Typologie des stratégies d’adaptation des éleveuses de petits ruminants au nord du Bénin face au changement climatique

Auteurs-es

  • Elodie DIMON Laboratoire d'Ecologie, Santé et Production Animale, Université de Parakou, Bénin
  • Youssouf TOUKOUROU Laboratoire d'Ecologie, Santé et Production Animale, Université de Parakou, Bénin
  • Alassan S. ASSANI Laboratoire d'Ecologie, Santé et Production Animale, Université de Parakou, Bénin
  • Mohamed Nasser BACO Laboratoire Société-Environnement (LaSEn), Université de Parakou, Bénin
  • H. S. WOROGO Laboratoire d'Écologie, Santé et Production Animale, Université de Parakou, Bénin
  • Y. IDRISSOU Laboratoire d'Écologie, Santé et Production Animale, Université de Parakou, Bénin

Résumé

Le changement climatique (CC) a un impact direct sur l’élevage des ruminants, étant donné qu’il mobilise des ressources dont la saisonnalité et la productivité sont fortement liées au climat. Les éleveuses de petits ruminants réagissent aux effets du CC en adoptant différentes stratégies d’adaptation. La connaissance de ces stratégies s’avère indispensable dans la mesure où elle permettra d’identifier et de vulgariser les meilleures d’ente elles. C’est dans ce cadre que cette étude vise à réaliser la typologie des stratégies d’adaptation développées par les éleveuses de petits ruminants des zones tropicales sèche et subhumide du Bénin. À cet effet, une enquête a été menée auprès de 120 éleveuses de petits ruminants dans 8 villages des deux zones climatiques. Les données collectées ont été relatives aux caractéristiques socio-démographiques, aux perceptions et stratégies d’adaptation développées par ces éleveuses. À l’aide des méthodes d’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM), une typologie de trois groupes de stratégies d’adaptation a été établie. Il s’agit de (1) la stratégie d’intégration des cultures aux animaux (Groupe 1: ICA) développée par 51,7 % des femmes enquêtées, soit 60 personnes; (2) de la stratégie d’intégration des cultures, arbustes et animaux (Groupe 2: ICArA) mise en place par 13,3 % des enquêtés (soit 16 femmes) et enfin (3) de la stratégie d’alimentation basée sur les sous-produits agroindustriels et les résidus de récoltes (ASPR) développées par 35,0 % des femmes éleveuses enquêtées, soit 42 individus. Cette typologie constitue un point de départ pour l’évaluation de la productivité des élevages des petits ruminants en lien avec les stratégies d’adaptation développées par les femmes détentrices de ces élevages.

Mots clés: Changement climatique, caprins, ovins, femmes, stratégies d’adaptation.

Téléchargements

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Introduction

Actuellement, le changement climatique (CC) constitue une menace de plus en plus perceptible pour la viabilité de la population rurale d’Afrique subsaharienne où les communautés vivent principalement de l’exploitation des ressources naturelles (Adimassu & Kessler, 2016; Kaboré et al., 2019). L’élevage constitue une des principales activités économiques dont sont tributaires les populations les plus pauvres de cette région d’Afrique. Il est une source de sécurité alimentaire et nutritionnelle pour environ 820 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire, fournissant 13% du total des calories alimentaires et 33 % des protéines (Gerber et al., 2013). L’élevage emploie environ 1,3 million de personnes (Herrero et al., 2016), fournit du fumier pour la fertilisation des sols à environ 60% de la superficie cultivée dans le monde (Notenbaert et al., 2017) et une assurance en cas de mauvaise récolte (Enahoro et al., 2019; Shinbrot et al., 2019). Malgré l’importance de ce secteur en Afrique subsaharienne, il se caractérise par une faible productivité, qui est attribuée à un climat plus chaud, une génétique et une santé animale médiocres, des pénuries d’aliments, la dégradation des ressources, des infrastructures, des institutions et des marchés médiocres surtout, une forte vulnérabilité aux risques et impacts du CC (Teklewold et al., 2017; Ericksen and Crane, 2018; Maindi et al., 2020). Les impacts du CC dans le secteur de l’élevage se font ressentir sur les ressources fourragères et hydriques (Chapman et al., 2012; Polley et al., 2013) et sur la santé et la productivité des animaux (Henry et al., 2018).

