Problématique de campylobacter spp. en aviculture
Résumé
De nos jours, campylobacter est considéré comme l’un des plus importants pathogènes causant un spectre très large de manifestations cliniques dont la campylobacteriose est la plus fréquente. Tandis que les efforts sont fournis pour limiter ou contrôler la transmission de ce pathogène. L'incidence des infections à campylobacter reste toujours en augmentation dans le monde entier. La transmission se fait principalement par voie alimentaire après ingestion de volailles étant le principal réservoir de cette bactérie. L’objectif de cette étude est de mettre à jour et de décrire les données liées au genre campylobacter, ses caractéristiques, ses mécanismes de virulence ainsi que les origines des infections de volailles et de l’homme. Les différents problèmes causés par campylobacter, son diagnostic et traitement sont aussi évoqués. Finalement cette revue présente également un aperçu sur la résistance aux antibiotiques qui constitue une menace majeure pour la santé publique au niveau mondial.
Mots clés: Campylobacter spp., campylobacteriose, volaille, résistance aux antibiotiques
Téléchargements
INTRODUCTION
La salubrité des aliments est devenue un enjeu majeur de santé publique dans le monde entier. En effet, la prévalence des maladies d’origine alimentaire reste extrêmement élevée dans tous les pays. La consommation d’aliments contaminés par des micro-organismes nocifs, tels que les bactéries, les virus et les parasites est la cause principale de ce type de maladie (WHO, 2006). Les scientifiques ont identifié des centaines de maladies d’origine alimentaire dont la campylobacteriose est la prédominante partout dans le monde, c’est une gastro-entérite causée par Campylobacter.
Les bactéries de genre Campylobacter sont des bactéries gram négatif, micro aérophiles et non sporulantes (Euzéby, 2005), ayants pour réservoir le tube digestif des animaux des filières de production notamment la volaille. La voie principale de transmission à l’homme est l’ingestion des volailles ou de produits de volaille contaminés.
Ces bactéries ont plusieurs facteurs de virulence et mécanismes de survie qui leurs permettent de surmonter les barrières de défense de l’hôte pour déclencher les maladies et survivre au stress environnemental.
Ces maladies peuvent généralement être autolimitées mais peuvent évoluer vers des syndromes post infectieux comme le syndrome de Guillain-Barré.
Le diagnostic est généralement microbiologique, il se fait par l’isolement de la bactérie dans la coproculture, mais il existe d’autres méthodes de diagnostic qui permettent d’identifier et d’isoler la bactérie dans des délais réduits.
Sur le plan clinique, le traitement se fait souvent par le remplacement des fluides perdus et des électrolytes, cependant l’antibiothérapie est réservée au cas sévères. Les macrolides et les fluoroquinolones sont alors le traitement de choix. Néanmoins des niveaux élevés de résistance aux antibiotiques de Campylobacter isolés dans la volaille et les produits de volailles ont été signalés dans de nombreuse études dans le monde y compris la résistance aux macrolides et fluoroquinolones (Kittl et al., 2010; Panzenhagen et al., 2016).
HISTORIQUE ET TAXONOMIE
Campylobacter a été décrit pour la première fois en 1886 par Theodor Escherich après avoir observé des bactéries spiralées dans des échantillons de selles d’enfants diarrhéiques (bactéries présentes dans les colons de 35 enfants morts de ce qu’il a appelé le «cholera infantum») (Kist, 1983). Plus tard, en 1913, McFayden et Stockman identifieront un micro-organisme chez un fœtus de mouton ayant avorté et le rattacheront au genre Vibrio par sa morphologie spiralée (Butzler, 2004).
Smith et Taylor en 1919, baptisent cette nouvelle espèce issue du produit d’avortement d’ovins Vibrio fetus (Doyle, 1981). En médecine humaine, Vibrio jejuni fut dans un premier temps isolé à partir de sang de plusieurs patients atteints de diarrhée (Levy, 1946). En 1963, le genre Campylobacter fut crée. Celui-ci se distingue du genre Vibrio par un plus faible pourcentage en guanine et cytosine (GC) dans leur séquence nucléotidique (Sebald et Véron, 1963).
