Inventaire et caractérisation des champignons associés au dessèchement des citrus au Burkina Faso
Résumé
Au Burkina Faso, le dessèchement est l’une des contraintes de production des citrus. Cette étude fait le diagnostic de la maladie dans les grandes zones de production. Ainsi, l’incidence et la sévérité ont été évaluées dans le Kénédougou et la Comoé. Un inventaire des espèces fongiques a été réalisé à partir des organes malades. Une caractérisation morphologique et pathogénique a été réalisée à partir de dix isolats de l’espèce majoritaire. L’incidence moyenne de la maladie varie entre 85,0 et 94,7 % dans les deux provinces. Le plus fort indice de sévérité a été enregistré à Toumousseni (92,8 %) et la plus faible à Kartasso (33,6 %). Six (06) espèces fongiques (Colletotrichum sp, Lasiodiplodia sp, Fusarium sp, Pestalotiopsis sp, Aspergillus sp et Botrytis sp) ont été inventoriées. Dix souches de Colletotrichum sp ont présenté des caractéristiques morphologiques quasi similaire à l’espèce Colletotrichum gloeosporioides. Ensuite, les inoculations in vitro sur les feuilles et in vivo sur des plants ont révélé une variabilité de la pathogénicité. Ainsi, KciCo9, CciCo4, KciCo15 ont été les plus agressives in vivo. Les lésions induites étaient significativement différentes entre les souches. Au regard de l’importance de la maladie, une caractérisation moléculaire des espèces est nécessaire.
Mots clés: Dessèchement, Citrus, Champignons, Colletotrichum, Burkina Faso
INTRODUCTION
Les agrumes occupent la 4ème place mondiale en termes d’importance dans l’alimentation humaine. Ils constituent de ce fait, une culture fruitière majeure du point de vue socio-économique ( FAO, 2016). La production mondiale est estimée à plus de 143 millions de tonnes. Au Burkina Faso, elle faisait partie des trois principales cultures fruitières après les anacardiers et les manguiers.
La production de la campagne 2020/2021 dépassait les 44000 tonnes (MAAH, 2019). La région des Hauts Bassins et des Cascades sont les grande zones de production avec 77,8% de superficie des arbres fruitiers (Carrico et al., 2022). En dépit des nombreux avantages socio-économiques et environnementaux au Burkina Faso, la culture des citrus est confrontée à des contraintes biotiques et abiotiques qui entraînent des baisses de rendement (MAAH, 2019). Parmi, les contraintes biotiques figure le dessèchement qui peut occasionner des pertes considérables. Son incidence sur les manguiers atteint 86% (Dianda et al., 2018). Le dessèchement ainsi décrit est causé principalement par des agents fongiques associés à des facteurs abiotiques. Les maladies recensées sur des agrumes telles que les pourridiés, le «mal secco», la fusariose, la gommose, l’anthracnose etc., sont des affections associées aux champignons. Des études similaires ont permis d’identifier certaines espèces du genre Colletotrichum, Lasiodiplodia, Fusarium, Phoma etc., comme étant les agents probables associés au dépérissement des citrus (Tedihou et al., 2017; Espargham et al., 2020; Riolo et al., 2021).
Au Burkina Faso, il existe très peu d’information sur les agents responsables de la maladie. Au regard de cela, il est nécessaire de connaître les agents fongiques associés au dessèchement des citrus en vue de lutter efficacement contre la maladie.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Présentation de la zone d’étude
Les échantillons ont été collectés dans les provinces du Kénédougou et de la Comoé (Figure 1) qui sont les grandes zones de production fruitière du Burkina Faso (Carrico et al., 2022). Le climat est de type sud-soudanien marqué par une alternance de deux (02) saisons. Une saison sèche (novembre à avril) et une saison pluvieuse (mai à octobre). Les deux (02) saisons durent entre cinq (05) et six (06) mois. La pluviométrie annuelle moyenne se situe entre 801 mm et 1200 mm (Carrico et al., 2022). Les sols sont de type ferrugineux lessivés. Cette zone agro écologique a une végétation riche, composée de savanes arborées, arbustives et boisées ainsi que de forêts claires (Guinko, 1984). L’évaluation de l’incidence et de la sévérité ainsi que l’échantillonnage des organes malades ont été effectués dans des vergers localisés dans chacune des provinces. L’analyse des différents isolats obtenus a été fait au laboratoire de phytopathologie du Centre National de Spécialisation en Fruits et Légumes (CNS-FL) à la station de l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA)/Farako-Bâ.
