Déterminants du recours des producteurs aux sources de financement dans la production du soja au Centre et Nord-Est du Bénin

Auteurs-es

  • Soufiane Assouma T. KOUCHELE Université de Parakou, Faculté d’Agronomie, Laboratoire d’Analyse et de Recherches sur les Dynamiques Économiques et Sociales, Parakou, Bénin
  • Innocent LABIYI Université de Parakou, Faculté d’Agronomie, Laboratoire d’Analyse et de Recherches sur les Dynamiques Économiques et Sociales, Parakou, Bénin
  • Jacob Afouda YABI Université de Parakou, Faculté d’Agronomie, Laboratoire d’Analyse et de Recherches sur les Dynamiques Économiques et Sociales, Parakou, Bénin

Résumé

Les inégalités socioéconomiques chez les producteurs et l’inadaptation des services offerts par les institutions de microfinance aux populations rurales influencent la problématique du financement de la production de soja. Cette recherche analyse les facteurs influençant les différentes sources de financement dans la filière soja dans le Pôle de Développement Agricole 4 (PDA4) au Bénin. Les données ont été recueillies à l'aide de questionnaires administrés à 720 producteurs de soja choisis de façon aléatoire simple. Un modèle Probit multivarié a été estimé pour identifier les facteurs influençant l’adoption des sources de financement agricole. Il ressort des résultats obtenus que le sexe du producteur (masculin) et la formation influencent significativement le recours des producteurs de soja à l’autofinancement. L’appartenance du producteur à une organisation, son contact avec un service de vulgarisation et l’utilisation des engrais chimiques déterminent significativement son recours à une source de financement extérieur. Le recours au financement mixte est positivement et significativement influencé par l’utilisation de l’inoculum et l’expérience dans la production de soja. Par conséquent, les organisations autour de la filière soja pourront utiliser les résultats de cette recherche pour renforcer la durabilité de la filière soja au Bénin.

 Mots clés: Adoption, financement agricole, filière Soja, Probit Multivarié, ATDA4-Bénin

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INTRODUCTION 

Le secteur agricole dans les pays en développement nécessite une aide de financement pour l’émergence de l’agriculture. En effet, plusieurs auteurs ont montré dans les travaux antérieurs l’importance de l’accès aux crédits des producteurs pour l’amélioration de la productivité et par ricochet à la sécurité alimentaire. Il est admis que l’accès des pauvres au crédit est une des conditions indispensables à la réduction de la pauvreté dans les pays en développement (Soro, 2014).

Au Bénin comme dans la plupart des pays en voie de développement, le financement agricole occupe une place importante et originale (Bertrand et al., 2005). Au lendemain de l’indépendance, le modèle public traditionnel de financement s’épuise. Le Gouvernement Béninois, ne pouvant plus assurer seul cette fonction, a incité à la création de nouveaux mécanismes de financement associant plus étroitement le secteur privé, bancaire, industriel et commercial. Mais ces systèmes ont connu de difficulté à rendre facilement leurs services aux agriculteurs pour des raisons du manque des garanties suffisantes, des coûts liés à des transactions très élevés, et surtout le statut des agriculteurs béninois qui ne leurs permet pas d’accéder facilement à ces financements. De ce fait, à partir de 1990, le Bénin a assisté à la libéralisation des activités du secteur avec comme corollaire une multiplication des intervenants non étatiques à l’instar des ONG de développement (Wampfler, 2000). Les institutions de crédit direct, les caisses rurales, les coopératives ou mutuelles d’épargne et de crédit, les activités de microfinance des projets et ONG sont toutes incluses dans les Institutions de Microfinance (IMF) (Allagbé et al., 2004). Ces IMF sont encore appelées Services Financiers Décentralisés (SFD) telles que l’AGRI-FINANCE, la CLCAM, le PADME, le CAVECA et SIANSON, y compris les systèmes informels. Les institutions traditionnelles de financement des systèmes informels sont: usuriers, tontines traditionnelles et banquiers ambulants. Ces dernières relèvent également du secteur de la microfinance mais elles sont plutôt informelles, étant donné qu’elles ne répondent pas aux normes réglementaires ou législatives (Wokou et Sodji, 2021). Le développement de ces microfinances ces trois dernières décennies et leurs succès ont permis de remettre en cause l’idée qu’il est difficile pour les banques d’octroyer des prêts aux pauvres (Soro, 2014).