Dans les années 70, le développement de techniques permettant une identification plus aisée des Campylobacter a permis de souligner leur rôle dans les maladies diarrhéiques.
Par la suite Butzler, en utilisant une méthode de filtration différentielle des suspensions fécales, a montré leur importance comme source de gastro-entérites humaines (Butzler et al., 1973). Par la suite, le développement des techniques de culture et de milieux sélectifs a facilité la détection et l’identification du genre Campylobacter (Altekruse et al., 1999).
La taxonomie du genre Campylobacter a largement évolué au cours des années surtout grâce au développement des méthodes de classification et la possibilité d’isolement en culture. Ces bactéries font partie du règne des eubactéries, de la classe des protéobactéries, de l’ordre des Campylobactérales. À l’intérieur de ce dernier se trouve la famille des Helicobacteraceae (dont le représentant le plus connu en pathologie humaine est Helicobacter pylori), des Hydrogenimonaceae et des Campylobacteraceae. La famille des Campylobacteraceae compte trois genres: Arcobacter, Campylobacter et Sulfurospirillum. Le genre Campylobacter compte, à l’heure actuelle, 17 espèces et 6 sous espèces très hétérogènes entre elles et occupant des environnements variés (WHO, 2016).
CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES
Morphologie
Les Campylobacters sont des bacilles à Gram-négatif, incurvés, spiralés en «ailes de mouettes» ou hélicoïdal dont la taille est de 0,2 à 0,8 μm de diamètre et de 0,5 à 5 μm de longueur (Euzéby, 2005).Ils peuvent exister sous forme coccobacillaire (forme de résistance sur culture âgée ou en conditions non optimales). Ils ont une forme non sporulante, généralement mobile par un seul flagelle à l’un ou aux deux pôles des cellules (amphitriche) (décrit dans les stades de pré-division) (Penner, 1988). Néanmoins, C. gracilis est une espèce immobile et dépourvue de flagelles.
Caractères biochimiques
Les campylobacters possèdent plusieurs caractères biochimiques, qui nous permettent d’identifier et de différencier entre les différentes espèces.
D’autres caractères biochimiques existent; ils sont exploités pour la réalisation de divers schémas de biotypages, propres aux campylobacters et qui ont un intérêt taxonomique et de diagnostic; mais qui sont de moins en moins utilisés (Leblanc Maridor, 2008).
Culture
Les principales espèces pathogènes pour l’homme sont couramment contractées par l’alimentation, notamment Campylobacter jejuni, Campylobacter coli, Campylobacter lari et Campylobacter upsaliensis, ces derniers sont classés comme thermotolérants en raison de la température de croissance optimale d’environ 42°C (Levin, 2007). Les bactéries de ce genre sont principalement microaérophiliques avec un métabolisme de type respiratoire, se développant le mieux dans une atmosphère contenant environ 3 à 6% d’O2, 10% CO2 et 85% N2.
Ils sont fastidieux, nécessitent des environnements nutritionnels complexes et peuvent former une forme coccoïde dans les anciennes cultures et dans des conditions de stress, en passant à l’état viable mais non cultivable.
MÉCANISMES DE VIRULENCE
Les mécanismes de survie et d’infection utilisés par Campylobacter pour surmonter les obstacles de l’organisme hôte et de la médiation des maladies chez l’homme sont complexes et ne sont pas entièrement connues, tout ce qui est connu sur ce processus est dû à des études réalisées principalement avec Campylobacter jejuni.
Les processus de colonisation et d’infection nécessitent plusieurs facteurs de virulence:
Adhésion aux cellules intestinales
La colonisation intestinale (du petit intestin dans un premier temps puis du colon) de l’homme et de l’animal par Campylobacter est associée à des mécanismes de mobilité et chimiotactisme. Les protéines composant le flagelle bactérien ainsi que les protéines chimiotactiques (Che A, B, R, W, Y et Z) et les récepteurs associés (Hamer et al., 2010) sont donc indispensables à cette première étape.
