Contamination des fèves de cacao par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) en Côte d’Ivoire
Résumé
Cette étude se propose d’évaluer la contamination des fèves de cacao par les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans trois régions productrices de cacao en Côte d’Ivoire (Divo, Gagnoa et Soubré). Au total, 30 échantillons de fèves de cacao ont été prélevés dans les trois grandes régions de production cacaoyère. Ces échantillons ont été transportés au laboratoire pour analyse à l’aide d’une chaîne de Chromatographie Liquide à Haute Performance (HPLC). Les résultats de cette étude ont montré que certains échantillons ont été contaminés par les HAP. Les teneurs les plus élevées se retrouvent dans les échantillons de la localité de Soubré. Ces teneurs moyennes en BaP varient de 0,001 à 0,030 µg/kg, très inférieures à la limite maximale de résidus qui est de 2 µg/kg. Pour les molecules de BaA, aucune trace n’a été détectée dans les différents échantillons analysés. D’une manière générale, les contaminations observées dans les trois localités pourraient être dues à de mauvaises pratiques agricoles.
Mots clés: HAP, résidus, fèves de cacao, contamination
Téléchargements
INTRODUCTION
En Côte d’Ivoire, les principales cultures d’exportation sont le café et le cacao qui assurent à eux seuls l’essentiel du revenu monétaire des ménages ruraux. Le cacao joue un rôle important aussi bien dans les pays producteurs que les pays consommateurs. Le secteur du cacao génère des recettes d’exploitation et constitue une source de revenue et de création d’emploi (Gastellu, 1989). Le cacao est un ingrédient important dans les industries de confiserie et l’agro-alimentaire, et plus récemment dans les industries pharmaceutique et cosmétique (Gayi et al., 2016). Depuis 1970, la culture a connu un essor à tel enseigne que la Côte d’Ivoire occupe la première place mondiale au rang des pays producteurs de cacao, avec des productions atteignant souvent 1,2 millions de tonnes de fèves par an, soit près de 40 % de la production mondiale (Fowler, 1995; Cruz, 1988). L’activité assure l’essentiel du revenu monétaire des ménages ruraux de la Côte d’Ivoire.
Cependant, cette activité agricole majeure est aujourd’hui confrontée à d’énormes difficultés dont la pollution lié au séchage, stockage et transport des fèves de cacao par des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques(HAP) qui peuvent provenir de la combustion des bois, la fumée des échappements des véhicules et des sachets plastiques noirs.
Les HAP sont des hydrocarbures aromatiques constitués de plusieurs cycles benzéniques accolés selon divers formes. La majorité des HAP proviennent des processus de pyrolyse et en particulier de la combustion incomplète de matières organiques ou de composés carbonés.
Parmi les HAP, le Benzo(a) pyrène (BaP) est le plus étudié car il est particulièrement dangereux pour la santé (OMS, 1996).
Pour éclairer les acteurs de la filière cacao sur le niveau de contamination des fèves de cacao par la présence des HAP afin de prendre les mesures adéquates pour garantir la qualité du cacao ivoirien et préserver la santé des consommateurs, notre étude dont l’objectif général est de déterminer le niveau de contamination des fèves de cacao par les HAP a été élaborée.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Matériel Biologique
Les fèves de cacao séchées représentent notre matériel biologique. Elles sont issues de trois (3) régions (Divo, Gagnoa et Soubré) de la zone de production du sud-ouest de la côte d’ivoire.
Échantillonnage des fèves
Les prélèvements des échantillons ont été effectués dans les départements de Divo, Gagnoa et Soubré. Dans chaque département, 10 coopératives et acheteurs ont été choisis sur la base du tonnage. Environ trente (30) échantillons ont été collectés sur l’ensemble des 3 régions à raison de 10 échantillons par localité. Des échantillons élémentaires ont été prélevés en différents endroits des sacs (extrémités et centre) et regroupés pour la constitution de l’échantillon global de quelques kilogrammes selon la quantité disponible dans les entrepôts conformément au règlement N°401/2006 CE.
Méthode d’analyse des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP)
Protocole d’extraction et de purification
L’extraction et la purification ont été faites suivant les recommandations de la norme internationale ISO/DIS 15753 (2006) adaptées aux conditions du laboratoire.
Les HAP sont extraits avec un mélange acetonitrile/acétone, puis purifiés sur des cartouches de phase greffée en C18 ou sur des cartouches de Fluorisil. La détermination de la teneur en HAP individuel après séparation est réalisée par le biais de l’HPLC en mesurant la fluorescence à des longueurs d’onde d’excitation et d’émission différentes.
