Dynamique de peuplement de Pericopsis elata dans une concession forestière en République Démocratique du Congo
Résumé
Pericopsis elata (afrormosia), bien représentée dans la cuvette centrale congolaise, est une des principales espèces commerciales les plus exploitées en RDC alors qu’elle est inscrite sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN. Afin de garantir sa durabilité, des simulations de sa population ont été réalisées dans les forêts de la concession 010/11 de la Société Africaine de la Forestière (SAFO) à partir des données d’un inventaire d’aménagement. Plusieurs scenarios ont été effectués en variant certains paramètres tel le diamètre minimum d’exploitabilité (DME), la durée de rotation et le taux de prélèvement. Les résultats montrent qu’avec un DME de 60 cm, le taux de reconstitution est de 15 % si on extrait 96 % des tiges exploitables, correspondant au taux de prélèvement fixé par le concessionnaire, et de 31 % si on extrait 75 % des tiges exploitables. En analysant d’autres scénarios, il ressort qu’en fixant le DME à 110 cm et en maintenant le taux de prélèvement à 96 %, il est possible de reconstituer 48 % des tiges exploitables au bout de la durée légale de rotation, soit 25 ans. Enfin, il a été est observé que le fait de remonter le DME à 110 cm ou de réduire le taux de prélèvement à 75 % peut favoriser la régénération et la croissance de P. elata dans la concession étudiée et ainsi assurer le maintien des effectifs de cette espèce.
Mots clés: Pericopsis elata, taux de reconstitution, taux de prélèvement, DME
Téléchargements
INTRODUCTION
La République Démocratique du Congo (RDC) est un important pays forestier qui possède à lui seul près de 62 % des forêts du Bassin du Congo (Tchatchou et al., 2015). Ces forêts jouent un rôle prépondérant pour l'humanité, les communautés locales riveraines, dans le développement socio-économique, la gestion des biodiversités et la lutte contre les changements climatiques notamment (de Wasseige et al., 2014).
Cependant, l’exploitation des forêts congolaises est souvent dénoncée par les organisations non gouvernementales, tant nationales qu’internationales, du fait que cette dernière se soit rarement avérée durable, même en termes de simple rendement en bois (Doucet et Kouadio, 2007). En effet, la plupart des opérations d'exploitation forestières ressemblent davantage à un pillage d'une gamme limitée d'espèces d'arbres, qui ne se régénèrent pas et ne pourraient pas se régénérer au cours des cycles d'exploitation courts (20 - 30 ans) typiques de la région. Une fois ces espèces épuisées, la forêt délaissée ne représente plus qu'une faible valeur commerciale (Rain Forest Foundation UK, 2021). En effet, malgré la grande diversité d'espèces d'arbres dans les forêts congolaises (Malele, 2003), la demande sélective du bois d'oeuvre sur le marché international a comme résultante des forêts écrémées, avec une exploitation moyenne à l'hectare très faible de 0,5 à 2 pieds, soit seulement 5 à 15 m³ de bois par hectare (Fargeot et al., 2004; Doetinchem et al., 2013).
En outre, la plupart des espèces exploitées ont un tempérament héliophile, c'est-à-dire nécessitant une mise en lumière rapide et importante dès le stade de «semis» pour poursuivre leur développement (Doucet et Kouadio, 2007). Leur régénération est rare dans le sous-bois car l'ouverture du couvert provoqué par l'exploitation s'avère en général insuffisante pour permettre une régénération significative. On peut donc assister à un appauvrissement progressif des forêts en certaines espèces, notamment les espèces exploitées à des fins commerciales (Boyemba, 2011; Doucet et Kouadio, 2007).
P. elata est une espèce héliophile (Kyereh et al., 1999; Anglaaere, 2008), avec un déficit de régénération naturelle sous la canopée dense (Hawthorne, 1995; Forni, 1997). Elle fait partie des principales espèces commerciales les plus exploitées par des sociétés multinationales qui exportent le bois sous forme de grumes ou de sciages vers l'Europe ou l'Asie (ATIBT, 2007), et mérite une attention particulière bien qu'en RDC elle bénéficie d'une mesure spéciale visant à limiter le volume exporté à 50 000 m³/an. A cet effet, évaluer la production de P. elata est essentielle pour sa gestion durable, car c’est en fonction de la production que les prélèvements sont planifiés, de manière à assurer son évolution cyclique stationnaire (Picard, 2007).
