filière, les grands objectifs demeurent: produire notamment pour satisfaire les besoins alimentaires et économiques des communautés rurales et urbaines en croissance tout en préservant les ressources naturelles dans l’intérêt des générations à venir (Erbaugh et al., 2019; GSDM, 2018). L’intérêt à l’agro-écologie est toujours croissant et représente, pour plusieurs acteurs, une approche stratégique qui permettra de mener à bien une transition vers des systèmes agricoles plus durables (Côte et al., 2019). En 2015, l’ODD 2 s’engage à «éradiquer la faim, assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable» d’ici 2030 (Nations Unies, 2020). Dans l’atteinte de cette politique, l'État béninois, à travers le Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole (PSRSA), a fait du riz, une filière prioritaire avec pour objectifs, l’augmentation des superficies et des rendements induisant une forte consommation du riz localement produit. Ces objectifs se fondent sur la croissance démographique et les habitudes alimentaires des béninois basées sur le riz après le maïs. Compte tenu des écarts encore importants entre les rendements réels des agriculteurs (Mueller et al., 2020), cette augmentation attendue pourrait théoriquement être comblée en adoptant des innovations technologiques et des stratégies de production spécifiques et, des intrants plus productifs.

Dans cette optique, l’on engage tous les moyens possibles pour obtenir un rendement plus haut. Cependant, du fait de la pénibilité des opérations, de la rareté de la main d’œuvre pour l’opération de désherbage et autres, les herbicides sont devenus le nouvel outil de travail des producteurs (Mangara et al., 2014). Par ailleurs les producteurs ont davantage recours aux intrants de synthèse tels que les engrais minéraux (NPK et urée) malgré la disponibilité et la fertilité des bas-fonds (Yabi et al., 2017). L’utilisation abusive des pesticides par les producteurs entrave la durabilité de la production du riz dans les bas-fonds et diminue la qualité de ces derniers (Afandhi et al., 2019). Pourtant, Il existe des moyens pour limiter le recours aux pesticides chimiques comme l’usage des biopesticides et des pratiques agro-écologiques (Anupama et al., 2019). Du point de vue théorique du concept de cycle adaptatif (Holling et Gunderson, 2002), les composantes économiques et écologiques des systèmes agricoles (objectifs de production des ménages et configuration du système de production du riz) sont étroitement liées. L’agro-écologie dessine un nouveau paradigme pour proposer des systèmes agricoles durables répondant aux urgences environnementales ainsi qu’aux objectifs de développement durable (Vaarst et al., 2018). Pour la FAO, il faut une intensification agro-écologique de l’agriculture, un moyen de passer à la transition agro-écologique, basé sur des connaissances fortes prônant une gestion optimale de la biodiversité pour améliorer la performance des systèmes agricoles, leur durabilité et le bien-être des agriculteurs (Blanchart et al., 2020). La présente étude vise à analyser la durabilité écologique les systèmes rizicoles de culture en bas-fonds dans la commune de Malanville.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Justification théorique

Pour cerner les apports et les limites de cette étude, la démarche scientifique requiert de faire un travail préalable de discussion des théories existantes (Berque, 2004). Ce travail prête ses bases à trois modèles essentiellement, entre autres la théorie du producteur, la théorie de la transition et la théorie générale des systèmes.

La théorie du producteur répond essentiellement aux questions relatives à la production de biens et de services; quels biens et services sont-ils nécessaires à la production? Quelles quantités de biens et de services peuvent être produites à partir d’une quantité donnée d’autres biens et services? Comment produire efficacement? Cette théorie est-elle orientée vers la maximisation du profit et ne tient pas compte de l’aspect écologique de la production agricole? Par ailleurs, la théorie de la transition se base sur un courant de pensée qui conçoit que, les personnes sur la base de leurs interactions attribuent des significations aux phénomènes vécus qui déterminent leurs actions (Meleis, 2010). Toute transition est un processus, a une direction et entraîne à un changement (Gautier et Jacqmin, 2019). Le producteur passe donc d’une logique qui était autrefois de produire pour maximiser son profit à une autre qui est de produire pour maximiser son profit tout en s’assurant que les générations à venir n’en seront pas pénalisées. C’est une production orientée agro-écologie. Il faut donc faire une transition vers des systèmes de cultures plus durables. A ces théories on peut ajouter la théorie des systèmes pour mieux comprendre le terme système. Le concept «système» a fait objet d’étude pour plusieurs auteurs dont De Saussure qui considère un système comme une «Totalité organisée, faite d’éléments solidaires ne pouvant être définis que les uns par rapport aux autres en fonction de leur place dans cette totalité». En pratique, la théorie des systèmes est adaptée à la modélisation des relations de causes à effets. Elle permet de représenter ou de concevoir la structure des systèmes de cultures et d’en faire des modèles.