Au niveau des ressources fourragères, les impacts sont le changement de croissance des herbes causé par des changements de la concentration du CO2 atmosphérique et de la température, la modification de la composition des pâturages et le changement de la qualité des fourrages (Polley et al., 2013). En ce qui concerne les ressources hydriques, le CC augmente l’évaporation et réduit considérablement leur disponibilité (Djohy et al., 2015). Sur le plan de la santé et de la productivité des animaux, les effets du CC sont l’augmentation de la fréquence et de la gravité des maladies et des mortalités, la faible croissance des animaux, la faible production laitière, les performances de reproduction médiocres et l’augmentation des coûts de lutte contre les maladies (Lacetera, 2019; Magiri et al., 2020). Ces différents impacts ont été signalés dans plusieurs études menées dans les pays d’Afrique subsaharienne. Au Bénin et au Burkina Faso, les communautés pastorales ont indiqué que la fertilité des animaux et la production de lait et de viande avaient considérablement diminué (Kima et al., 2015; Idrissou et al., 2020). Au Niger, les pasteurs ont affirmé que le CC a pour impact la dégradation des sols et la désertification avec comme conséquences une réduction des pâturages, une diminution des espèces ligneuses et herbacées, une insuffisance de la régénération naturelle et une augmentation des mouvements de transhumance (Abdou et al., 2020). Cette même observation a été faite par les agro-pasteurs du bassin de la Sota de Malanville au Bénin (Zakari et al., 2015). Conscient des effets du CC sur leurs moyens de subsistance, les éleveurs ont développé plusieurs stratégies pour s’adapter (Idrissou et al., 2020). Dans les pays en voie de développement, de nombreuses études ont apporté des éclaircissements sur ces stratégies d’adaptation. Au Bénin par exemple, des études ont révélés que les éleveurs s’adaptent au CC en pratiquant la mobilité pastorale, en intégrant l’agriculture à l’élevage, en réduisant le cheptel (Lesse et al., 2017; Idrissou et al., 2020). Les éleveurs du Burkina Faso s’adaptent au CC en diversifiant les espèces animales, en intégrant l’agriculture à l’élevage, en installant des parcelles fourragères et en pratiquant des activités extra-agricoles (Zampaligré et al., 2014; Kima et al., 2015; Sanou et al., 2018). Toutes ces études ont été réalisées chez les hommes éleveurs de bovins. Cependant, aucune étude à notre connaissance ne s’est penchée sur les stratégies développées par les femmes éleveuse de ruminants pour faire face au CC. Il serait donc nécessaire qu’une étude se penche sur la question afin de comprendre comment les femmes éleveuses de petits ruminants s’adaptent au CC. Ainsi, la présente étude qui vise à caractériser les stratégies d’adaptation développées par les éleveuses de petits ruminants dans deux zones climatiques du Bénin vient à point nommé.

Matériel et méthodes 

Milieu d’étude

La présente étude a été réalisée dans deux des trois zones climatiques que compte le Bénin (situé entre 6° et 12° 50’ N et 1° et 3° 40′ E). Il s’agit de la zone tropicale sèche située entre 9° 45′ et 12° 25′ N et de la zone tropicale subhumide située entre 7° 30′ et 9° 45′ N (Figure 1). Le choix de ces zones repose sur le fait que les prévisions climatiques indiquent qu’elles sont les plus vulnérables au déficit pluviométrique et à la forte insolation (Gnanglè et al., 2011; MEHU, 2011). Et pourtant, c’est dans ces zones que la pratique de l’élevage est développée (Alkoiret et al., 2011).