Selon les prescrits légaux, les forêts de la concession 010/11 de SAFO, située dans la province de la Mongala, doivent faire l'objet d'un plan d'aménagement intégrant les objectifs de conservation de la biodiversité ainsi que de la régularité de la production. Pour concilier ces deux objectifs, le plan d'aménagement doit être fondé sur les potentialités des forêts de ladite concession, quand bien même celles-ci ne sont pas suffisamment connues et qu’il n'existe pas de plan de production et d'aménagement préalable de ses ressources, à la meilleure connaissance des auteurs.
P. elata fait partie des essences végétales de la concession 010/11 de SAFO, alors que cette espèce est reprise sur la liste de la convention sur le commerce international des espèces des faunes et des flores sauvages menacées d'extinction de CITES sous l'appendice II (Loumeto et al., 2011). Pour assurer un commerce responsable de cette espèce, il est donc indispensable de mettre en adéquation la coupe avec sa capacité de régénération naturelle.
C'est dans ce contexte que s'inscrit cette étude dont l’objectif est de simuler la dynamique de la population de P. elata pour orienter son exploitation dans le cadre de l'aménagement de la concession forestière 010/11 de SAFO. Spécifiquement, l'étude vise à proposer une exploitation optimale de P. elata en fonction de son indice de reconstitution ainsi que de sa possibilité de récolte.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Milieu d'étude
La concession 010/11 de SAFO est située dans la Province de la Mongala, Territoire de Bongandanga et dans les Secteurs de Boso – simba et de Boso – djanoa. Elle s'étend sur une superficie totale de 327.528 hectares, dont 102.522 ha jugées exploitables. Elle est couverte par le contrat de concession forestière (CCF) n° 010/11 du 04 août 2011. La figure 1 ci-dessous présente la localisation de la concession, située au bord du fleuve Congo et de la rivière Lopori. Elle s’étend sur plusieurs bassins des affluents au fleuve, et est traversée par plusieurs rivières.
La zone d'étude est caractérisée par le type de climat Am selon la classification de Köppen. La température est de 20,7 °C minimum et de 30,7 °C maximum, avec une moyenne journalière de 25,7 °C. L’humidité relative y est de 87 % et les précipitations sont de l'ordre de 1800 mm par an et de 150 mm par mois. (Omasombo, 2015 ; OSFAC, 2020). La végétation y est caractérisée par la présence des forêts denses humides et des forêts secondaires issues des défrichements des champs. La végétation est dominée par l'espèce Gilbertiodendron dewevrei (limbali), suivi de Musanga secropioides (parasolier), Strombosiopsis tetrandra (botaka ou afina), Diogoa zenkeri (diogoa) et Strombosia pustulata (afina).
Matériel
Les matériels ci-après ont été utilisés pour la collecte des données: (1) une boussole de type Suunto, (2) un GPS de type Garmin MAP 64st, (3) un câble d'arpentage sous la forme d’une corde nylon étalonnée à 25 mètres, (4) un décamètre pour la mesure des distances et l'intégration des corrections de pentes, (5) des rubans circonférentiels et des cordes nylon étalonnée avec précision afin de permettre la détermination des classes de diamètre, (6) un décamètre pour le chainage latéral des arbres et (7) autres petits matériels incluant un câble fait d'une corde nylon de 12,5 mètres, des machettes et des limes pour l'ouverture des layons ainsi que des sacs imperméables pour la conservation des fiches de terrain. Le matériel biologique était constitué essentiellement des tiges de P. elata.
Collecte des données
L'inventaire d'aménagement réalisé entre les mois de mai et d'octobre 2015 dans la concession 010/11 de la SAFO nous a permis de disposer des données nécessaires à la réalisation de cette étude. A cet effet, un échantillonnage systématique appuyé sur des placettes de forme rectangulaire de 0,5 ha chacune a été appliqué sur la concession. Les placettes ont été positionnées de manière à être jointives entre elles, disposées le long de layons d'inventaire parallèles et espacés de 3 km les uns des autres. Un taux de sondage de 0,76 % a été fixé conformément aux normes établies par l'administration forestière, selon le guide opérationnel portant sur les normes d'élaboration du plan de sondage de l'inventaire d'aménagement (SPIAF, 2007a). Ce taux de sondage a permis d’inventorier 1.556 placettes qui représentent une superficie de 778 ha sur un ensemble de 102.522 ha de la superficie utile. Le comptage des arbres a été effectué sur la totalité des parcelles. Pour chaque placette, les tiges de toutes les essences dont le DHP est supérieur à 40 cm ont été comptées. Dans les sous placettes formées par les 100 premiers mètres de la placette, et mesurant donc 100 m x 25 m, soit 0,25 ha, les tiges de toutes les essences de DHP supérieur à 20 cm ont été comptées. Enfin, pour les sous placettes formées par les 25 premiers mètres de la placette, et mesurant donc 25 m x 25 m, soit 0,0625 ha, les tiges de toutes essences de DHP supérieur à 10 cm ont été comptées (voir Tableau 1).