Milieu d’étude

L’étude a été conduite dans la commune de Malanville. Cette commune a été choisie sur la base de sa potentialité rizicole au Benin et de sa disponibilité de plus grand périmètre irrigué du territoire national couvrant ainsi 561 ha (Assouma et al., 2019). Située à l’extrême Nord de la République du Bénin dans le département de l’Alibori, la commune de Malanville s’étend entre 11,5 et 12° de latitude. Elle couvre une superficie de 3.016 km2 dont 80.000 hectares de terres cultivables et est bordée dans sa largeur (Est-Ouest) par le fleuve Niger avec ses affluents l’Alibori, le Mékrou et la Sota qui sont en crue durant les mois d’Août et de Septembre. Les sols sont de type gneissique pour la plupart sur le territoire, mais dans la vallée du Niger et ses affluents, on y rencontre des sols sablo-argilo et ferrugineux. La végétation est caractérisée par une savane arborée avec une prédominance des formations herbacées. La carte (Figure 1) présente la commune de Malanville.

Échantillonnage

Les unités d’investigation sont constituées des chefs de ménages, produisant le riz dans les bas-fonds. Un échantillonnage raisonné a permis de sélectionner dans un premier temps quatre arrondissements suivant les critères de la production en bas-fonds et de l’importance de la production de riz et dans un second temps huit villages à raisons de deux villages par arrondissement suivant les mêmes critères. Le choix des riziculteurs a été fait de façon aléatoire simple à partir de la base de sondage réalisé. Un total de 283 riziculteurs a été enquêté à raison de 35 riziculteurs environ, identifiés par village (Tableau 1).

Collecte de données

Les données ont été collectées en deux phases. La première collecte a été de type qualitatif et a consisté à organiser des focus group pour recueillir des informations qualitatives et des données d’ordre général auprès des responsables de producteurs et les agents de l’Agence Territoriale de Développement Agricole de la commune. Au cours de la deuxième phase, les données quantitatives ont été collectées à travers un questionnaire structuré digitalisé sur le serveur kobotoolbox et administré à 283 producteurs de riz en bas-fonds. Les données collectées sont relatives à la durabilité écologique des systèmes de production: composante diversité domestique; composante organisation de l’espace et composante pratique agricole. De plus, les données ont été collectées sur les caractéristiques socio-démographiques des producteurs (sexe, âge, niveau d’éducation/ alphabétisation, appartenance à une association/ groupement, nombre d’années d’expérience en matière de production agricole, fréquence de contact avec un animateur de projet, taille du ménage, division du travail, etc.). Une observation directe sur le terrain a été également valorisée surtout au niveau des pratiques culturales.

Analyse de données

L’approche de l’Indicateur de Durabilité des Exploitations Agricoles (IDEA) est une méthode quantitative de l’évaluation de la durabilité prenant en compte les dimensions écologiques, socio-territoriales et économiques des exploitations agricoles. Vis-à-vis du contexte agricole africain et béninois en particulier, cette approche présente une certaine complexité rendant difficile son application surtout sur les aspects organisationnels et relationnels avec l’environnement institutionnel. Relativement à l’objectif de cette recherche, seule la dimension agro-écologique de l’approche IDAE a été considérée pour apprécier la durabilité écologique des systèmes de cultures rizicoles. Ainsi, plusieurs études (Alidou et Yabi, 2019; Briquel et al., 2001; Castro et al., 2009; Lobietti et al., 2018; Topanou et al., 2015; Vilain, 2008; Zahm, 2013) ont fait objet d’utilisation de la dimension agro-écologique pour apprécier la durabilité dans le contexte agricole béninois. En s’inspirant des travaux de Topanou et al. (2015) et de Alidou et Yabi (2019), les indicateurs de l’IDEA originel ont été soumis aux producteurs à travers des focus group pour une adaptation à leur réalité. Cette activité a permis d’adapter les indicateurs sans pour autant modifier le nombre d’indicateurs et leur note pondérée à l’aide d’un ensemble d’informations précises (Vilain, 2008). La mesure de la durabilité agro-écologique a pris en compte les 18 indicateurs repartis en trois composantes (Tableau 2).