Matériel végétal
La collecte des échantillons a porté sur des orangers, des citronniers et des tangelos qui sont les citrus les plus cultivés dans la zone d’étude. Les feuilles et les rameaux présentant les symptômes caractéristiques du dessèchement ont été prélevés. Des feuilles détachées de citronnier âgées d’environ un (01) mois ont été utilisées pour les inoculations in vitro. En outre, les tests de pathogénicité en serre ont été faites sur les plantes âgés d’environ un (01) an, de citronnier, d’oranger et de tangelo.
Matériel fongique
Le matériel fongique utilisé dans cette étude est constitué des isolats de champignon obtenus à partir des échantillons symptomatiques.
Évaluation de l’incidence et de la sévérité du dessèchement dans les vergers
Cette étude a consisté à choisir de façon aléatoire des vergers d’au moins 1 ha dans des sites distants d’au moins 15 km par province prospectée. L’évaluation a été faite sur 50 arbres choisis aléatoirement suivant les diagonales dans chaque verger. L’évaluation a porté sur des observations visuelles suivant les diagonales des quatre (04) côtés de l’arbre (Ramos et al.,1997) (Tableau 1).
L’incidence du dessèchement a été estimé à partir du rapport entre le nombre d’arbres malades et le nombre total d’arbres inspectés par site (Cooke, 2006).
Im: Taux d’incidence par site;
n: Nombre d’arbres malades par site; N: nombre total d’arbres observés dans un site (N=50).
L’indice de sévérité de la maladie sur un site a été déterminé à l’aide de la formule de Kranz, (1988):
Is: indice de sévérité de la maladie sur le site;
Xi: sévérité i de la maladie sur l’arbre;
ni: nombre d’arbres de sévérité ;
N: nombre total d’arbres observés (N=50) ;
Z: échelle de sévérité la plus élevée (note 5).
Collecte des échantillons et caractérisation des champignons associés au dessèchement
Une fois sur un site, des organes (feuilles et tiges) symptomatiques ont été prélevés, étiquetés et conditionnés dans une glacière et transportés au laboratoire puis conservés au frigo à 4℃ pour les isolements et la caractérisation. Les échantillons ont été traités et mise en incubation pour inventorier les espèces fongiques et leur fréquence associées à la maladie. En effet, la méthode de papier buvard humidifié (Dianda et al., 2018) a été utilisée. Cela consiste à mettre des disques de papier buvard imbibés d’eau stérile dans des boîtes de Pétri stérile (BPS) avant de placer des fragments de 2 à 4 cm préalablement désinfectés à l’alcool (70 %) pendant 30 s ensuite à l’eau de Javel (1%) pendant 1 mn et enfin rincés à l’eau distillée stérile (EDS). Après désinfection, 4 morceaux par fragment ont été placés dans des BPS puis incubées pendant 12 h de lumière proche aux rayons ultra-violets alternée avec 12 h d’obscurité à la température ambiante du laboratoire (25 à 28°C) pendant sept (07) jours. Après ce temps d’incubation, les différentes boîtes ont été observées à la loupe binoculaire puis au microscope optique. Les structures microscopiques (pycnides, acervules et conidies) des champignons ont été identifiées à l’aide de la clé d’identification (Marthur et Kongsdal, 2003). Un crayon de lecture a servi pour répertorier les différentes espèces. La fréquence des espèces a été évaluée en fonction des types d’organes (feuilles et rameaux) à travers la formule suivante:
N: fréquence;
n: nombre total d’apparition d’un champignon identifié;
N: nombre total de boîtes de Pétri observées pour chaque organe conditionné.