Dans chaque zone, deux (2) communes ont été choisies sur la base du grand nombre d’éleveuses de petits ruminants et d’entretiens préliminaires avec les techniciens des Agences Territoriales pour le Développement Agricole (ATDA). Ainsi, les communes de Tchaourou et Nikki ont été retenues dans la zone tropicale subhumide et ceux de Gogounou et Malanville dans la zone tropicale sèche. Au sein de chaque commune, deux villages ont été retenus, ce qui donne un total de 8 villages pour l’ensemble de l’étude (Figure 1).

Échantillonnage

Sur la base des entretiens effectués avec les techniciens des ATDA, 15 éleveuses par village ont été retenues, ce qui donne un total de 120 éleveuses de petits ruminants pour l’ensemble des deux zones climatiques. Cet échantillon a été choisi au hasard parmi les éleveuses qui répondaient au critère suivant: avoir au moins 5 têtes d’ovins et/ou de caprins (Touré & Ouattara, 2001).

Collecte des données

La collecte des données a été effectuée de mars à juin 2021, à travers des entretiens individuels à l’aide d’un questionnaire numérique basé sur l’application Kobo-Collect sur téléphone Android. Les données collectées ont été relative aux caractéristiques socio-démographiques des éleveuses (âge, expérience en élevage, ethnie, nombre d’actifs agricoles, niveau d’instruction, contact avec les services de vulgarisation agricole, appartenance à une organisation d’éleveurs, accès à la terre, la taille du cheptel ovin et/ou caprin etc…) à la perception des éleveuses du CC ainsi qu’aux stratégies qu’elles développent pour s’adapter.

Analyse des données

Les données de l’enquête ont été saisies dans le logiciel Excel 2010, avant d’être importées dans le logiciel R.3.5.1. (R Core Team Development, 2018) pour les analyses statistiques. Pour réaliser la typologie des stratégies d’adaptation des éleveuses de petits ruminants, une Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM), suivie d’une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) ont été effectuées sur les données relatives aux stratégies d’adaptation qu’elles ont développées pour s’adapter au CC ainsi que sur leurs caractéristiques sociodémographiques à l’aide du package Factoshiny du logiciel R (Husson et al., 2016). Les éleveuses adoptant les différents groupes de stratégies identifiés ont été ensuite comparés entre elles. Le test de Chi-carré (χ2) suivi du test bilatéral de Z ont été utilisés pour les variables qualitatives. Pour les variables quantitatives, l’analyse de variance (ANOVA) a été utilisée. La comparaison multiple des moyennes a été effectuée avec le test de Tukey lorsque l’ANOVA indiquait une différence significative (p<0,05).

Résultats 

Caractéristiques socio-démographiques des éleveuses enquêtées

Les caractéristiques socio-démographiques des éleveuses enquêtées sont résumées dans le tableau 1. La quasi-totalité des éleveuses interrogées sont du groupe socio-culturel peulh (62,5%) et bariba (22,5%). Le premier groupe socio-culturel est beaucoup plus présent dans la zone subhumide alors que le second groupe est plus rencontré dans la zone sèche. Parmi les éleveuses enquêtées, très peu ont été scolarisées (11,7%). Le nombre d’éleveuses scolarisées de la zone tropicale sèche a été significativement supérieur (p<0,05) à celui de la zone subhumide. De façon générale, très peu d’éleveuses enquêtées sont membres d’une organisation d’éleveuses (23,3%). Les éleveuses membres d’une organisation ont été plus présentes (p<0,05) dans la zone subhumide que dans la zone sèche. Plus de la moitié (51,7%) des éleveuses enquêtées sont en contact avec les services de vulgarisation agricole. Il n’existe aucune différence significative (p>0,05) entre le nombre d’éleveuses en contact avec les services de vulgarisation agricole de la zone sèche et celle subhumide.

L’âge des éleveuses enquêtées a varié de 20 à 65 ans (42 ± 0,87 ans en moyenne). La taille de leur cheptel ovin était en moyenne de 12,0 ± 1,2 têtes et celle du cheptel caprin de 7,0 ± 0,72 têtes.