Les analyses statistiques ont été faites à plusieurs niveaux. D’une part, les analyses descriptives à travers les moyennes (écart-type) et les fréquences absolues suivies de test statistique d’ANOVA.

D’autre part, un modèle de régression Tobit a été estimé pour mettre en lumière les facteurs techniques et socioéconomiques déterminant la durabilité écologique des systèmes de production du riz. Le score de durabilité étant une variable quantitative continue observable sur un intervalle, elle n’est pas connue lorsqu’il sort de cet intervalle (Bourbonnais, 2021).

De manière générale, le modèle Tobit s’écrit de la manière suivante:

En considérant un individu «i» avec un score de durabilité Yi, soit une variable latente yi* non systématiquement observable et des variables explicatives xi et, en supposant la normalité des perturbations εi, le modèle s’écrit comme suit:

On suppose ainsi que les variables yi et xi sont observées pour tous les individus, mais que les variables y* sont observables uniquement si elles sont positives.

RÉSULTATS 

Caractéristiques socio-économiques et démographiques des producteurs

Le tableau 3 résume une description statistique des variables qualitatives composant les caractéristiques sociodémographiques des exploitants rizicoles étudiés suivant les systèmes de production identifiés. La population des riziculteurs de l’échantillon est dominante des hommes (74,1%) quel que soit le système. L’agriculture constitue la principale activité génératrice de revenu des producteurs de la commune (97,5%) et plus de la moitié parmi eux bénéficie de l’appui des services de vulgarisation (80,6%) quel que soit le système de production considéré. Cependant une faible minorité (9,2%) parmi eux fait partie des coopératives de producteurs du riz dans la commune. Cette tendance s’explique par le fait que l’étude s’est seulement intéressés aux petits producteurs travaillant dans les bas-fonds non aménagés. Parmi les producteurs enquêtés, seulement 23% parmi eux avaient un niveau d’éducation formelle équivalent au primaire. Ce constat s’explique par le faible intérêt à l’éducation formelle dans les milieux ruraux majoritairement dominés par des activités de production agricole. Notons aussi que les populations rurales dans certaines zones du pays ont un faible accès aux infrastructures scolaires. Lorsqu’on considère l’accès au financement, les producteurs dans l’ensemble ont minoritairement (29,2%) eu accès. Néanmoins, ceux faisant le système de production GSP1 semblent avoir plus accès au financement agricole (48,8%) que les producteurs des autres systèmes. L’accès au financement agricole demeure la principale contrainte des producteurs de la commune.

Le tableau 4 résume la description statistique des variables quantitatives composant les caractéristiques socio-démographiques des exploitants rizicoles étudiés suivant les systèmes de production identifiés. Ainsi, la taille moyenne des ménages est de 10 personnes avec un écart type de 4,88 avec le plus grand nombre adoptant le système GSP 3. Les riziculteurs les plus expérimentés (12 ans d’expérience) sont ceux du GSP2. Le nombre moyen d’actifs dans chaque ménage est estimé à 6,09 (± 3,54). Ce résultat montre que les riziculteurs enquêtés disposent aussi d’un nombre minimum de personnes actives à travailler dans les champs du riz. La superficie disponible par ménage est en moyenne de 2,73 ha dont environ 50% sont exploitées en production pluviale et en culture de contre saison.

Analyse globale de la durabilité écologique des systèmes de production du riz en bas-fond

Le tableau 5 ci-dessous présente les résultats d’analyses de la durabilité écologique des systèmes de production du riz en bas-fonds. Cette appréciation a été faite autour d’un certain nombre d’indicateurs.