Extraction
Une quantité de 2,5 g d’échantillon de fèves de cacao préalablement broyé a été prélevée dans un tube à centrifugé. On ajoute 10 ml du mélange acétonitrile/acétone (60:40). Ce composé est agité pendant 30 secondes à l’aide d’un agitateur vortex et placé ensuite à la centrifugeuse pendant 5 mn à 4000 tr/mn. A l’aide d’une micropipette on prélève avec précaution la phase supérieure, puis conservée dans un ballon à décanter dont le poids est connu. L’extraction est répétée 2 fois avec 10 ml du mélange acétonitrile/acétone (60:40). Le solvant des extraits recueillis est ensuite évaporé grâce à un évaporateur à 35°C. On relève après évaporation la masse du ballon contenant la graisse (masse du corps gras). La masse de la matière grasse est déterminée par la différence des 2 masses obtenues.
Purification sur cartouche en phase greffée de fluorisil
Afin de conditionner les cartouches, on prélève 20 g de fluorisil activé par la suite avec 1 ml d’eau bidistillée. La cartouche est rincée avec 5 volumes de 3 ml de dichlorométhane, puis avec 4 volumes de 3 ml d’hexane. Le corps gras est récupéré avec 1 ml de solvant hexane /dichlorométhane (75:25) et transvasé dans la cartouche conditionnée. Le ballon est rincé 2 fois avec 2 ml de ce même mélange. On procède par la suite à l’élution de la cartouche avec 4 ml du mélange hexane/dichlorométhane (75:25). 0,5 ml de toluène est ajouté à la solution recueillie et l’évaporation se poursuit dans les mêmes conditions jusqu’à ce qu’il reste 50 µl dans le ballon. Le résidu est récupéré avec 200 µl d’acétonitrile et conservé dans un vial près pour la lecture au HPLC.
Quantification des HAP
La quantification des HAP a été effectuée par une chaîne HPLC (Chromatographie Liquide à Haute Performance) de marque Shimadzu dans les conditions analytiques citées ci-dessous en passant par la détermination de certains paramètres analytiques:
• Phase mobile constituée de solvant A (Acetonitrile) et du solvant B (eau bidistillée)
• Volume injecté: 20 µl
• Émission: 450 nm
• Excitation: 350 nm
• Solvant de rinçage: la phase mobile
• Durée d’analyse: 10 mn
• Débit: 0,5 ml/mn
• Limite de quantification (LQ): 0,001 µg/kg
• Limite de détection (LD): 0,0003 µg/kg
Expression des résultats
La formule ci-dessous a permis de calculée la concentration du Benzo(a)pyrène à partir des données fournis par la lecture des échantillons au HPLC.
Ci: correspond à la teneur d’un HAPi dans l’échantillon, en µg/kg;
Ai: correspond à la surface du pic (moyenne des trois injections) du HAPi dans la solution de l’échantillon;
Air: correspond à la surface du pic (moyenne des trois injections) du HAPi dans la solution de l’étalon;
Cir: correspond à la concentration du HAPi dans la solution étalon, en µg/l;
V: correspond au volume de l’extrait final en ml;
m: correspond à la masse de l’échantillon en g.
Analyse statistique des données
Les données des analyses de qualité effectuées sur les fèves ont été traitées à l’aide du logiciel XL-STAT 7.0. Ce logiciel a permis de calculer les moyennes et les écarts types afin de comparer les échantillons. Les valeurs obtenues pour le dosage des HAP ont été comparées directement aux normes internationales.
RÉSULTATS
Détermination de la teneur en Benzo(a)pyrène(BaP) et Benzo(a)Anthracène(BaA)
Les résultats de la teneur en B(a)P et B(a)A dans les échantillons de cacao sont présentés par dans des tableaux par zones d’étude.
Localité de Divo
Le tableau 1 présente les résultats du dosage des échantillons en provenance de Divo, en vue de rechercher le B(a)P et le BaA.
Les résultats de ces analyses montrent que le Benzo(a)pyrène est quasi inexistant dans les échantillons prélevés dans la localité de Divo. Seulement 4 échantillons présentent des traces avec des teneurs très faibles, inférieures à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg avec une valeur maximale de 0,015 µg/kg dans l’échantillon D8 et une valeur minimale de 0,005 µg/kg dans les autres échantillons (D2, D9 et D10). Le B(a)P n’a pu être détecté dans les 6 autres échantillons. Pour ce qui est du cas du B(a)A, aucune trace n’a été détectée dans aucun des échantillons de cette localité.
Localité de Gagnoa
Les résultats de la détermination des HAP dans les échantillons de la zone de Gagnoa sont consignés dans le tableau 2.
Sur l’ensemble des 10 échantillons de cette localité, pour ce qui concerne le dosage du B(a)P, seul l’échantillon G2 a une teneur de 0,023 µg/kg, très inférieure à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg. Pour les autres échantillons, le B(a)P n’a pas été détecté. Aucune trace n’a été détectée pour les 10 échantillons dans le cas de la détermination du B(a)A.
Localité de Soubré
Le tableau 3 présente les résultats du dosage des HAP dans les échantillons de la localité de Soubré, comparés à la norme exigée par la Commission Européenne pour les matières grasses végétales dans le cas particulier du B(a)P.