L’adhésion aux cellules épithéliales fait intervenir différentes adhésines identifiées présentes à la surface de la bactérie, comme le CadF qui est une protéine de la membrane externe de Campylobacter qui sert de médiateur pour l’adhésion cellulaire par liaison à la fibronectine, son rôle a été démontré in vivo (Monteville et al., 2003; Krause-Gruszczynska et al., 2007). Certaines études ont montré aussi l’importance de PEB1 (Pei et Blaser, 1993) et JLpA (Jin et al.,2001; Jin et al., 2003) dans ce mécanisme.
Invasion: Effet cytotoxique ou cytotonique sur les cellules intestinales
L’invasion se ferait, à la fois, par liaison des adhésines bactériennes à des récepteurs spécifiques puis internalisation via une vacuole d’endocytose (mécanisme «zipper») ainsi que par injection d’effecteurs protéiques variés dans la cellule hôte via des systèmes de sécrétion de type III ou IV (T3SS, T4SS) induisant l’endocytose du micro-organisme (mécanisme «trigger») (Ó Cróinín et Backert, 2012) (Figure 2). Certains campylobacters sont capables de traverser la barrière intestinale par voie paracellulaire en altérant les jonctions serrées des entérocytes (Man,2011).
Translocation
Campylobacter peut occasionner une translocation soit à travers des cellules épithéliales par endocytose (voie transcellulaire), soit en migrant entre les cellules (voie paracellulaire) (Konkel et al., 1992). Pour passer entre les cellules, la bactérie entraîne une altération des «tight junctions» et la production d’une cytokine pro-inflammatoire (Bras et Ketley, 1999; Chen et al.,2006).
Production de toxines
Parmi les toxines produites par Campylobacter, la CDT (cytolethal distending toxin) est la plus étudiée et est retrouvée chez de nombreuses bactéries Gram négatives. Elle comprend 3 sous-unités codées par cdtA, cdtB et cdtC qui sont essentielles à son activité. CdtA et CdtC permettent la liaison de la toxine aux récepteurs présents sur la surface cellulaire, CdtB étant la sous-unité enzymatique active. Cette dernière va pénétrer dans le noyau et induire des cassures de l’ADN double-brin conduisant à un arrêt du cycle cellulaire en phase G2 et une apoptose par fragmentation du noyau et distension cellulaire. Son rôle est de faciliter la colonisation, d’induire une inflammation intestinale et de résister à la clairance bactérienne de l’hôte (Man, 2011). D’autres toxines existent mais leurs rôles sont moins bien caractérisés.
Échappement immunitaire et survie
Le lipooligosaccharide (LOS) présent à la surface de plusieurs espèces de Campylobacter intervient aux phases adhésion, d’invasion, est impliqué dans les mécanismes de résistance au sérum et dans l’évasion du système immunitaire de l’hôte. Cet échappement immunitaire est lié, d’une part, à la grande diversité des loci LOS et, d’autre part, à la capacité des bactéries à moduler la structure du LOS par sialylation diminuant ainsi leur immunogénicité et augmentant leur potentiel invasif (Guerry et al.,2000; Louwen et al., 2008). À noter que certains types de LOS mimant les structures gangliosidiques humaines peuvent induire chez l’hôte une réponse auto-immune à l’origine du développement des syndromes de Guillain-Barre et de Miller-Fisher (Kaakoush et al., 2015). La capsule polysaccharidique trouvées à la surface des campylobacters constitue une barrière contre la dessiccation, favorise la formation de biofilm, confère une adhérence aux cellules hôtes et une résistance au sérum humain en limitant l’accès des molécules actives du complément à la membrane bactérienne et en masquant les antigènes bactériens (Karlyshev et al., 2000). Le biofilm, autre facteur d’échappement immunitaire et de survie en milieu hostile est synthétisé lors de l’exposition à un environnement pauvre en nutriments ou en atmosphère aérobie (Bronowski et al., 2014).