Les résultats issus de l’analyse montrent que le score global de durabilité écologique des systèmes de production du riz dans la zone de l’étude est de 47,1 sur un score total de 100 points. Ce score n’est rien d’autre que la contribution de l’ensemble des différentes composantes qui caractérisent l’analyse de la durabilité écologique des exploitations agricoles.

Analyse par composante: Diversité domestique

L’analyse de la diversité domestique prend en compte quatre (04) sous composantes. Il s’agit de la diversité des cultures annuelles ou temporaires en association avec le riz, la diversité des cultures pérennes en association avec le riz, la diversité animale et la valorisation et conservation du patrimoine génétique. Les résultats montrent que la composante de la diversité domestique a obtenu un score total de 14,4 sur un total de 33 points soit 43,7% du maximum théorique. Dans cette composante, l’indicateur de la diversité des cultures annuelles présente un score de 3,71 sur un total de 14 soit 26,5% du maximum théorique. Ce résultat indique la faible diversification des cultures annuelles au sein des exploitations rizicoles de Malanville. Celui de la diversité des cultures pérennes réunit un score de 1,36 sur 14 soit 9,71% du maximum théorique. Ce résultat traduit la faible pratique de l’agro-foresterie et la quasi inexistence des essences forestières dans les bas-fonds rizicoles de la commune. La diversité animale réunit un score de 5,98 sur 14 soit 42,7% du maximum théorique. L’élevage est une activité importante pour les riziculteurs de la commune. On observe pratiquement dans tous les ménages des animaux d’élevage de toute sorte (bovins, ovins et caprins, la volaille, etc). La pratique de cette activité a donc contribué à l’amélioration de ce score.

L’indicateur de la valorisation et conservation du patrimoine génétique présente un score de 3,37 sur un total de 6 soit 56,2% du maximum théorique. L’utilisation des semences locales par une bonne partie des producteurs explique ce score. Les producteurs trouvent l’intérêt d’utiliser les semences locales pour conserver le patrimoine génétique et éviter les effets pervers des semences génétiquement modifiées.

Analyse par composante: Organisation de l’espace

La composante présente un score de 8,39 sur un total de 33 soit un taux de 25,4% du maximum théorique. Les différents indicateurs de cette composante présentent de très faible score par rapport aux scores de références. L’assolement est une pratique qui prône la gestion de la fertilité de sol. Elle implique la diversification des cultures. Le constant est que 100% de la superficie exploitable sont octroyés à la production du riz quel que soit le cycle de production (pluviale, contre saison ou décrue). Ce faible score de l’assolement est le résultat de la monoculture plus pratiquée par les riziculteurs de la commune. En plus de cela, les riziculteurs n’observent pas un bon dimensionnement des parcelles rizicoles. Néanmoins, on note que l’indicateur ’’zone de régulation écologique’’ présente le score le plus élevé dans cette composante, soit un taux maximum théorique de 42,5%. Ce taux s’explique par le fait que les bas-fonds sont pour la plupart des zones humides où est produit le riz par les petits riziculteurs.

Faut-il noter que les producteurs optent de moins en moins pour les matières organiques dans la production? Les producteurs utilisent plus les fertilisants chimiques (NPK et Urée). Le score obtenu a été fortement influencé par les producteurs optant pour le système de production GSP2, incluant plus la pratique de transition agro-écologique (matières organiques, parcage).

Analyse par composante: Pratiques agricoles

Dans cette étude, cette composante présente le score le plus élevé de toutes les composantes de la durabilité écologique des systèmes de cultures du riz en bas-fonds soit un taux de 59,5% du maximum théorique. Les indicateurs gestion du bas-fond, gestion de la ressource en eau et la protection des ressources en bas-fonds ont largement contribué à ce score avec respectivement un maximum théorique de 90%, 64,6% et 83,6%.