Typologie des stratégies d’adaptation développées par les éleveurs de petits ruminants

Les deux premiers axes factoriels obtenus à partir de l’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM), ont permis d’avoir un pourcentage cumulé de variance expliquée supérieur à 50% et sont donc considérés pour l’interprétation des résultats (Figure 1). Les stratégies d’adaptation discriminantes ont été l’intégration des cultures et animaux, l’intégration des cultures, arbustes et animaux et enfin l’utilisation des sous-produits agro-industriels (SPAI) et résidus de récoltes. Ainsi, le premier axe oppose les éleveuses adoptant la stratégie d’intégration des cultures aux animaux (Groupe 1: ICA), des éleveuses qui développent la stratégie basée sur l’alimentation en SPAI et résidus de récolte (Groupe 3: ASPR). Le second axe quant à lui, présente les éleveuses qui pratiquent l’intégration des cultures, arbustes et animaux (Groupe II: ICArA).

Groupe 1: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’intégration des cultures aux animaux (ICA)

L’intégration des cultures aux animaux (ICA) constitue la stratégie d’adaptation des éleveuses de petits ruminants du groupe 1 pour faire face au CC. Cette stratégie a été développée majoritairement par 51,7% des éleveuses enquêtées, soit 62 éleveuses (Figure 1). Ces éleveuses sont en majorité du groupe socioculturel Peulh (88,7%) et localisés dans la zone tropicale subhumide (75,8%). Les terres agricoles sur lesquelles ces éleveuses pratiquent leurs activités sont acquises majoritairement par location (85,5%). La reproduction constitue le principal objectif de production des éleveuses de ce groupe (94,2%). Les éleveuses de ce groupe sont relativement jeunes avec un âge moyen de 42,0 ± 1,28 ans. La taille de leur cheptel ovin est en moyenne de 15 têtes et celle du cheptel caprin est de 6 têtes (Tableau 2).

Groupe 2: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’intégration des cultures, arbustes et animaux (ICArA)

Pour s’adapter au CC, les éleveuses de ce groupe intègrent les cultures, les arbustes et les animaux (ICArA). Cette stratégie a été développé par 13,3 % des éleveuses enquêtés soit un total de 16 personnes (Figure 1). Ces éleveuses ont pour objectif de production, la reproduction et l’engraissement (90,8%). Elles sont majoritairement du groupe socio-culturel Bariba (81,2%) et localisé dans la zone tropicale sèche (100%). Leur taux de scolarisation est semblable (p>0,05) à celles des deux autres groupes (Tableau 2). Elles sont toutes en contact avec les services de vulgarisation agricole (100%), mais ne sont pas membre d’une organisation d’éleveurs. Les modes d’acquisition des terres agricoles par ces éleveuses sont principalement l’héritage (50%) et l’achat (31,2%). Les éleveuses développant la stratégie ICArA ont un âge moyen de 44,0 ± 2,7 ans. La taille de leur cheptel ovin est en moyenne de 16 têtes et celle du cheptel caprin de 5 têtes.

Groupe 3: Éleveuses de petits ruminants à stratégie d’alimentation basée sur les sous-produits agro-industriels et les résidus de récoltes (ASPR)