Par ailleurs, la production de soja demande le financement de trois activités principales: les coûts variables de production, les investissements et la commercialisation de la production. Les ressources financières nécessaires sont considérables car il s’agit d’une culture moderne, intensive en capital et coûteuse. Aussi, le manque d’accès au financement dans ce secteur limite-t-il les producteurs dans leurs accès au paiement des salaires de la main-d’œuvre nécessaire pour les différentes opérations culturales (Flore et Omenguele, 2019); engendre également un accès insuffisant aux informations sur les opportunités de marché (Adjobo et al., 2020). A ce stade, très peu de producteurs sont en mesure de s’autofinancer sur fonds propres et pour faire face à leur besoin en capital, leur choix du mode de financement dépend des sommes accessibles, du coût de l´argent prêté, de la rapidité d´accès à ces sommes et de la relation qu´ils possèdent avec l´agent qui les finance et en générale de leurs caractéristiques socio-économiques.

Dans la littérature, beaucoup d’études ont montré qu’il existe plusieurs formes de financement agricole au Bénin et leur adoption pourrait conduire à une augmentation de la production, une augmentation du revenu et une amélioration de la sécurité alimentaire des agriculteurs (Akounnou et al., 2019; Awo et al., 2021; Egah, 2021). Dans ce cadre, il semble qu’analyser les choix des producteurs de soja en fonction des différentes sources de financement disponibles permettant d’apprécier les déterminants de l’accès ou non à chacune d’elles. La participation ou non à un programme de microfinance peut être influencée par les caractéristiques socio-économiques des ménages mais également par la présence de diverses autres sources de financement auxquelles les ménages peuvent recourir en un lieu donne. Quels sont les facteurs qui influencent l’accès des producteurs de soja au Centre et au Nord Bénin aux différentes sources de financement disponibles ?

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Zone de recherche

La présente étude a été menée au Bénin et plus précisément au niveau du Pôle de Développement Agricole 4. Les communes de Copargo, de Djougou, de N’Dali, de Nikki, de Ouessè, de Bantè, de Glazoué et de Djidja font partis de ce pôle. En effet, le Pôle de Développement Agricole 4 (PDA4) est l’une des régions du pays où la variabilité climatique est très favorable pour la culture de soja. Aussi, dans les politiques de développement agricole, le Pôle de Développement Agricole 4 a été retenu par le gouvernent pour le développement de la filière soja comme une filière locomotive.

La figure 1 présente la représentation graphique du Pôle de Développement Agricole 4 qui regroupe certaines communes des départements du Borgou Sud, de la Donga et des Collines.

Échantillonnage et base de données

Les unités d’observation de la recherche sont les producteurs de soja représentés par le chef d’exploitation. Le Pôle de Développement Agricole 4 a fait l’objet de l’étude. Huit (08) communes ont fait l’objet de cette étude. Il s’agit des communes de Copargo, Djougou, N’Dali, Nikki, Ouessè, Bantè, Glazoué et Djidja. De même, dans chaque commune, trois (03) villages ont été choisis. Ces choix des villages ont été faits sur la base de l’importance de la culture du soja, de leur expérience à la variabilité climatique, de la facilité d’accès dans les milieux et de leur proximité avec les SFD. Par village sélectionné, un échantillon de 30 producteurs potentiels de soja a été constitué de manière aléatoire. Ainsi, au total, 720 producteurs ont été enquêtés. Au niveau de chaque village, le choix des chefs d’exploitation est fait de façon aléatoire et simple à partir de la table des nombres aléatoires (sur la base de la liste des producteurs de soja de chaque village compilé par les services de vulgarisation, les Organisations des producteurs du soja et les SFD).

Collecte de données

Les enquêtes de terrain se sont déroulées en deux phases essentielles: la phase exploratoire et la phase d’étude approfondie. La phase exploratoire, dans un premier temps a été enrichie par les discussions menées avec les différents acteurs impliqués dans la production de soja, dans un second temps, elle a permis de prendre contact avec les autorités politico-administratives, les personnes ressources, les organisations paysannes et enfin de mieux échantillonner la population à enquêter. En ce qui concerne la phase d’étude approfondie, elle a servi à collecter les données et informations qualitatives et quantitatives relatives aux différents aspects de la problématique. Les entretiens individuels et collectifs (focus groups) et les observations ont été les principales techniques utilisées pour la collecte des données.