Le score élevé de l’indicateur gestion de bas-fonds s’explique principalement par l’observation du traçage du couloir de circulation, la récolte à bonne date par les producteurs. Il s’avère que les producteurs gèrent bien les ressources en eau lorsqu’on se réfère au score obtenu. Ce résultat s’explique par le fait que la production du riz est d’abord basée sur la bonne gestion des ressources en eau. Les producteurs adoptent des pratiques de protection des ressources en bas-fonds. Ceci s’explique par le niveau de score obtenu à travers ce score, et aussi, faut-il noter que les bas-fonds constituent par excellence le premier facteur de production. Cependant, il est important de notifier que ce sont les aménagements sommaires qui sont plus pratiqués et les modes d’irrigations partielles à travers les casiers (petites diguettes). Les types de fertilisation présentent un score en dessous de la moyenne (- de 2,50) et moins de 50% au maximum théorique. Ce résultat s’explique par la forte utilisation des intrants chimiques (NPK et Urée) au détriment des intrants organiques.

La dépendance énergétique présente le maximum théorique le plus faible de la composante (1,50/7). Cette valeur est largement inférieure à celle acceptable, proposée par la méthode IDEA qui est de 200. L’utilisation de motopompe avec de l’essence et l’utilisation des fertilisants chimiques ont largement contribué à ce score.

Durabilité écologique des systèmes de production du riz

Une analyse préalable réalisée par les mêmes auteurs et ayant porté sur la caractérisation des systèmes de production rizicole basés sur la gestion des bas-fonds dans la commune de Malanville, au Nord Bénin a permis d’identifier trois systèmes de cultures. Le premier système est basé sur la gestion d’eau avec des casiers associés à l’utilisation de la semence améliorée en repiquage aligné et épandage unique en fumure de soutien nommé GSP1. Le deuxième système est basé sur la gestion d’eau avec des casiers associés à l’utilisation de semence améliorée en repiquage non aligné associé aux pratiques de parcage et d’apport des matières organiques. Autrement, c’est le système intégrant plus les pratiques d’une transition agro-écologique. Ce dernier est nommé GSP2. Le dernier système est basé sur la gestion mixte d’eau avec combinaison de semences associées à la pratique de la rotation culturale. Ce système est dénommé GSP3.

Les valeurs issues de l’analyse de la variance montrent qu’il existe une grande variabilité (6505 entre les groupes; 82,2 au sein des groupes) statistiquement significative au seuil de 1% (p=0,00; ddl=79,1) entre les systèmes de cultures de la production du riz en bas-fonds dans la commune de Malanville. Il ressort de ce résultat que la durabilité écologique varie largement d’un système de culture à un autre. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les systèmes ne présentent pas les mêmes caractéristiques ou ne se basent pas sur les mêmes principes de fonctionnement ou encore n’exploitent pas les mêmes types de facteurs de production.

Le tableau 6 et la figure 3 présentent les moyennes des scores de durabilité écologique suivant les systèmes de culture adoptés par les riziculteurs.

Le score de durabilité varie suivant les systèmes de culture du riz en bas-fonds. En effet, le système de culture GSP2 présente le score de durabilité le plus élevé (56,8 sur 100). Ce système est celui qui intègre plus les pratiques d’une transition agro-écologique à travers l’utilisation de semences améliorées, l’usage des matières organiques et le parcage. Les deux autres systèmes (GSP1 et GSP3) présentent des scores de durabilité en dessous de 50%. Ce qui traduit que ces deux systèmes ne sont pas écologiquement durables. Néanmoins, il faut retenir que le système GSP3 intègre plus de pratique tendant vers des pratiques écologiques que le système GSP1. Il suit donc le système GSP2 avec un score de 40,2/100.

Facteurs déterminants de la durabilité écologique des ressources en bas-fonds

Les résultats du modèle Tobit estimé est globalement significatif au seuil de 1% (Tableau 8). De plus, les variables explicatives introductives apportent à 24,5% des informations susceptibles d’expliquer la durabilité écologique (F=24,5). Ainsi, seulement les systèmes de culture et l’efficacité économique expliquent significativement le niveau de durabilité écologique des ressources en bas-fonds.

Le système GSP3 basé sur la combinaison des formes de diguettes, la rotation culturale et l’utilisation exclusive des engrais chimiques (NPK et Urée) influence négativement la durabilité écologique au seuil de 10%. Ce résultat traduit que le score de durabilité des ressources en bas-fonds diminue avec l’utilisation du système de culture GSP3. En effet, l’une des caractéristiques principales de ce système est l’usage exclusif des engrais chimiques (NPK et Urée) pour la fertilisation des cultures. Un producteur qui pratique ce système entraîne une diminution de la durabilité de 3%.