Le Tableau 2 présente les paramètres qui ont été mesurés sur le terrain.
Analyse de données
Le volume des arbres a été estimé à partir du modèle de régression de la DIAF (2017a) ci-dessous:
V = a . Db
Avec V le volume obtenu en m3; D le diamètre de la tige exprimé en centimètres (cm); a & b sont les différentes valeurs des coefficients de régression (caractéristiques pour chaque essence et province). Pour le grand Equateur, a et b correspondent à 0,00067929 et à 2,05269939 pour P. elata. Le taux de reconstitution du peuplement de P. elata a été calculé à partir de modèle de De Madron et al., (1997) ci-dessous:
Avec: Re = pourcentage de reconstitution du nombre de tiges supérieures au DME au temps 0; No = effectif des classes de diamètre immédiatement en dessous du DME (selon l'accroissement et durée de rotation); Np = Nombre de tiges supérieures au DME au temps 0; α = taux de mortalité annuel; T = rotation; Δ = taux de dégâts dûs à l’exploitation.
Un taux d’Accroissance Annuel Moyen en diamètre de 0,4 cm/an, un taux de mortalité annuel de 1 % et un taux de dégâts d’exploitation de 7 % fixés par l’administration en charge des forêts, ont permis de construire un modèle simple de dynamique de population permettant de simuler différents taux de reconstitution de l’effectif de P. elata. Le taux de prélèvement et la rotation ont été variables afin de simuler la dynamique de peuplement, sachant que le DME fixé par l'administration en charge des forêts est de 60 cm, la durée de rotation réglementaire minimum est de 25 ans et le taux de prélèvement fixé par le concessionnaire est de 96 %. Dans le cadre de la présente étude, le modèle mathématique et les principes de calcul utilisés pour la simulation de la dynamique forestière (calcul de l'indice de reconstitution) correspond au modèle matriciel appliqué par pas de temps de 5 ans sous MS Excel. Les principes de calcul sont présentés aux annexes 4 et 5 du guide opérationnel portant sur la Prévision et Planification des récoltes sur la série de production ligneuse (DIAF, 2017b). Enfin, une estimation de la possibilité forestière annuelle, quinquennale et totale par durée de rotation, taux de prélèvement et DMA a été réalisée. En particulier, la possibilité de récolte après la première année d'exploitation donne un aperçu de la croissance annuelle de la forêt et donc du potentiel de récolte sans entamer le capital forestier.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Résultats d’inventaire
Les tableaux 3 et 4 présentent les effectifs de P. elata en ha et totaux répartis selon les classes de diamètre, sur lesquels nos estimations seront basées.
Calcul de l’indice de reconstitution et fixation du Diamètre Minima d'Aménagement
Les résultats des taux de reconstitution sont présentés dans le Tableau 5 ci-dessous qui présente les différentes estimations du taux de reconstitution de l'effectif exploitable en fonction du taux de prélèvement et de la durée de rotation
Les résultats présentés dans le Tableau 5 indiquent que le taux de reconstitution (1) augmente avec le diamètre jusqu'à 110 cm et chute à partir de 120 cm; (2) augmente avec le temps de rotation et (3) est inversement proportionnel aux taux de prélèvement. Il sied en outre de noter que la meilleure reconstitution est obtenue lorsque le taux de prélèvement est fixé à 75 % pour un temps de rotation de 50 ans et un diamètre de 110 cm. Les figures 2 (a – h) illustrent l'évolution de la reconstitution en effectif de P. elata dans la concession, 50 ans après l'exploitation de 96 % des tiges à partir de 60 cm de diamètre. On peut observer qu'il y a un déficit de recrutement des arbres dans les classes de diamètre exploitable et que la mortalité naturelle n'est pas compensée. Sur la base de cette observation et selon les recommandations De Madron et Forni (1997) à propos de la faible reconstitution, quelle que soit la durée de rotation considérée, de nouveaux calculs ont été effectués afin de tester une éventuelle amélioration de la reconstitution avec des DME plus élevés.
Les figures 3 (a-h) illustrent l'évolution de la reconstitution en effectifs de P. elata dans la concession 50 ans après l'exploitation de 96 % des tiges à partir de 110 cm de diamètre.