Les données collectées sont relatives aux caractéristiques socio-économiques et démographiques des producteurs telles que le sexe, l’âge, la situation matrimoniale, le groupe socio-culturel d’appartenance, le niveau d’instruction, l’expérience dans la production du soja, l’appartenance à une organisation de pisciculteurs. Les données relatives à au financement de la filière soja, aux mécanismes et stratégies de financement et à la performance économique de ces producteurs dans la filière soja, aux types de financement, aux inputs et outputs de la production de soja, aux modes de commercialisation, aux prix de vente sous chaque mécanisme de financement, à la quantité de la main d’œuvre pour chaque opération ont été collectées.

Fondements théoriques

Plusieurs théories ont été développées pour appréhender les facteurs de l’adoption et la diffusion des modèles de financement développés à l’égard des producteurs. Parmi ces théories, les plus utilisés sont la théorie de «la diffusion des innovations» de Rogers et la théorie de l’exécution des contrats. Selon Rogers et Shoemaker (1983), l’adoption d’une innovation est perçue comme un processus caractérisé par cinq phases que sont: la connaissance, la persuasion, la décision, la mise en œuvre et la confirmation.

Les incitations de la théorie de l’exécution des contrats peuvent être publiques (telles les formes de recours devant la justice), privées (correspondance entre la teneur du contrat et les conditions de marché à la date de l’échange) ou les deux. Au cours d’un contrat, les deux parties évaluent à tout moment les coûts et les avantages d’une rupture de leur accord (Gow et al., 2000). Une modification inopinée des conditions de marché, de sorte que les avantages que peut apporter le report ou la rupture du contrat sont supérieurs aux pertes de capital et de réputation pour une partie, conduit à un «hold-up» (autrement dit, l’échange sera retardé et le contrat ne sera pas honoré). Inversement, si les avantages estimatifs résultant de modifications inattendues ne dépassent pas les pertes de capital et de réputation, le contrat sera honoré. Gow et al. (2000) appellent « intervalle d’auto-exécution» (self-enforcement range), l’intervalle dans lequel le contrat sera honoré.

Pour Rogers (1995), ce sont les caractéristiques de l’innovation, telles quelles sont perçues par les individus, qui déterminent son taux d’adoption. Cinq attributs caractérisent une innovation: son avantage comparatif, sa comptabilité avec les valeurs du groupe d’appartenance, sa complexité, la possibilité de la tester, et sa visibilité. Rogers classe les individus selon cinq profils types: les innovateurs, les premiers utilisateurs, la première majorité, la seconde majorité et les réfractaires. Ainsi donc, Rogers établit sa théorie sur un ensemble de typologies dans le but de suivre l’évolution du taux d’adoption (qui décrit une courbe en S), considéré comme la variable descriptive essentielle de la diffusion. Ce classement des adoptants en différentes catégories est intégré dans le processus de diffusion sur une échelle de temps. Rogers distingue trois types d’unités de prise de décision à savoir: la décision individuelle, la décision collective et la décision autoritaire.

En résumé, selon Rogers, les facteurs qui influencent le taux d’adoption d’une innovation sont: les caractéristiques de l’innovation, l’unité de prise de décision, le canal de communication, la nature du système social et la compétence du vulgarisateur. L’intérêt majeur de la théorie de Rogers est qu’elle permet de décrire tout le réseau social de circulation d’une innovation au sein d’une société.

Or, selon Van Den Ban (1994), les paysans attachent beaucoup d’importance à leurs sources d’informations. De plus, Rogers ne prend pas en compte les facteurs comme le coût initial de l’innovation, les facteurs liés au risque et les facteurs institutionnels (l’accès au crédit, la disponibilité des opportunités comme le marché) pourtant très important dans le processus d’adoption. En effet, l’influence du coût initial et le risque relatif lié à l’innovation sur son adoption ont été démontrés par Linder et al. (1982); Linder (1987); Tsur et al. (1990); Feder et Umali (1993) et Ghadim et Pannell (1999). Selon ces auteurs, le coût initial de l’innovation est un facteur important qui détermine la décision d’adoption des paysans surtout dans le cas des ménages pauvres. Ceci signifie que lorsque les paysans ont un accès limité au capital, même les innovations les plus profitables ne seront pas adoptées si elles nécessitent un investissement initial élevé. L’influence des facteurs institutionnels a été démontrée par Houndékon et Gogan (1996).