Après avoir inventorié et déterminé la fréquence, des espèces fongiques ont ensuite été isolées sur du milieu de culture PDA (Potato Dextrose Agar) à l’aide d’une pipette pasteur coudée. Les boîtes ensemencées ont été bien celées et mises en incubation pendant 24 à 48 h en fonction de la croissance de chaque espèce à la température du laboratoire (25 à 28°C).
En effet, un repiquage à double répétitions pour chaque isolat a été réalisé jusqu’à la purification. Par la suite, l’espèce la plus fréquente a été caractérisée en analysant sa morphologie et sa pathogénicité.
Caractérisation morphologique
Les caractéristiques morphologiques portant sur la texture et la couleur du mycélium ont été décrites sept (07) jours après sur milieu de culture PDA. Pour l’évaluation de la croissance mycélienne, chaque isolat a été repiqué au centre de la BPS contenant un nouveau milieu de culture PDA suivant deux diamètres perpendiculaires tracés sur le revers de la BPS et répété cinq (05) fois par isolat. Les boîtes ont ensuite été mises en incubation à la température ambiante du laboratoire (25 à 28°C). La vitesse de croissance radiale a été mesurée le 3ème, 5ème et 7ème jours après repiquage (JAR). Ainsi, la moyenne de la croissance mycélienne de chaque isolat a été calculée à partir des diamètres moyens (Dianda, 2019). La taille et la couleur des conidies ont été les principaux paramètres microscopiques évalués à l’aide d’une loupe binoculaire et d’un microscope optique muni d’une caméra (euromex, Holland) reliée au logiciel Image Focus Plus. Ainsi, des suspensions fongiques préalablement préparées à partir des feuilles inoculées in vitro ont été montées entre lame et lamelle pour déterminer la longueur et la largeur de cinquante (50) conidies choisies de façon aléatoire.
D=((D1+D2))/2
D: diamètre moyen de l’isolat dans une boîte;
D1 et D2: mesure des deux droites perpendiculaires.
Pouvoir pathogène in vitro et in vivo
En laboratoire, des jeunes feuilles de citronnier désinfectées et scarifiées au niveau de la nervure médiane ont été disposées sur de la gélose (Agar 1 %) précédemment préparée et coulée dans des BPS. Sur chaque feuille, un disque (5 mm) de gélose colonisée sur culture de 10 jours de croissance a été inoculé à l’aide d’une pipette pasteur coudée stérile sur la partie scarifiée. De même, des disques de gélose (Agar 1 %) de 5 mm de diamètre non colonisés ont été inoculés sur des feuilles témoins. La taille des lésions a été mesurée. Les boîtes ont ensuite été incubées pendant 10 jours à 25-28°C. Des observations périodiques ont été réalisées pour détecter l’apparition et l’évolution des lésions.
Ensuite, des mesures de lésion ont été effectuées le 3ème, 5ème et 7ème jour après inoculation et la taille moyenne des lésions dans chaque boîte a été évaluée ( Dianda, 2019).
D= ((d1+d2))/2
D: diamètre moyen de la lésion dans une boîte;
d1 et d2: mesures des deux droites perpendiculaire.
In vivo, les isolats de champignon ont été inoculés sur des plants sains de citronnier, de tangelo et d’oranger. Au total, 33 plants ont été utilisés par espèce de Citrus. Les plants ont été placés de façon randomisée sous une serre.