Deux types de pratiques sont rencontrés dans ce groupe. Il s’agit de l’utilisation de sous-produits agro-industriels (SPAI) et de résidus de récoltes dans l’alimentation des animaux (Figure 1). Ces pratiques sont qualifiées de stratégies d’alimentation basée sur les sous-produits agro-industriels et les résidus de récoltes (ASPR). Ce groupe de stratégie a été développé par 35% des éleveuses enquêtées (soit un total de 42 individus), dont l’âge moyen est de 43,0 ± 1,3 ans (Tableau 2). Dans ce groupe, l’on rencontre les éleveuses de tous les groupes socio-culturels, ce qui n’est pas le cas avec les deux premiers groupes. Signalons que les groupes socio-culturels les plus dominants sont les peulhs (40,5%) suivi des bariba (19,0%), dendi (19,0%) et Haoussa (11,9%). Le taux de scolarisation (14,3%) des éleveuses de ce groupe est semblable (p>0,0) à celui des éleveuses des deux autres groupes. Dans ce groupe, que l’on rencontre moins d’éleveuses (9,50%) en contact avec les services de vulgarisation agricole. La majorité des éleveuses (89,3%) qui adoptent la stratégie ASPR ne possèdent pas de terres agricoles. Elles ont pour objectif de production l’engraissement des ovins et caprins dont les tailles moyennes sont respectivement de 6 et 9 têtes.

Discussion

L’adaptation suppose «des ajustements des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques réels ou attendus ou à leurs effets, qui atténuent les dommages ou exploitent les opportunités bénéfiques» (IPCC, 2007). L’adaptation aux impacts négatifs du CC est impérative car l’absence d’adaptation pourrait entraîner des conséquences désastreuses telles que la perte de moyens de subsistance, des conflits sociaux et des déplacements, voire la mort (Ima-Ouoba, 2018). Les mesures d’adaptation visent à réduire la vulnérabilité des individus aux effets néfastes du CC tout en garantissant la durabilité. Une adaptation efficace des éleveurs nécessite des changements dans les processus, les pratiques et les structures pour parvenir à un développement durable (Magiri et al., 2020). Les résultats de cette étude ont permis d’identifier trois (3) groupes de stratégies développés par les éleveuses de petits ruminants pour s’adapter au CC. Plusieurs raisons pourraient expliquer l’adoption d’un ou l’autre groupe de stratégie d’adaptation par les éleveuses.

L’accès aux terres agricoles constitue une première raison. En effet, la capacité des éleveuses à s’adapter efficacement aux impacts du CC dépend largement de l’accès aux ressources de base, comme la terre, qui peuvent leur permettre de répondre efficacement aux chocs climatiques en évolution. Par exemple, Akugre et al. (2021) ont estimé que la capacité d’adaptation d’un système dépend largement de la disponibilité et de l’accès aux actifs clés, qui permettent à ce système de répondre efficacement aux chocs et opportunités climatiques émergents, et d’être en mesure d’adopter des innovations en réponse à ces changements. C’est dans le même ordre d’idée que Maru et al. (2014) ont estimé que la terre constitue un élément essentiel de la prise de décision des éleveurs en matière d’adaptation. De façon générale en Afrique de l’Ouest, les décisions concernant la sélection des stratégies d’adaptation sont fortement influencées par la possession des terres agricoles (Sietz and Van Dijk, 2015). Les stratégies ICA et ICArA développées par les éleveuses de petits ruminants des zones tropicales sèche et subhumide du Bénin nécessitent la possession de terres agricoles. En effet, les éleveuses pratiquant ces deux types de stratégies ont accès aux terres agricoles, mais pas de la même manière. Les éleveuses pratiquant la stratégie ICA ont accès à la terre par location, ce qui ne leur permet pas de planter des arbres sur ces terres. Par contre, les éleveuses qui développent la stratégie ICArA ont acquis leur terre par héritage et achat, elles ont donc le droit de l’exploiter comme elles le veulent, d’où la raison pour laquelle elles ont planté des arbustes. Des droits de propriété foncière sécurisés pourraient être utilisés comme une incitation à adopter des stratégies d’adaptation, comme la plantation des arbres et/ou arbustes (Kokoye et al., 2013). Lorsque ces droits de propriété ne sont pas garantis, il y a une probabilité d’expropriation (Yegbemey et al., 2013). La pratique de l’intégration des cultures, arbustes et animaux nécessite un régime foncier relativement sûr pour garantir que les éleveurs qui investissent des efforts dans ces pratiques conservent le droit d’exclure d’autres personnes de la récolte (Amole & Ayantunde, 2016).