ÉPIDÉMIOLOGIE
Habitat
Les infections à Campylobacter ont un caractère zoonotique (Blaser, 2006). La niche écologique des campylobacters est le tube digestif des oiseaux sauvages ou domestiques notamment des volailles qui jouent un rôle important en tant que réservoir de Campylobacter, en disséminant ce micro-organisme dans l’environnement aux autres animaux et aux humains (Whiley et al., 2013).
D’autres animaux peuvent contribuer à leur diffusion comme les ovins et bovins voire les animaux de compagnie (chiens, chats) ou bien encore les rongeurs qui peuvent contaminer l’environnement via leurs déjections. Certaines espèces de Campylobacter ont des réservoirs préférentiels. Par exemple, C. jejuni colonise plus spécifiquement le tube digestif des oiseaux tandis que C. coli est essentiellement retrouvé chez les porcs. Des espèces plus rares telles C. lari ou C. upsaliensis sont retrouvées respectivement chez la mouette ou le chien.
Incidence
Depuis 2005, Campylobacter constitue la première cause d’infections intestinales bactériennes chez l’homme. Selon les derniers chiffres de l’EFSA (European Food Safety Authority) et de l’ECDC (European Center for Disease Prevention and Control), Campylobacter est l’agent zoonotique le plus fréquemment rapporté au sein de l’Union Européenne, devant Salmonella, avec plus de 229 000 cas rapportés au cours de l’année 2015 (données recueillies dans 32 pays européens), soit une incidence de 65,5 cas pour 100 000 habitants (EFSA, 2016).
Aux États Unis le nombre de cas rapportés par année est de 1,5 millions. (CDC, 2017), 4 millions au Canada (PHAC, 2018). En France, l’incidence est estimée à 45,7 cas pour 100 000 habitants (EFSA, 2016).
En Afrique, la situation semble plus préoccupante. Selon les estimations, il s’agit de la région qui est proportionnellement à la population confrontée à la plus forte charge des infections à Campylobacter, en raison de l’absence de systèmes de contrôle et de surveillance des campylobactérioses.
Au Maroc, le nombre de cas humains de campylobactériose n’est pas bien estimé. En effet, les campylobactérioses ne sont pas des maladies à déclaration obligatoire (MAO). Les patients ne consultent pas systématiquement, par conséquent les informations de campylobacteriose ne sont pas systématiquement mises en œuvre; Il s’en suit une non prise en compte des cas dans les statistiques officielles des TIAC et des (MAO) au Maroc.
Il faut noter que l’incidence est maximale chez les enfants de moins de dix ans tandis que la tranche d’âge 40-60 ans est la moins touchée. Globalement les hommes présentent une incidence plus élevée que les femmes (Van Cauteren et al,, 2016). De plus, un effet saison est clairement observé avec un nombre de cas rapportés beaucoup plus élevé pendant les mois d’été.
Origine des infections de volailles
La viande n’est jamais stérile, le poulet non plus. En effet, dans un morceau de viande ou de poulet vivent probablement quelques 1000 espèces de bactéries. Selon Des chercheurs de l’Institut des Pathogènes Émergents (EPI) de l’Université de Floride aux États-Unis, le couple Campylobacter-poulet est celui qui est à l’origine du plus grand nombre de cas de Maladies Infectieuses d’Origine Alimentaire (MIOA). En effet, Parmi tous les aliments liés à ces maladies, la volaille et les produits dérivés sont considérés comme un contributeur majeur à la campylobactériose humaine (Hunt et al., 2001; OMS, 2016).
Les sources d’infection des volailles à Campylobacter sont très diverses, la bactérie étant ubiquitaire dans l’environnement. La contamination alors peut se faire par différentes voies; dans l’élevage, lors du transport ou à l’abattoir.
La transmission horizontale de ce micro-organisme peut être considérée comme la source principale de contamination de la volaille. Ces animaux peuvent être colonisés par Campylobacter via le contact avec des animaux infectés tels que d’autres volailles, d’autres espèces d’animaux de compagnie ou d’élevage dans le cas des élevages avec plusieurs espèces. Les insectes peuvent également être une source de Campylobacter (Shane et al., 1985).