Les parties supérieures des greffons ont été désinfectées à l’alcool (70 %) avant la scarification. Les ouvertures ont été inoculées avec un disque de 5 mm de diamètre de gélose PDA colonisée et provenant de culture de 10 jours. Un nombre égal de plant a été inoculé avec des disques de gélose Agar à 1 % non colonisée servant de témoins. Après 45 jours d’inoculation, la pathogénicité des isolats a été évaluée en mesurant à l’aide d’une règle graduée la longueur des lésions observées sur les parties inoculées. Les rameaux ont été coupés pour vérifier toute décoloration interne. Ensuite, ils ont été mis en incubation pendant sept (07) jours sous la température ambiante du laboratoire. Les champignons ont été re-isolés à partir des rameaux infectés et leurs caractéristiques morphologiques ont été comparées à celles qui ont servi à l’inoculation pour vérifier le postulat de Koch.
Analyse des données
Le tableur Excel 2021 a été utilisé pour la saisie et l’organisation des données collectées. Ensuite, les données ont été soumises à des analyses à l’aide du logiciel R version 4.2.1 au seuil de 5 %. Ainsi, les données dont la distribution ne suivait pas une loi normale ont été soumises à une analyse non paramétrique (Kruskal test). Pour ce cas de figure, un test de comparaison multiple a été réalisé au seuil de probabilité de 5 % en cas de différence significatives entre les traitements (Pairwise test). Une analyse de variance a été faite pour les données dont la distribution suivait une loi normale.
RÉSULTATS
Symptomatologie du dessèchement des citrus au Burkina Faso
Les prospections dans les deux provinces du Burkina Faso ont permis d’inspecter 12 vergers et d’observer une diversité de symptômes externes du dessèchement des agrumes. Les symptômes se traduisent par des flétrissements de feuilles, notamment de nécroses rouge-briques marginales suivi du dessèchement des limbes foliaires, des rameaux puis d’une ou de deux branches (Figure 2A). Dans certains cas on observe une fissure au niveau du tronc (Figure 2B). Parfois, des taches noirâtres à grisâtres apparaissent au niveau de la base du tronc (Figue 2C). Les arbres sévèrement touchés par la maladie présentent un dessèchement partiel ou total de l’arbre (Figure 2D et 2E).
Incidence et sévérité du dessèchement des citrus au Burkina Faso
La figure 3 traduit l’incidence moyenne du dessèchement des Citrus dans les sites prospectés au Kénédougou et dans la Comoé. L’analyse statistique des données ne révèle pas de différence significative au seuil de 5 %. Cependant, la maladie a été variable en fonction des différents sites. Dans le Kénédougou, le taux d’incidence a été important avec des valeurs comprises entre 54 et 100 % selon les localités (Figure 3A). De même, pour la Comoé des forts taux d’incidence (80 et 100 ) ont été relevés en fonction des sites (Figure 3B).
En ce qui concerne la sévérité, l’analyse statistique des données montre également qu’il n’y a aucune différence significative entre les valeurs des deux provinces au seuil de 5 %. Dans le Kénédougou, le plus fort indice moyen (74,8%) a été relevé à Mondon et la plus faible valeur (33,6%) à Kartasso (Figure 4A). Dans la Comoé, le site de Toumousseni a enregistré la plus forte sévérité (92,8%) par rapport à Diarabakoko qui a été le moins sévèrement touché par la maladie avec un indice de sévérité de (42,8%) (Figure 4B).
Espèces de champignons inventoriées sur le dessèchement des citrus
Au total six (06) espèces de champignons ont été inventoriées sur les organes malades de citrus. En effet, les espèces les plus observées sont Colletotrichum sp, Lasiodiplodia sp et Fusarium sp. Tandis que Botrytis sp, Aspergillus sp et Pestalotiopsis sp ont été des espèces occasionnellement rencontrées (Figure 5).
Fréquence des espèces de champignon associés au dessèchement des citrus
Les plus fortes fréquences (62 et 70%) ont été relevées sur Colletotrichum sp respectivement sur les rameaux et les feuilles de citrus malade. Tandis que les plus faibles valeurs (2 et 3%) ont été enregistrées respectivement par Botrytis sp sur les feuilles et Aspergillus sp sur les rameaux (Figure 6 A et B).