L’utilisation des sous-produits agro-industriels et résidus de récolte dans l’alimentation des petits ruminants, comme stratégie d’adaptation, a été développée par les éleveuses de cette étude. Ces dernières possèdent rarement des terres agricoles. Elles achètent donc les sous-produits agro-industriels et résidus de récolte pour alimenter leurs animaux. Ces animaux sont donc engraissés et vendus surtout en période de fête. Cette stratégie développée par les éleveuses est une stratégie à court terme. Ceci est en accord avec Ayamga et al. (2015) qui ont découvert au Ghana que les producteurs dont les arrangements fonciers n’étaient pas sûrs étaient plus susceptibles d’investir dans l’adoption de stratégies d’adaptation à court terme.

L’objectif de production constitue une seconde raison qui pourrait expliquer l’adoption d’un ou l’autre groupe de stratégie par les éleveuses. Bien que les éleveuses qui adoptent les deux premiers groupes de stratégies possèdent tous de terres agricoles, leurs stratégies diffèrent. En effet, ces éleveuses n’ont pas le même objectif de production. Les éleveuses à stratégie ICA ont un objectif plus orienté vers la reproduction alors que les éleveuses à stratégie ICArA ont un objectif orienté non seulement vers la reproduction mais aussi vers l’engraissement. La pratique de la stratégie ICA permet aux éleveuses d’avoir du fumier en abondance, ce qui leur procure des rendements très élevés par rapport aux non éleveuses et de disposer aussi de résidus de récolte pour alimenter les animaux (Idrissou, 2021). Par ailleurs, les produits issus de la récolte servent aussi de sources d’aliments pour l’éleveuse et sa famille. Dans le cas où, ces produits sont excédentaires, ils sont vendus et les revenus sont utilisés pour l’achat de certains intrants comme les produits vétérinaires. Ce résultat corrobore ceux de Piya et al. (2013) au Népal et ceux de Kima et al. (2015) au Burkina Faso.

La stratégie ICA développée par les éleveuses de petits ruminants du groupe 2 a été un peu plus améliorée par les éleveuses du groupe 3 à travers l’introduction des ligneux fourragers dans leurs exploitations. Ces ligneux fourragers qui sont pour la plupart des légumineuses (Leucaena leucocephala, Gliricidia sepium, Mioringa oleifera etc…) fournissent un fourrage précieux qui complète la végétation herbacée sénescente et les résidus de récolte de faible digestibilité et de faible valeur nutritive, surtout en saison sèche (Zampaligré et al., 2014). A cette période, les espèces ligneuses fourragères ont, de façon échelonnée, des feuilles tendres et des fruits capables de couvrir les besoins nutritifs du bétail (Dione et al., 2020). De nombreuses études ont abordé la valeur des ligneux fourragers pour la nutrition du bétail, comme une augmentation de l’apport énergétique métabolisable, de l’apport d’azote et de l’efficacité de l’utilisation des aliments, et donc une amélioration des performances de reproduction et de production des animaux (Idrissou et al., 2017; Dimon et al., 2018) surtout dans le contexte du changement climatique.

Conclusion

Cette étude a permis d’identifier trois groupes de stratégies d’adaptation développées par les éleveuses de petits ruminants dans les zones tropicales sèche et subhumide du Bénin. Il s’agit de la pratique d’intégration des cultures et animaux (ICA); de la pratique d’intégration des cultures, arbustes et animaux (ICArA) et enfin de la pratique basée sur l’alimentation en sous-produits agro-industriels et résidus de récolte (ASPR). L’élaboration de cette typologie constitue une phase primordiale pour la mise en œuvre des stratégies d’adaptation durables face au CC. Des travaux ultérieurs se consacreront à évaluer la productivité des élevages de petits ruminants détenus par les femmes et adoptant chaque groupe de stratégie.

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Publié-e

15-06-2022

Numéro

Rubrique

Production et Santé Animales