Analyse des données

Pour identifier les déterminants relativement aux différentes sources de financement, une série de questions a été posée aux producteurs de soja. De ces questions, certaines variables discriminantes ont permis de regrouper les producteurs par sources de financement, d’accès aux crédits agricoles à l’aide de l’Analyse Factorielle des Correspondance Multiple (AFCM). Trois sources de financement du crédit par producteurs de soja ont été identifiées dans le PDA4. L’appartenance ou non des producteurs dans l’une ou l’autre de ces sources de financement identifié est suivi par une transformation pour la suite de l’analyse. Chaque groupe qualifié des sources de financement ont été transformés sous forme des variables binaire qui prennent la valeur 1 si le producteur appartient à un groupe et 0 si non.

Le modèle Probit multivarié (MVP) qui est un modèle de régression à réponse binaire est par la suite utilisé pour estimer l’influence observée et non observée de plusieurs variables indépendantes simultanément à la fois sur les variables dépendantes, ce qui a permis aux termes d’erreur de se corréler librement. Plusieurs auteurs l’ont utilisé dans les travaux antérieurs (Piya et al., 2013; Soro, 2014; Yegbemey et al., 2014; Kanyamuka et al., 2020; Adekambi et Sohantode, 2020). Selon Adekambi et Sohantode (2020), le producteur choisira une source de financement donnée, si l’utilité attendue, représentée par est supérieure à celle qu’il tirerait s’il ne l’avait pas choisi, représentée par, soit . L’utilité à maximiser et sur laquelle se fonde la décision du producteur d’opter pour un financement ou non n’est pas observable mais dépend généralement d’un ensemble de facteurs socio-économiques, démographiques et institutionnels et peut être donc représentée par la variable latente comme suit:

Avec le vecteur de paramètres à estimer et la perturbation aléatoire.

Le probit multivarié est une extension du modèle Probit bivarié et applique les techniques de simulation de Monte Carlo pour estimer simultanément le système d’équation de régression probit multivarié (Magnusson et al., 2019)

Les adoptions conjointes pour les trois sources de financement peuvent être modélisées par un système de trois équations dichotomiques Zi comme suit:

De façon empirique, le modèle estimé avec les variables inclues dans les estimations se présente de la façon suivante:

La variable dépendante dans l’équation ci-dessus est une variable dichotomique qui prend la valeur 1 si le producteur i appartient aux sources de financement j (avec j = source d’autofinancement, source de financement mixte ou hybride et source unique dont l’AGRIFINANCE) et 0 si non. Ainsi, pour bien cerner la relation entre les différentes sources de financement, quelques caractéristiques socio-économiques des producteurs de soja sont introduites dans le Modèle du tableau 1.

RÉSULTATS

Dans cette partie, il est présenté respectivement les caractéristiques socio-économiques et démographiques des producteurs et les déterminants de leurs sources de financement dans la production de soja.

Caractéristiques socio-économiques et démographiques des producteurs

Le tableau 2 montre la répartition des enquêtés selon leur sexe et situation matrimoniale. En effet, l’analyse attentive de ce tableau ressort que les chefs d’unités sont en général des hommes soit un taux de 87,6%. Sauf des cas rares où la femme représente le chef de ménage à la suite du décès de son époux ou d’un divorce. Aussi, 96,7% de l’ensemble des enquêtés sont mariés et cette part est presque là même dans toutes les communes d’étude. Les autres statuts tels que célibataire, divorcé et veuf sont très peu représentés.

La figure 2 présente la répartition des producteurs enquêtés selon leur activité principale. En effet, l’analyse de ladite figure révèle que 87,8% des enquêtés ont pour activité principale l’agriculture et que suivent le commerce, l’artisanat/Ouvrier, service/transformation et les autres activités dont les pourcentages sont respectivement de 4,44%, 0,83%, 3,89, 2,08% et 0,97%.

Le tableau 3 présente la répartition des enquêtés selon leur appartenance à un groupement et accès aux crédits agricoles. L’analyse du tableau montre que seulement 22% des producteurs appartenant à un groupement ont accès au crédit agricole dans toute la zone.