Il s’observe des Figures 3 (a-h) qu'en remontant le DME jusqu'à 110 cm et en conservant le prélèvement à 96 %, on parvient à reconstituer près de 50 % des effectifs exploitables au bout de 25 ans, et de 68 % au bout de 50 ans. D’autre part, en réduisant le prélèvement à 75 % et en réduisant le DME à 60 cm, on parvient à reconstituer 30 % de l'effectif exploitable au bout de 25 ans. C'est ce que montrent les figures 4 (a-h) quant à l'évolution de la reconstitution en effectifs de P. elata dans la concession, 50 ans après l'exploitation de 75 % des tiges à partir de 60 cm de diamètre.
Les graphiques de reconstitution présentés aux Figures 4 (a-h) présentent l'allure d'un « J » renversé, représentant une distribution diamétrique des individus de P. elata avec une décroissance exponentielle dans la concession, caractéristique typique des forêts denses humides (Doucet, 2003). Cette allure indique aussi que de meilleures conditions écologiques sont présentes pour la transition des jeunes arbres et donc d'une manière générale, la garantie du maintien des essences sur le long terme.
Calcul de la possibilité forestière
Le Tableau 6 présente l'évolution des possibilités (totale, quinquennale et annuelle) de P. elata correspondant au volume de bois qu'il est possible de prélever à l'échelle de la superficie utile de la concession (ou superficie sous aménagement – SSA). Cette possibilité est présentée en fonction du DME (DMA), du taux de prélèvement et de différentes durées de rotation.
Les résultats présentés dans le Tableau 6 montrent que la possibilité brute de récolte de P. elata sur pied dans cette concession est estimée à 3.765 m³/an, ce qui correspond à un rendement moyen de 0,037 m³/ha/an à 110 cm de DME et 96 % de prélèvement à la récolte initiale. A la suite de la reconstitution de l'effectif trouvée ci-dessus, la possibilité est de 1.540 m³/an soit de 0,015 m³/ha/an au bout de 25 ans après la première exploitation et elle atteint 2.361 m³/an soit de 0,023 m³/ha/an au bout de 50 ans.
Par contre, si nous considérons le DME de 60 cm et le prélèvement de 75 %, les résultats du Tableau 6 montrent que la possibilité est estimée à 8.678 m³/an, soit de 0,085 m³/ha/an à la première récolte. Elle atteint 2.411 m³/an soit 0,024 m³/ha/an au bout de 25 ans après la première exploitation, et atteint 2 692 m³/an soit 0,026 m³/ha/an au bout de 50 ans.
DISCUSSION
En faisant varier le DME, les simulations de l'évolution des effectifs de P. elata à l'hectare (Tableau 3) ainsi que celles des effectifs totaux rapportés à la surface totale de la forêt de terre ferme sur l'ensemble de la concession (Tableau 4), indiquent que le nombre de tiges diminue au fur et à mesure que le diamètre augmente. Ce constat indique des meilleures conditions écologiques pour la transition des jeunes arbres, et que d'une manière générale, le maintien de l'essence sur le long terme semble garanti. Cependant, les calculs de l’indice de reconstitution et fixation du DMA (Tableau 5) montrent que les effectifs exploitables ne seraient reconstitués qu'à hauteur de 15% si on extrait 96% de tiges exploitables avec un DME de 60 cm dans un délai de 25 ans et l’indice de reconstitution a été estimé à 24% pour 50 années d'exploitation dans les mêmes conditions. Cet indice a été estimé à 31% si on exploite 75% de tiges exploitables au bout de 25 ans, toujours avec un DME de 60 cm. Ces résultats peuvent être comparables à ceux trouvés par Boyemba (2011) dans les forêts de la réserve forestière de la Yoko à Kisangani, qui montrent qu'avec un DME de 60 cm, la reconstitution est de 12 % si on extrait 100 % des tiges exploitables, et de 32 % si on extrait 75 % des tiges exploitables au bout de 30 ans. Ces observations indiquent donc que le DME de 60 cm ne permet pas de reconstituer l'effectif d'arbres exploités initialement, en appliquant la durée légale de rotation qui est de 25 ans et le taux de prélèvement de 96%. Cette faible reconstitution peut être due au fait que l'espèce P. elata présente un faible taux d'Accroissement Annuel Moyen en diamètre. Le taux utilisé pour la présente étude 0,4 cm/an (DIAF, 2017a) est proche de l’estimation de 0,32 cm/an qui en a été faite pour les forêts à l'est du Cameroun (Kouadio et al., 2014). Pour les forêts de la Yoko à Kisangani, ce taux d'Accroissement Annuel Moyen en diamètre a été évalué à 2,4 cm/an (Boyemba, 2011) qui est près de 10 fois supérieures à la valeur estimée par Onotamba (2010), soit 0,27 cm/an, pour les forêts de Yangambi. Par ailleurs, l’analyse des Figures 2 (a-h) semblent indiquer que la reconstitution de l'espèce P. elata sera hypothétique après 50 ans si le taux de prélèvement est maintenu à 96% et à un DME de 60 cm, mettant ainsi en difficulté la gestion durable de cette espèce commerciale dans la concession. Par contre, en remontant le DME jusqu'à 110 cm (Figures 3 a-h), la reconstitution ne pose plus problème dès 25 ans tout en conservant un taux de prélèvement de 96% ; le taux de reconstitution atteint 68% au bout de 50 ans. Ainsi, en remontant le DME jusqu'à 110 cm, le concessionnaire récoltera certes moins de tiges à exploiter mais pourra optimiser l'exploitation de l'espèce dans sa concession en améliorant sa reconstitution. De même, en réduisant le taux de prélèvement à 75% ainsi que le DME à 60 cm, on parvient à mieux répondre aux exigences légales pour l'exploitation de P. elata à ce diamètre, soit un taux de reconstitution de 30% au bout de 25 ans d'exploitation. Aussi, en considérant les résultats présentés aux Figures 4 (a-h), on constate qu'ils répondent mieux aux normes fixées par l'administration en charge des forêts qui stipulent que «le plan d'aménagement forestier doit garantir un indice de reconstitution minimum de 50 % pour le groupe des essences aménagées, les mieux valorisées sur le marché, et un indice de reconstitution minimum de 30 % pour chacune de ces essences considérées individuellement» (Article 15 de l'Arrêté n°034/CAB/MIN/EDD/03/03/BLN/2015 du 03/07/2015). Toujours en rapport avec les Figures 4 (a-h), sur le plan structural, les fortes concentrations d'individus observées dans les classes de faible diamètre témoignent de la reconstitution progressive de ces formations végétales en absence d’une forte pression anthropique.
Ces résultats rejoignent ceux de Boyemba (2011) dans la forêt la réserve de la Yoko, de Onotamba (2011) dans la forêt la réserve de Yangambi et de Assani (2016) dans les plantations forestières de Yangambi, où les tiges d'avenir sont en nombre suffisamment élevé et le renouvellement des peuplements est assuré. Une telle structure assure la pérennité de peuplement de cette espèce. Différentes raisons peuvent expliquer cette prédominance des individus à petit diamètre, qui peut être liée au fait que les graines de cette essence sont bien disséminées. En outre, les calculs effectués pour estimer la possibilité annuelle ont indiqué que celle-ci était faible, de l'ordre 0,037 m3/ha/an pour le DME de 110 cm et 96 % de prélèvement et 0,085 m3/ha/an pour le DME de 60 cm et 75 % de prélèvement. Cette faible possibilité forestière peut être attribuée au faible nombre d’individus exploitables moyennement rencontré dans 1 ha, qui est de 0,025 tiges/ha avec le DME de 60 cm et de 0,012 tiges/ha avec le DME de 110 cm. Étant donné qu'il est irréaliste de reconstituer en quelques décennies tout le volume cumulé sur pieds durant des siècles (Madron et Forni, 1997) et étant donné la faible possibilité forestière de la concession sous étude, il est préconisé d'allonger la durée de rotation, car plus le temps entre deux rotations est long, plus le nombre de tiges pouvant passer au-dessus du DME sera important. Sur le plan commercial, cette approche ne serait certainement pas la plus rentable car plus la durée de rotation est longue, moins l'exploitant sera en phase de production.
CONCLUSION
La présente étude avait pour objectif de simuler la dynamique de population de P. elata pour orienter son exploitation dans le cadre de l'aménagement de la concession forestière 010/11 de la Société Africaine de la Forestière (SAFO) dans la province de la Mongala en RDC. Les données d'inventaire d'aménagement ont permis de déterminer l’indice de reconstitution de cette espèce après la première exploitation et estimer sa possibilité de récolte à la première coupe et 50 ans après. Les résultats de l'étude ont indiqué que suite à la faible reconstitution de P. elata, et dans le but de garantir sa durabilité, le concessionnaire devrait soit augmenter le DME à 110 cm et maintenir le prélèvement à 96%, soit alors maintenir le DME à 60 cm et réduire le prélèvement à 75%. Enfin, le concessionnaire devrait faire un bon choix de la durée de rotation, sur laquelle repose le renouvellement de la ressource étant donné la faible possibilité forestière de la concession.
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