L’adoption du système GSP2 prenant plus en compte les pratiques d’une transition agro-écologique influence positivement au seuil de 1% la durabilité écologique. La décision d’un producteur de riz à adopter ce système induit une augmentation de 21% de la durabilité écologique de la riziculture en bas-fonds pour le producteur dans la commune de Malanville.

L’indice d’efficacité économique influe significativement et positivement au seuil statistique de 5% le niveau de durabilité écologique des ressources en bas-fonds. Le niveau d’efficacité économique des systèmes de culture augmente avec la durabilité écologique des ressources en bas-fonds. Le système de culture le plus durable peut aussi se révéler efficace économiquement. Être efficace sous-entend une meilleure combinaison des facteurs de production et l’obtention d’output maximale. Cela suppose aussi la réalisation à temps des différentes opérations d’entretien et une meilleure prise de décision dans l’exploitation.

DISCUSSION

Durabilité écologique des systèmes de culture du riz en bas-fonds

La durabilité écologique des systèmes de culture du riz en bas-fonds dans la commune de Malanville a été mesurée sur la base de trois composantes constituées par des indicateurs spécifiques d’appréciation comme le cas dans les travaux de Alidou et Yabi, (2019); Sero Chabi et al. (2020); Topanou et al. (2015). D’après les résultats, il ressort que les systèmes de cultures pratiqués par les riziculteurs ne prônent pas une durabilité écologique des ressources en bas-fonds (43,1 sur 100). Ces résultats confirment ceux de Alidou et Yabi (2019), ayant montré que les systèmes de cultures d’igname ne sont pas écologiquement durables avec un score de (39,8 sur 100). Ainsi, les composantes prises individuellement révèlent que seulement les pratiques agricoles ont largement contribué à ce score avec une valeur moyenne de 20,2 sur 34. C’est un effort notable qui montre que les producteurs utilisent des pratiques données pour la protection des bas-fonds et des ressources en eau. Cependant, il s’est avéré que les producteurs ne diversifient pas les cultures annuelles et n’observent pratiquement pas l’agro-foresterie. Or d’après les travaux de Jagoret et al. (2019), c’est une pratique qui contribue diversement à la durabilité agro-écologie à travers les principes de la transition agro-écologique. De plus, ces derniers ne pratiquent pas l’assolement et ne respectent pas non plus la dimension des parcelles. Ce qui explique le faible score de la composante diversité domestique (14,4/33) et organisation de l’espace (8,39/33). Les résultats obtenus sont contraires à ceux de Sero Chabi et al. (2020) ayant montré que les systèmes de production à base d’anacardier sont écologiquement durables avec un score de 64,73 sur 100. En effet, les systèmes de production à base d’anacardier sont plus misés sur la diversification des cultures (polyculture) en association avec l’anacardier (agro-foresterie). Cependant faut-il notifier que la composante pratiques agricoles est celle qui a plus contribué au score global de la durabilité écologique comme le cas dans notre étude ?

Lorsqu’on se réfère aux systèmes de cultures, il est remarqué que les scores de durabilité varient considérablement en fonction de ces derniers selon l’analyse des variances. Ainsi, le système de culture GSP2 présente un score de 56,92/100. Ce résultat symbolise que l’observation des pratiques de transition agro-écologique contribuent largement à la durabilité agro-écologique des ressources en bas-fonds. L’utilisation des matières organiques à travers l’utilisation des résidus de récolte et le parcage constitue des pratiques bénéfiques pour la fertilité de sol. Malheureusement moins nombreux sont ceux qui utilisent ces pratiques (-20%). Ces résultats s’accordent avec ceux de Topanou et al. (2015) ayant montré que les pratiques de parcage et de gestion des résidus de récolte contribuent à la protection de la vie du sol. Le système GSP2 est suivi du système GSP3 avec un score moyen de 40,21 sur 100. Ce score pourrait s’expliquer par le fait que ce système respecte certains principes de la durabilité comme la rotation culturale et une gestion d’eau basée sur la combinaison des petites (casiers) et grosses diguettes. Selon Alidou et Yabi (2019); Topanou et al. (2015), la rotation culturale entre en ligne de compte des pratiques de la fertilité des sols. Les pratiques qui stimulent la bonne gestion de la fertilité de sols ont une incidence positive sur la durabilité agroécologique (Abou et al., 2018; Khene et al., 2020).