Une autre source de contamination des poulets par Campylobacter, souvent évoquée, dans la littérature, est la contamination par l’aliment ou par l’eau de boisson. L’eau de boisson peut être vecteur de la colonisation des poulets (Pearson et al., 1987). L’équipement et le personnel en contact avec les volailles sont considérés aussi comme une importante source de contamination, en effet la transmission aux poulets se faisant alors par l’intermédiaire des éleveurs eux-mêmes (mains, bottes, vêtements…etc).
Le transport a un effet aussi sur la contamination des carcasses, ainsi qu’au cours du processus d’abattage, si les pratiques concernant la biosécurité sont inexistantes ou insuffisantes, la contamination croisée entre les troupeaux de volailles est presque inévitable. Par conséquent, les oiseaux infectés peuvent contaminer les équipements de l’abattoir, ce qui entraînera une contamination des carcasses surtout pendant les étapes de l’échaudage, de la plumaison et de l’éviscération car ce sont les étapes où les risques de contamination des carcasses sont les plus élevés.
D’autre part, la contamination verticale des volailles est peu probable. Campylobacter n’est pas capable de passer à travers la coquille de l’œuf et de contaminer sa partie interne. Ainsi, une volaille infectée n’est pas capable d’infecter sa progéniture via l’œuf (Fonseca et al., 2014).
Prévalence de Campylobacter chez la volaille
La viande de volaille constitue une source importante de protéines de haute qualité dans la plupart des pays, elle est riche en acides aminés essentiels ainsi qu’en vitamines et minéraux. Ainsi, le tractus intestinal du poulet, en particulier le cæcum et le côlon, peut abriter un grand nombre de Campylobacter.
Le taux de contamination des carcasses varie d’un pays à l’autre, les études ont montré qu’au Maroc cette contamination de carcasses de poulet de chair est de 62% (Jouahri et al,, 2007), 70,7% aux USA (Zhao et al.,2001), 56% au Sénégal (Cardinale et al., 2003), 15% en Irlande (Whyte et al., 2004) et 71,3% en Brésil (Kuana et al.,2008). Si les données épidémiologiques sont nombreuses pour la filière poulet, il n’en est pas de même pour la filière dinde (Asmai et al., 2019).
Pathologies associées aux volailles
Malgré que Campylobacter soit un organisme commensal du tractus intestinal des oiseaux, elle peut provoquer des infections graves. Des disséminations extra-intestinales ont été reportées, notamment au niveau de la rate, du foie, du gésier ou du jabot (Meade et al., 2009). Ces infections extra-intestinales dépendent de nombreux facteurs, y compris la virulence, la quantité, l’hôte et d’autre part le système immunitaire de l’hôte. Campylobacter serait à l’origine d’une dégradation de la muqueuse intestinale des oiseaux entraînant des infections systémiques avec diarrhées (Sanyal et al., 1984), et indirectement des brûlures des pattes ou des pododermatites (Humphrey et al., 2014). Ces atteintes sont principalement observées chez les souches aviaires à croissance rapide qui atteignent leur poids d’abattage en 35 jours en comparaison avec des souches aviaires à croissance lente ou des animaux non infectés (Williams et al., 2013). Elles sont associées à des réponses inflammatoires prolongées.
Campylobacter chez l’homme
Campylobacter constitue un problème majeur en hygiène des aliments, les espèces Campylobacter jejuni et Campylobacter coli sont les espèces les plus associées aux cas de campylobactériose qui est une infection intestinale, dont les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre. Typiquement les premiers signes apparaissent après une incubation de 3-4 jours en moyenne voire plus et peuvent inclure une gastro-entérite aiguë caractérisée par une inflammation, des douleurs abdominales, une diarrhée muqueuse (Gallay et al., 2005) pouvant être sanglante (Ketley, 1997), accompagnée parfois, par de la fièvre, pouvant se compliquer de bactériémie.
L’infection par ce micro-organisme peut également déclencher autres syndromes post infectieux de type arthritique, d’inflammation hépatique ou rénale, et surtout du syndrome de Guillain-Barré qui se manifeste par une paralysie temporaire du système nerveux périphérique. Ce syndrome est réputé comme très sévère, avec une mortalité pouvant atteindre 2 à 3% des cas, et des séquelles neurologiques majeures pour 15 à 22% des cas.