Caractéristiques morphologiques des isolats de Colletotrichum sp
Du point de vue macroscopique, les isolats ont présenté le même morphotype. En effet, les colonies mycéliennes sur le milieu PDA ont un aspect cotonneux peu dense de couleur blanchâtre dès le 3ème JAR (Figure 8A). Au 5ème JAR, la croissance du mycélium évoluait au fur et à mesure pour atteindre le bord des BPS avec une coloration rose-saumon à orange-pâle (Figure 7B). Le mycélium s’assombrit à partir du 10ème JAR et devient blanc-terne (Figure 7C).
Le tableau 2 montre les résultats de la vitesse moyenne de la croissance radiale des isolats enregistrés au 3ème, 5ème et 7ème JAR. Il existe une différence hautement significative entre les vitesses de croissance des différents isolats. En effet, les isolats CciCo6, CciCo4 et KciCo10 ont enregistré respectivement les plus fortes vitesses de croissance au 3ème, 5ème et 7ème JAR. Par contre les isolats CciCo5 KciCo31 ont enregistrés les plus faibles vitesses de croissance mycélienne. Cependant, aucun isolat n’a pu atteindre sa croissance maximale (8,50 ± 0,00 cm) au 7ème JAR.
Du point microscopique, les conidies ont présenté les mêmes morphotypes. A la loupe des structures sous formes d’agrégats de couleurs orange ont été observées sur les organes mis en incubation (Figure 9A). Ces conidies sont unicellulaires de couleur hyaline et d’aspect lisse avec les deux extrémités arrondies donnant ainsi une forme cylindrique (Figure 8 B).
Les résultats du tableau 3 montre qu’il existe une différence significative entre les dimensions (longueur et largeur) des conidies des isolats retenus. Les longueurs moyennes des conidies sont comprises entre 16,9 à 19,7 µm. On distingue quatre groupes statistiques. Il s’agit de: groupe 1 (KciCo31, CciCo4); groupe 2 (CciCo1, CciCo2, KciCo9); groupe 3 (KciCo16, KciCo10, CciCo5) et groupe 4 (CciCo6, KciCo15). Les largeurs moyennes sont comprises entre 5,40 à 5,94 µm avec également quatre (04) groupes. Il s’agit notamment de: groupe 1 (KciCo31); groupe 2 (CciCo1CciCo2, CciCo6, KciCo10, KciCo16, KciCo9); groupe 4 (CciCo4, CciCo5, KciCo15). Ces caractéristiques morphologiques sont proches de Colletotrichum gloeosporioïdes. Néanmoins, il y a un chevauchement entre les isolats dans les différents groupes pour les longueurs et largeurs moyennes laissant croire une présence de diversité et présentant du coup les limites des caractéristiques morphologiques dans l’identification.
Pathogénicité des isolats de Colletotrichum sp in vitro sur des feuilles de citronnier
Tous les isolats inoculés sur les feuilles ont induit des lésions nécrotiques rouge-brique (Figure 9 A). Elles évoluent généralement le long de la nervure principale (Figure 9 B) avant de s’étendre à toute la surface foliaire avec un dépôt blanchâtre correspondant respectivement au mycélium et aux acervules du champignon à partir du 7ème JAI (Figure 9 C). Aucun symptôme n’a été observé dans les boîtes témoins (Figure 9 D).
La figure 10 montre les diamètres moyens des lésions nécrotiques in vitro induit par les isolats sur les feuilles de citronnier. L’analyse statistique révèle des différences significatives de pouvoir pathogène entre les isolats au seuil de 5 %. En effet, à 3 JAI les souches KciCo16, KciCo15, KciCo9, CciCo4, CciCo2 et CciCo5 ont été les plus agressifs sur les feuilles. Les longueurs moyennes des lésions ont varié entre 2,34 et 2,78 cm. Par contre, les isolats KciCo10, CciCo6 et CciCo1 ont enregistré les plus faibles longueurs de lésion inférieure à 2 cm. Les lésions nécrotiques évoluent au fil du temps pour envahir toute la surface foliaire. Ainsi, les souches CciCo4 et KciCo16 ont provoquées les plus grandes lésions à 7 JAI.