Déterminants de la durabilité écologique des systèmes de culture du riz en bas-fonds

Les résultats de cette étude révèlent que les producteurs qui pratiquent le système de transition écologique avaient les meilleurs scores de durabilité écologique. C’est le système qui permet le plus de garantie à la durabilité écologique de la production du riz. Dans ce système, les riziculteurs font recours à des pratiques comme le parcage et la fertilisation par matière organique. Les producteurs se sont plus tournés vers ce système du fait des combinaisons des méthodes aussi bien biologiques que chimiques. Ces résultats rejoignent ceux de Zoundji et al. (2022) qui ressortent que toutes les catégories de producteurs enquêtés ont progressivement commencé l’adoption des pratiques de bonne gestion de la fertilité des sols pour la production du riz à cause des changements climatiques. De surcroît, Andrieu et al. (2016) ont rapporté que les pratiques rizicoles les plus récurrentes sont notamment la fertilisation des champs par le «parcage itinérant des animaux» ainsi que la fabrication et utilisation de la fumure organique enrichie. La transition agro-écologique regroupe les pratiques nécessaires permettant de relancer le secteur de la riziculture, qui est en crise depuis plusieurs décennies (Badiane, 2022). Contrairement à ces auteurs Lienhard et al. (2019) ont constaté que les pratiques de transitions agro-écologiques sont peu adoptées par rapport au modèle d’intensification conventionnelle. Cela sous-entend que certains facteurs entraînent une adoption par endroit de certaines pratiques.

L’efficacité économique des systèmes de culture a influencé positivement la durabilité écologique des ressources en bas-fonds. Dassoundo-Assogba et Yabi (2020) ont montré l’effet de l’efficacité économique sur la durabilité écologique. Les résultats de ces auteurs ont montré que les systèmes piscicoles économiquement efficaces sont les plus écologiquement durables. Les producteurs efficaces sont ceux qui participent à la durabilité des systèmes de production dans la commune. Les études de Côte et al. (2019) ont montré qu’il est possible d’obtenir une production agricole écologiquement durable en augmentant la diversité génétique interspécifique (cultures associées, assolements diversifiés, rotations, amendement organique). L’une des pratiques de la transition agro-écologique est l’adoption des semences améliorées. Issoufou et al. (2017) ont aussi constaté que les semences améliorées permettent une production durable de mil du point de vue écologique. De même, le bon choix de facteurs de production constitue un aspect capital de la durabilité agro-écologique (Vilain et al, 2008).

CONCLUSION

Cette étude s’est focalisée sur la durabilité écologique des systèmes de cultures en bas-fonds rizicole dans la commune de Malanville, au Nord Bénin. Les résultats ont montré que les systèmes de cultures du riz en bas-fonds ne sont pas durables écologiquement dans la commune de Malanville. Cependant, la durabilité écologique varie suivant les systèmes de culture. Le système respectant plus les pratiques d’une transition agro-écologique sont les plus durables. Par ailleurs, la durabilité écologique est influencée par l’efficacité économique des systèmes de cultures et le système de culture le plus efficace se révèle être le plus écologiquement durable. Ce résultat remet en cause les constatations selon lesquelles les pratiques conventionnelles sont plus économiquement efficaces que les pratiques agro-écologiques. Toutes fois, une étude dans d’autres régions de production du riz au Bénin pourrait permettre de confirmer ces résultats. La prise en compte des constats issus de cette étude pourra aider à mieux orienter les actions de sensibilisation, d’informations et de formations à l’endroit des producteurs sur les systèmes durables et leur mise en œuvre.

RÉFÉRENCES 

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Publié-e

15-06-2023

Numéro

Rubrique

Économie Agricole et Rurale

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