Un autre syndrome peut aussi être développé connu sous le nom de syndrome de Miller Fisher qui est une variation du syndrome de Guillain-Barré caractérisé par une triade d’ataxie, d’ophtalmoplégie, et l’aréflexie. L’infection à Campylobacter peut également évoluer vers des arthrites. Le risque d’arthrite réactive après une infection par Campylobacter peut atteindre jusqu’à 16 % (Ajene et al., 2013).
Modalités de transmission à l’Homme
La transmission humaine se fait généralement d’une manière indirecte par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés c’est à dire d’origine alimentaire (OMS,2018). La consommation de la viande de volailles crue ou peu cuite joue un rôle intense dans cette transmission et constitue la principale cause de cas sporadiques. Cette transmission peut aussi se faire à travers les carcasses souillées au niveau de la peau, qui sont en contact avec d’autres aliments consommés crus. La consommation du lait non pasteurisé, d’eau non chloré ainsi que le manque d’hygiène dans les cuisines peuvent aussi entraîner une contamination chez l’homme (Davis et al., 2016; Ravel et al.,2016).
Une transmission directe peut aussi survenir via des animaux contaminés. Les fermiers, vétérinaires, personnels d’abattoirs, professionnels au contact d’eaux usées sont plus particulièrement exposés. Le contact avec des animaux de compagnie, ou via un environnement contaminé par des déjections d’oiseaux ou d’animaux dans des lieux récréatifs existe, et concerne surtout les enfants. La transmission interhumaine, plus rare, est possible et peut concerner les collectivités ou des environnements ou populations à conditions d’hygiène précaires.
DIAGNOSTIC ET TYPAGE EN LABORATOIRE
Le prélèvement de selle de patients atteints doit être réalisé dans un conteneur de selles stérile et transporté au laboratoire d’analyse dans un milieu de transport de type Cary-Blair pour éviter la dessiccation (Butzler, 2004).
Ainsi, le diagnostic au laboratoire se fait par coproculture. La méthode la plus connue pour isoler les Campylobacter à partir de prélèvements de selles est la culture sur milieux spécifiques, enrichis et sélectifs accompagnée par une incubation en atmosphère microaérophile (Butzler, 2004). Ces milieux sont divisés en deux : Les milieux au charbon actif qui fixent les dérivés oxygénés et les milieux contenant du sang enrichis en facteurs de croissance. Ces derniers comprennent des mélanges d’antibiotiques pour inhiber la croissance d’autres bactéries de contamination (Fitzgerald et al.,2016).
La culture par la filtration passive est une autre méthode d’isolement de Campylobacter, elle utilise la grande motilité de Campylobacter par rapport aux autres bactéries à l’aide de filtres de nitrate de cellulose ou d’acétate déposés sur milieux non sélectifs. Elle est largement utilisée dans des environnements aux ressources limitées (Butzler, 2004).
D’autres méthodes permettent d’identifier ou d’orienter sur le genre et parfois l’espèce en utilisant les caractéristiques phénotypiques, les différentes méthodes de PCR, l’identification par spectrométrie de masse. On trouve aussi des tests immuno-enzymatiques qui ont été développés utilisant la méthode ELISA (Enzyme Linked Immunosorbent Assay) ou des tests imuno-chromatographiques.
La recherche d’anticorps sanguins par sérologie présente aussi un intérêt pour confirmer l’étiologie d’un syndrome post-infectieux (Syndrome de Guillain-Barré, arthrite réactionnelle).
En ce qui concerne le typage, il s’agit d’une méthode qui a un intérêt surtout épidémiologique, en effet il comprend plusieurs procédés qui reposent sur des identifications phénotypiques et génotypiques au même temps. Il existe deux méthodes qui ont été développées dans les années 80, l’une basée sur les antigènes thermostables utilisant une réaction d’hémagglutination passive (Penner et Hennessy, 1980; Penner et al., 1983) et l’autre basée sur les antigènes protéiques thermolabiles utilisant une réaction d’agglutination sur lame (Lior et al., 1982).