Ce tableau montre que le B(a)P est présent dans certains échantillons de Soubré, mais à des teneurs très faibles inférieures à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg, avec une teneur maximale de 0,030 µg/kg et une teneur minimale de 0,00 1 µg/kg. Cependant, aucune trace de B(a)A n’a été détectée dans les échantillons de cette localité.
DISCUSSION
L’étude de la détermination de la teneur en HAP dans les échantillons de fèves de cacao des 3 localités visitées, à relever une quasi inexistence des HAP. Les teneurs de B(a)P et de B(a)A sont relativement très faibles dans les échantillons étudiés. Au total 30 échantillons ont été récoltés dans les trois grandes régions productrices de cacao en Côte d’Ivoire. Dans la localité de Divo, seulement 4 échantillons présentent des traces de B(a)P. Toutes les teneurs obtenues sont inférieures à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg avec une teneur maximale de 0,015 µg/kg dans l’échantillon D8 et une teneur minimale de 0,005 µg/kg dans les autres échantillons (D2, D9 et D10). Le B(a)P n’a pas été détecté dans les 6 autres échantillons. Ces valeurs sont proches de celle obtenue (0,05 µg/kg) par Kazerouni et al. (2001) dans les viandes frites. Concernant le B(a)A, aucune trace n’a été détectée dans les échantillons de cette localité.
Dans la localité de Gagnoa, sur un ensemble des 10 échantillons, seul l’échantillon G2 a une teneur de 0,023 µg/kg en B(a)P, très inférieure à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg. Pour les autres échantillons le B(a)P n’a pas été détecté. Concernant la molécule de B(a)A, aucune trace n’a été détectée pour les 10 échantillons étudiés.
Pour la localité de Soubré, des traces de B(a)P ont été détectées dans certains échantillons avec des teneurs très faibles, inférieures à la limite maximale de résidus de 2 µg/kg, avec une teneur maximale de 0,030 µg/kg et une teneur minimale de 0,001 µg/kg. Ces résultats obtenus sont inférieurs à ceux obtenus par Aké et al. ,2010 dans les poissons fumés qui varient entre 0,03 et 17,43 µg/kg. Cependant, aucune teneur de B(a)A n’a été détectée dans les échantillons prélevés.
Dans cette famille d’hydrocarbure aromatique polycyclique, le benzo(a)pyrène représente 40 % du risque cancérigène total attribué aux HAP. Raison pour laquelle il a été retenu comme traceur du risque cancérigène pour l’ensemble de la famille des HAP (CICR, 2010).
La recherche du B(a)A dans les échantillons étudiés a révélé l’inexistence de cet élément dans tous les lots des 3 localités. Tous les échantillons ont des teneurs inférieures à la limite de quantification.
L’absence des HAP dans le cacao des localités étudiées pourrait s’expliquer par le respect des bonnes pratiques agricoles observées par les paysans. Les pratiques comme le séchage du cacao sur le bord du goudron et le fumage des fèves en période des saisons pluvieuses susceptibles de contaminer le cacao en HAP, sont de nos jours abandonnées par les planteurs. Le séchage se fait préférentiellement sur bâche faite en sac de farine blanc, sur bâche en plastique noir, sur claie et sur des aires cimentées.
La présence du BaP à des teneurs très faibles dans certains échantillons et surtout à Soubré pourraient être attribuée soit à l’utilisation du plastique noir pour le séchage des fèves. En effet certains HAP comme les pyrènes sont produits pour la fabrication du plastique. Par le caractère volatil de ces derniers, les fèves pourraient donc être contaminées lors du séchage sur le plastique noir. Aussi, la contamination pourrait subvenir lors du transport des sacs de cacao vers les magasins par la fumée d’échappement des véhicules. Lors des échantillonnages, il a été constaté que des magasiniers de certaines coopératives, réchauffaient le cacao devant leurs dépôts à proximité des voies. La fumée dégagée par les véhicules se dépose directement sur les fèves.
CONCLUSION
L’étude menée en vue de déterminer le niveau de contamination des fèves de cacao de la zone de production du sud-ouest de la Côte d’Ivoire a permis de révéler qu’il y a une amélioration de la qualité du cacao produit surtout pendant la grande campagne.
Cette étude a révélé la présence du Benzo(a)Pyrène dans certains échantillons de fèves de cacao analysés, mais les teneurs obtenus sont très inférieures à la limite maximale de résidus exigée par l’EU. Tous les résultats obtenus de la détermination des HAP (BaP et BaA) sont très satisfaisants même si on note la présence des traces dans quelques échantillons.
Les résultats de notre étude permettent d’éclairer les acteurs de la filière sur le niveau de contamination des fèves de cacao par la présence des HAP. Il revient alors aux autorités de prendre des mesures adéquates pour garantir la qualité du cacao ivoirien destiné à l’exportation et préserver la santé des consommateurs.
RÉFÉRENCES
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Gastellu J.M. (1989). Riches paysans de Côte d’Ivoire. Paris: L’Harmattan, 178 p. (Alternatives Paysannes).
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