Déterminants des sources de financement des producteurs de soja

Pour identifier les facteurs déterminants les différentes sources de financement agricole adoptés par les producteurs du soja, un modèle régression Probit multivarié a été estimé. Les résultats montrent que le modèle est globalement significatif au seuil 1% (P-value < 0,000). Les pourcentages de bonne prédiction sont calculés en se référant aux probabilités prédictives par le modèle et aux probabilités observées. Les variations des variables explicatives introduites dans le modèle permettent d’expliquer 30,7%, 22,9% et 21,3% des variations observées respectivement à la source d’autofinancement, à la source de financement mixte et à la source de financement externe (IMFs). Ainsi, les constantes des modèles de régression estimés sont statistiquement significatives respectivement au seuil de 1% (Tableau 4).

En général, les facteurs déterminant les différentes sources de financement des producteurs de soja sont: le sexe masculin, l’alphabétisation en langue locale, la formation dans la production de soja, l’appartenance à une organisation, la présence des IFM dans la commune, le contact avec un vulgarisateur, la situation matrimoniale (Célibataire et divorcé), la superficie emblavée pour soja, l’expérience dans la production de soja, l’utilisation de NPK et l’utilisation de l’inoculum dans la production.

Sexe masculin

L’analyse des résultats révèle que le sexe masculin a un effet significatif et positif sur les sources de financement externe, en particulier sur les structures de microfinance au seuil statistique de 10%. En effet, le recours aux financements externes (accès au crédit formel par exemple) par les producteurs de soja est positivement corrélé avec le sexe masculin. Ce résultat traduit le fait que la production de soja nécessite d’importance investissement, donc le recours à la structure de microfinance s’avère indispensable pour répondre non seulement aux besoins de la production mais aussi ceux de la famille. En plus, les producteurs de sexe masculin sont naturellement enclins à remplir le processus administratif au niveau des Services Financiers Décentralisés (SFD).

Alphabétisation en langues locales

L’alphabétisation des producteurs de soja en langue locale influence négativement la source de financement mixte et positivement la source de financement externe respectivement aux seuils de 10% et 1%. En effet, plus les agriculteurs sont alphabétisés en langues locale moins ils font recours à la source de financement mixte. L’alphabétisation apparaît exclusivement comme un facteur déterminant des sources de financement dans le PDA4.

Formation dans la production de soja

La formation dans la production de soja affecte négativement et significativement la source de financement mixte et positivement la source de financement externe au seuil de 1%. Ceci signifie que plus les producteurs sont formés sur les techniques de production de soja et la gestion financière, moins ils font recours à la source de financement mixte pour répondre aux besoins nécessaires de la production.

Appartenance à une organisation ou groupement

L’appartenance à une association ou groupement par les producteurs de soja affecte négativement et significativement l’autofinancement agricole et positivement le recours à la source de financement externe respectivement aux seuils statistiques de 1% et 5%. En effet, l’appartenance à une organisation est l’une des stratégies à moyen et à long terme fortement utilisée pour avoir accès aux crédits agricoles.

Présence des IMFs dans la commune

La présence des IMFs dans une zone affecte négativement et significativement l’autofinancement agricole au seuil statistique de 5%, mais affecte positivement et significativement le recours des producteurs à la source de financement mixte au seuil de 10%. Ainsi, l’absence des services financiers décentralisés ainsi que des institutions de microfinance dans une zone réduit l’accès aux crédits des producteurs de soja. Cependant, la probabilité que les producteurs de soja aient accès aux crédits augmente lorsqu’il y a présence des IMF dans la commune. La présence des Institutions de Microfinance dans une commune est très importante dans l’accès aux crédits. En réalité, il est évident que la présence des structures de microfinance favorise l’accès au crédit des producteurs de soja car elle diminue le coût de transport et moins de tracasserie dans le processus administratif d’accès aux crédits.

Contact avec un agent de vulgarisation

Le contact avec un service de vulgarisation affecte négativement et significativement le recours à l’autofinancement par les producteurs au seuil statistique de 1%. En revanche, ce contact avec un agent de vulgarisateur a un effet positif et significatif sur le recours des producteurs aux sources de financement mixte et à la source de financement externe respectivement au seuil statistique de 1%. Le lien d’un agent de vulgarisation avec les producteurs augmente la chance d’accès au crédit des agriculteurs dans les zones.