DISCUSSION
Cette étude préliminaire dans les vergers prospectés au Burkina Faso a permis de diagnostiquer plusieurs symptômes caractéristiques du dessèchement des citrus. Les symptômes observés et décrits dans les vergers prospectés sont similaires à ceux observés au Niger, au Togo, en Iran, en Albanie et au Sud de l’Italie (Haougui, 2013; Tedihou et al., 2017; Espargham et al., 2020; Riolo et al., 2021). Le Burkina Faso tout comme ces pays, est confronté à cette maladie qui touche bon nombre de cultures fruitières notamment les agrumes, les manguiers et les anacardiers. En effet, la maladie a été diagnostiquer dans plusieurs vergers de manguier. Les symptômes observés sur les arbres sont similaires aux symptômes du dessèchement des manguiers (Dianda et al., 2018).
L’incidence et la sévérité du dessèchement varient peu suivant les zones prospectées au Burkina Faso. Les forts taux d’incidence et de sévérité enregistrés dans les deux (02) provinces productrices pourraient s’expliquer par divers facteurs tels que l’agressivité des agents pathogènes responsables, les conditions pédo-climatiques et les pratiques agricoles. Par ailleurs, des fortes incidences et de sévérités de la maladie avaient été signalées sur le manguier dans les provinces ayant les plus faibles pluviométries avec des fortes températures (Dianda et al., 2018). En outre, la présence de la maladie au Burkina Faso pourrait s’expliquer par une contamination à partir du matériel végétal introduit. Cependant, la maladie a été moins sévère dans le site de Diarabakoko par rapport aux autres sites. Cela s’explique par le fait que ce site a bénéficié des conditions favorables à travers la distribution d’eau et l’entretien des vergers. La faible pluviométrie enregistrée dans les deux (02) provinces a contribué à affaiblir les agrumes en les rendant vulnérables aux attaques de bioagresseurs et serait en partie responsable des forts taux de la maladie constatés en 2021. Des études similaires ont montré que la maladie peut être accentuée à cause de ces conditions défavorables. En effet, le stress hydrique favorise la manifestation et l’évolution du dessèchement sur les manguiers (Khanzada et al., 2004)) ce qui pourrait être de même sur les agrumes. Aussi, les températures moyennes annuelles ainsi que la variabilité des précipitations mensuelles contribuent plus au potentiel de distribution de la maladie (McDowell et al., 2014; Galdino et al., 2016).
Les isolements réalisés ont permis d’inventorier six (06) espèces de champignons. Ces espèces de champignons pathogènes présagent la présence d’un complexe de champignons associé au dessèchement des agrumes dans le Kénédougou et dans la Comoé. Cette complexité des espèces fongiques associées au dessèchement des agrumes a été également signalée par divers auteurs. Trois (03) espèces dont Fusarium solani, Phoma glomerata et Lasiodiplodia theobromae ont été isolés sur des agrumes au Togo ( Tedihou et al, 2017). En outre, deux (02) espèces à savoir Colletotrichum gloeosporioides, C. boninense, et plusieurs isolats des espèces du genre Phoma, Pestalotiopsis, Fusarium Penicillium, Aspergillus, Trichoderma et Alternaria ont été obtenues à partir d’arbres malades de Citrus en Iran ( Espargham et al., 2020). La maladie pourrait résulter de l’action isolée ou synergétique des champignons pathogènes (Tedihou et al., 2017).