D’autres approches bio-informatiques fondées sur l’analyse de génomes complets sont toujours en cours de développement et permettront à l’avenir des analyses plus fines.
TRAITEMENT
L’entérite à Campylobacter est souvent une infection autolimitée qui ne nécessite pas de traitement antimicrobien. Cependant une intervention rapide est nécessaire en cas des diarrhées infectieuses pour éviter la déshydratation et maintenir l’équilibre électrolytique surtout chez les nourrissons et les sujets âgés. En cas de signes de gravité ou d’infections persistantes ou récidivantes (fièvre, diarrhée sanglante, syndrome dysentérique, absence d’amélioration et les bactériémies) et chez les patients immunodéprimés, (par exemple, les patients atteints du VIH, d’agammaglobulinémie ou les femmes enceintes), le traitement antibiotique est indiqué (Butzler, 2004; McDonald et Gruslin, 2001) dans le but d’éradiquer la bactérie. Les antibiotiques macrolides (par exemple érythromycine, clarithromycine, azithromycine) sont largement utilisés ainsi que l’amoxicilline, les fluoroquinolones ou les tétracyclines après avoir évaluer leur sensibilité par antibiogramme.
RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Bien que la plupart des patients infectés par Campylobacter se rétablissent sans traitement spécifique autre que le remplacement des fluides perdus et des électrolytes, les antibiotiques restent indispensables dans le cas les plus graves. Malheureusement la résistance antimicrobienne des bactéries provenant d’aliments d’origine animale y compris Campylobacter est devenue ces dernières années une menace majeure pour la santé publique dans le monde entier (Allos, 2001; Moore et al., 2006; OMS, 2015).
L’utilisation aveugle de ces antibiotiques en médecine vétérinaire et comme stimulateurs de croissance dans la production avicole influence directement la résistance antimicrobienne (Alfredson et Korolik, 2007; Mor-Mur et Yuste, 2010; Iovine, 2013). Par conséquent de nouvelles méthodes de traitement des infections de Campylobacter doivent être développées.
Campylobacter présente plusieurs mécanismes de résistance lui conférant une résistance aux principales classes d’agents antimicrobiens tels que les macrolides, les quinolones, les tétracyclines, les β-lactames et les aminoglycosides (Wieczorek et Osek, 2013) (Tableau 2).
Quatre mécanismes principaux sont impliqués dans cette résistance aux antibiotiques, ils sont dus à:
• Des modifications de cible ou de son expression (c’est-à-dire les mutations de l’ADN gyrase) pour la résistance aux fluoroquinolones, aux macrolides et à la tétracycline;
• De l’efflux médié par la pompe CmeABC pour la résistance aux 3 molécules précédemment citées et aux b-lactamines;
• De l’inactivation enzymatique (c’est-à-dire la production de β-lactamase) pour les b-lactamines et les aminosides;
• De l’imperméabilité des Major Outer Membrane Protein (MOMP) qui empêche de l’antimicrobien à atteindre sa cible pour certaines b-lactamines (Luangtongkum et al., 2009).
CONCLUSION
Longtemps ignorée, les infections à Campylobacter sont maintenant un problème majeur de santé publique. La volaille est identifiée comme le principal responsable. Cette infection est reconnue comme la première cause d’infection intestinale bactérienne dans le monde par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FOA), l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) et le Centre européen de prévention et contrôle des maladies (EDCD). Le traitement des cas sévères notamment d’ordre immunologique nécessite l’utilisation des antibiotiques qui permettent d’éradiquer la bactérie. Toutefois l’émergence de la résistance aux antibiotiques est sûrement une cause d’inquiétude.
L’absence aussi de programmes de surveillance conduit au manque de données scientifiques nécessaires pour, communiquer avec les vétérinaires et les éleveurs et soutenir les politiques de développement durable, ainsi que les mesures de prévention ne sont pas toujours efficaces pour faire face à ce problème.
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