Situation matrimoniale

La situation matrimoniale des producteurs a une incidence significative sur les différentes sources de financement. Lorsque le producteur est célibataire la probabilité qu’il fasse recours à l’autofinancement de ses activités dans la production de soja augmente au seuil statistique de 5% et diminue avec les sources de financement mixte au seuil de 10%. Cependant, le statut divorcé du producteur affecte positivement et significativement son recours aux sources de financement mixte au seuil de 10%. Par ailleurs, le statut célibataire du producteur a un effet positif sur son recours à l’autofinancement de ses activités. Être célibataire apparaît, in fine, comme l’un des éléments déterminants d’autofinancement, si on considère la situation d’être divorcée comme «référence».

Nombre d’actifs homme dans le ménage

Conformément à la littérature, la taille du ménage et ainsi le nombre d’actifs agricoles masculins se révèlent très importants dans la question d’accès aux crédits des producteurs agricoles. Considérant le facteur actif agricole du ménage, le nombre d’hommes dans le ménage est positivement et significativement corrélé avec la source de financement mixte au seuil statistique de 10%; ce qui montre l’importance de cette variable dans la demande de crédit chez les ménages agricoles. En effet, les ménages ayant assez des personnes en charge en particulier les actifs de sexe masculin, ont tendance à faire de prêt dans plusieurs structures de microfinance en complément à l’autofinancement afin de répondre aux besoins de la production agricole. La probabilité pour ces ménages d’accéder aux services financiers bancaires surtout dans plusieurs structures de microfinance est très élevée pour garantir leur sécurité financière.

Expérience dans la production de soja

L’expérience dans la production de soja a une influence négative et positive sur le recours des producteurs aux sources d’autofinancement et de financement mixte au seuil statistique de 1%. Plus les producteurs ont d’expérience dans la production de soja moins est la probabilité qu’ils s’autofinancent dans la production. Ainsi, les producteurs ayant des expériences dans la production de soja connaissent mieux en termes d’investissement les coûts totaux de la production, ce qui aurait justifié leur recours à plusieurs sources de financement. L’expérience est donc un élément déterminant du recours aux différentes sources de financement dans la production de soja.

Utilisation de NPK et de l’inoculum

Parmi les facteurs de production exigeant plus de coût variable figurent les intrants relatifs aux engrais chimiques (NPK et UREE) et l’inoculum pour la production de soja. En effet, l’utilisation de NPK et d’inoculum a une influence négative et significative sur les sources de financement de production de soja au seuil de 1%. La probabilité de faire recours à plusieurs sources de financement notamment mixte augmente la décision des producteurs à utiliser les engrais NPK et l’inoculum au seuil de 1%. Ce résultat montre que les producteurs qui utilisent les engrais NPK et l’inoculum pour la production de soja ont tendance à faire recours à plusieurs sources de financement pour acheter les engrais. Toutefois, le recours à une seule source de financement externe (AGRI-FINANCE) a tendance à réduire l’utilisation de l’inoculum chez le producteur mais augmente l’utilisation des engrais chimique (NPK) au seuil de 1%, vue que le prix d’un gramme d’inoculum est très élevé par rapport aux prix d’un kilogramme d’engrais chimique.

DISCUSSION 

La question de financement agricole n’est pas de mise ni un jeu de hasard surtout dans les pays en voie de développement comme le Bénin. Cette recherche a analysé les facteurs déterminant les différentes sources de financement des producteurs du soja dans le Pôle du Développement Agricole 4. Avec un modèle de régression Probit multivarié, les résultats ont montré que le choix des sources de financements par les producteurs dépend en partie de leurs caractéristiques socio6économiques et démographiques. En effet, les producteurs de soja dans le PDA4 font recours à plusieurs sources de financement réparties en trois catégories : les sources d’autofinancement issues du fonds propres du producteur, les sources de financement mixte dans plusieurs structures de microfinance et la source de financement externe unique dont les IMFs. Les travaux de Soro (2014) ont montré que l’accès à l’une des sources de financement réduit significativement la probabilité d’accès à une autre. Selon la théorie sur les facteurs déterminant le financement agricole, plusieurs auteurs ont montré l’importance des caractéristiques socio6économique, sociodémographiques et socioculturelles des agriculteurs (Ololade et Olagunju, 2013; Hananu et al., 2015; Dang et al., 2019; Silong et Gadanakis, 2019).