Parmi les six (06) espèces fongiques obtenues, Colletotrichum sp, Lasiodiplodia sp et Fusarium sp ont été les plus fréquentes. Ces espèces fréquemment observées ont été citées comme des agents pathogènes associés au dessèchement d’une diversité de plantes (agrumes, manguiers, bananiers, etc.) dans les régions tropicales et subtropicales (Zhang, 2014). En effet, des études ont révélé que des espèces comme C. gloeosporioides, C. acutatum, C. karstii, C. siamense, L. theobronae, F. solani, F. sp, et Pestalotiopsis microspora étaient non seulement responsables du dépérissement des agrumes, mais également responsables des maladies de taches foliaires et les pourritures des fruits de nombreuses espèces de plantes dans le monde (Lima et al., 2011; Zhang 2014; Riolo et al., 2021).
Les caractéristiques morphologiques macroscopiques et microscopiques des différents isolats de Colletotrichum sp observés ont été déjà signalées par diverses études. En effet, des souches de Colletotrichum obtenues sur le dépérissement des citrus en Italie avaient une croissance moins rapide et modérément dense de couleur blanc-orange à gris-orange pâle (Riolo et al., 2021). En outre, des souches du champignon obtenues en Albanie présentaient par contre la même morphologie mais les colonies sur PDA étaient peu convexes à croissance rapide avec un mycélium aérien dense et cotonneux. Les caractéristiques microscopiques, notamment la couleur hyaline, avec une absence de septa ainsi que l’intervalle de la taille moyenne des conidies enregistrées sont en accord avec les résultats des études précédentes.
Les caractères ainsi décrits du champignon Colletotrichum sp, sont proche de l’espèce Colletotrichum gloeosporioides. Cependant, la longueur et la largeur des conidies est très variable, cela laisse penser à la présence d’une diversité de champignons de Colletotrichum sp.
Les inoculations de Colletotrichum sp sur les feuilles détachées de citronnier ont permis de constater des nécroses rouge-brique. Les lésions foliaires induites par ces isolats sont variables et quasi similaires aux symptômes rouge-brique observés sur des feuilles d’agrumes dans les vergers prospectés. Ces résultats sont en accord avec ceux des études précédentes (Riolo et al., 2021). En effet, ils ont observé des lésions nécrotiques circulaires sur des jeunes feuilles et matures de deux cultivars d’oranges douces suite à des inoculations in vitro avec des conidies de Colletotrichum (C. gloeosporioïdes, C. acutatum, C. karstii) isolées à partir d’arbres symptomatiques. Par ailleurs, il y a des différences significatives entre les lésions induites par les isolats.
Ces résultats supposent qu’il existe une variabilité de la pathogénicité entre les isolats bien qu’ils soient du même genre. En effet, les résultats des études précédentes ont montré que la pathogénicité des isolats de Colletotrichum (C. gloeosporioides, C. karstii) peut varier même au sein des populations provenant de la même plante-hôte et de la même zone géographique (Riolo et al., 2021).
CONCLUSION
La présente étude avait pour objectif général de faire un diagnostic du dessèchement des citrus au Burkina Faso. L’étude a permis d’apprécier l’importance de la maladie dans les deux principales zones de productions notamment le Kénédougou et la Comoé. En outre, elle a permis d’inventorier un complexe d’espèces de champignons associés au dessèchement des agrumes et de déterminer leurs fréquences sur les organes infectés. Six (06) espèces ont été mises en évidence dont trois (03) sont fréquemment observées sur les différents organes infectés. Colletotrichum gloeosporioides a été identifié comme l’espèce majoritaire et potentiel pathogène responsable de la maladie à l’image de nombreux pays. Ces résultats constituent une source de connaissance sur la diversité des espèces fongiques associées au dessèchement des agrumes au Burkina Faso. De ce fait, des études phylogénétiques et pathogéniques doivent se poursuivre sur Colletotrichum spp ainsi que les autres espèces de champignons pour la mise en place de méthodes de lutte efficace contre cette maladie au regard de l’importance de la culture.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient le Fond National de la Recherche et de l’Innovation pour le Développement (FONRID) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) pour leur contribution financière et technique dans la conduite des activités.
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