En effet, la situation matrimoniale (célibataires) favorise au seuil statistique de 5%, le recours des producteurs de soja à l’autofinancement. C’est justement ce que Soro (2014) a constaté dans ses travaux sur «les déterminants de l’accès à la microfinance: le cas des coopératives d’épargne et de crédit en Côte-d’Ivoire». Pour cet auteur, les personnes qui n’ont pas accès au financement agricole sont en moyenne plus les célibataires, les divorces, les veufs ou veuves que celles qui ont accès. Être marié apparaît comme l’un des éléments déterminants de l’offre de prêt, si on considère la situation d’être célibataire comme «référence» (Mayoukou et Kertous, 2015). Or très peu de producteurs sont en mesure de s’autofinancer sur leurs fonds propres et pour faire face à leurs besoins en capital, leur choix de mode de financement dépend des sommes accessibles (limitées dans le cas du crédit public), du coût de l´argent prêté, de la rapidité d´accès à ces sommes et de la relation qu´ils possèdent avec l´agent qui les finance (Bertrand et al., 2005).

Toutefois, le genre masculin a un effet positif et significatif sur l’autofinancement et les sources de financement mixte respectivement aux seuils statistiques de 1% et 10%. Ce résultat est similaire à celui de Ololade et Olagunju (2013) qui ont montré qu’être une femme réduit de 71,3% la probabilité d’avoir accès au crédit si nous prenons le genre masculin comme référence. Cependant, les résultats remettent en cause les travaux de Soro (2014) qui pense que le sexe semble n’avoir aucun effet sur la probabilité d’accès aux sources de financement qu’elles soient formelles ou informelles. Par ailleurs, la formation dans la production de soja, l’appartenance à une organisation, le contact avec un service vulgarisation et l’utilisation des engrais chimiques permettent aux producteurs de soja de recourir à l’unique source de financement dont Agrifrinance. En réalité, plusieurs auteurs ont fait le même constat (Nouanti et al., 2019; Wokou et Sodji, 2021).

La spécificité de ces résultats se trouve dans le fait qu’il s’agit principalement de Agrifrinance et autres structures. Selon les producteurs «les crédits accordés par ces institutions et autres servaient à rembourser les dettes car la majorité affirme qu’il travaille pour la Banque d’autant plus que le peu de revenu issu de l’exploitation permettait de couvrir les prêts». Si les producteurs de soja continuent donc de faire recours à ces IMFs comme source de financement externe, c’est justement parce qu’elles accompagnent ceux-ci à travers un agent de vulgarisation formant sur l’itinéraire technique de production de soja, la sensibilisation des producteurs d’appartenir à une organisation et les aides qu’elle apporte en ce qui concerne l’utilisation des engrais chimiques.

Enfin, il a été remarqué qu’en plus de ces facteurs s’ajoute l’alphabétisation en langues locales, la présence des IMF dans la commune, la situation matrimoniale (Divorcé), le nombre d’actifs homme dans le ménage, l’utilisation de l’inoculum et l’expérience dans la production de soja sont révélés comme des facteurs clés qui motivent les producteurs de soja à faire recours à plusieurs sources de financement (source de financement mixe) avec une probabilité qui oscillent entre 1%, 5% et 10%.

Même si Dang et al. (2019) ont montré que la tendance à contracter des prêts auprès des deux sources est fonction des connaissances financières des agriculteurs et le niveau d’alphabétisation en ait quelque chose. Le niveau d’étude et l’alphabétisation en langues locales apparaissent exclusivement comme des facteurs déterminants de la demande (Mayoukou et Kertous, 2015). Ainsi, pour d’autres auteurs, la demande de financement de l’exploitation agricole est essentiellement déterminée par les caractéristiques du système de production (Daoudi et Bedrani, 2008).

CONCLUSION 

L’analyse des déterminants des différentes sources de financement des producteurs de soja dans le Pôle de Développement Agricole 4 met en exergue les facteurs socio-économiques et socio-démographiques des agriculteurs afin d’améliorer l’accès de ceux-ci au financement agricole, base de la productivité et de la sécurité alimentaire. Les principaux facteurs qui affectent les différentes sources de financement chez les producteurs sont essentiellement techniques et propres aux profils des exploitations. La pertinence de cette recherche vise la décentralisation des structures de microfinance dans les zones rurales et la formation des agriculteurs en langues locales sur les connaissances financières seront un atout pour les agriculteurs dans le choix des sources de financement favorable à leurs activités agricoles. Si les réformes engagées par l'État et les services de microfinance sont mises en œuvre en tenant compte de ces facteurs, elles permettront d’assainir le secteur et d’adapter les services aux besoins d’une partie importante de la population.

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Publié-e

20-09-2022

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement